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07/08/2024 | FRANCE | N°24/01385

France | France, Tribunal judiciaire de Versailles, Juge loyers commerciaux, 07 août 2024, 24/01385


Minute n°


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES

LOYERS COMMERCIAUX

JUGEMENT DU 07 AOÛT 2024




N° RG 24/01385 - N° Portalis DB22-W-B7I-R3XM
Code NAC : 30C




DEMANDERESSE

La société SCI FAMILIALE DU [Adresse 1], société civile immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de VERSAILLES sous le numéro 433 455 359 dont le siège social est situé [Adresse 1], représentée par son gérant, Monsieur [D] [H],

représentée par Maître Edith COGNY, avocat plaidant/postulant au barreau de VERSAILLES.

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DÉFENDERESSE

La société REVERT SAS, société par actions simplifiée immatriculée
au Registre du Commerce et des Sociétés de VERSAILLES sous...

Minute n°

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES

LOYERS COMMERCIAUX

JUGEMENT DU 07 AOÛT 2024

N° RG 24/01385 - N° Portalis DB22-W-B7I-R3XM
Code NAC : 30C

DEMANDERESSE

La société SCI FAMILIALE DU [Adresse 1], société civile immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de VERSAILLES sous le numéro 433 455 359 dont le siège social est situé [Adresse 1], représentée par son gérant, Monsieur [D] [H],

représentée par Maître Edith COGNY, avocat plaidant/postulant au barreau de VERSAILLES.

DÉFENDERESSE

La société REVERT SAS, société par actions simplifiée immatriculée
au Registre du Commerce et des Sociétés de VERSAILLES sous le numéro 589 801 729 dont le siège social est situé [Adresse 2], prise en la personne de son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège,

représentée par Maître Nicolas SIMONY de la SELARL NS AVOCAT, avocat plaidant/postulant au barreau de VERSAILLES, substitué à l’audience par Maître Manel GHARBI

DÉBATS :

Madame GARDE, Juge, siégeant par délégation de Monsieur le Président du Tribunal Judiciaire de VERSAILLES, et statuant en matière de loyers commerciaux, conformément aux dispositions de l’article R. 145-23 du Code de Commerce, assistée de Madame LOPES DOS SANTOS, Greffier.

Lors de l’audience du 27 Juin 2024, l’affaire a été mise en délibéré pour que le jugement soit rendu ce jour.

* * * * * *

EXPOSE DU LITIGE

Aux termes d’un acte sous seing privé en date du 12 mars 2013, la SCI Familiale du [Adresse 1] a donné à bail commercial en renouvellement à la société Revert divers locaux situés [Adresse 1] et
[Adresse 2], à destination de tous commerces sauf exceptions, pour une durée de neuf années à compter du 1er octobre 2012, moyennant un loyer annuel de 51.000 € en principal.

Par avenant signé le 5 juin 2016, les parties sont convenues de réduire l’assiette du bail et, corrélativement, le montant du loyer qui a été fixé à 46.073 € en principal.

Arrivé à échéance, le bail s’est poursuivi par tacite prolongation.

Par acte signifié le 16 avril 2022, la société Revert a demandé le renouvellement de son bail à compter du 1er avril 2022, ce que la SCI Familiale du [Adresse 1] a accepté moyennant la fixation du loyer du bail renouvelé à la somme de 80.000 €.

Les parties ne sont pas parvenues à un règlement amiable de leur différend.

C’est dans ces conditions qu’après lui avoir notifié un mémoire préalable dont l’accusé de réception a été signé le 16 décembre 2023, la SCI Familiale du [Adresse 1] a, par exploit introductif d’instance signifié le
23 février 2024, attrait la société Revert devant le juge des loyers commerciaux de Versailles en fixation du montant du loyer du bail renouvelé à compter du 1er juillet 2022 à la somme de 101.000 € ou à dire d’expert.

Aux termes de son dernier mémoire, notifié à la société Revert par lettre recommandée dont l’accusé de réception a été signé le 21 mai 2024, la SCI Familiale du [Adresse 1] demande au juge des loyers commerciaux de :

- Fixer le loyer annuel à 101.000 € en principal à compter du 1er juillet 2022,
- Subsidiairement, le fixer à hauteur de 57.481,63 €.

La SCI Familiale du [Adresse 1] expose, au visa des articles L. 145-33 et L. 145-34 du code de commerce, que la modification notable des obligations respectives des parties au cours du bail expiré peut justifier le déplafonnement du montant du loyer du bail renouvelé. Elle observe, en l’espèce, que le montant de la taxe foncière dont elle est redevable a augmenté de 85 % en 10 ans, ce qui suffit à déroger à la règle du plafonnement, la consistance des locaux loués n’ayant aucune incidence sur ce point. Elle retient une surface pondérée de 202 m2 et un prix unitaire de 500 € / m2p eu égard à l’indicateur Callon, pour une valeur locative de 101.000 € par an.

Elle réplique que le loyer de base au 1er octobre 2012 était de 51.000 € et non de 46.073 €, de sorte qu’à titre subsidiaire, le loyer du bail renouvelé devrait être fixé à la somme de 57.481,63 €.

Aux termes de son dernier mémoire, notifié à la SCI Familiale du [Adresse 1] par lettre recommandée dont l’accusé de réception a été signé le 29 mars 2024, la société Revert demande au juge des loyers commerciaux de :

- Débouter la SCI Familiale de toutes ses demandes,
- Fixer le loyer des locaux loués à la société Revert en renouvellement au
1er juillet 2022 sur la base de 51.282,04 € par an en principal, les autres clauses et conditions du bail et de son avenant demeurant inchangées,
- Condamner la SCI Familiale en tous les dépens.

La société Revert rappelle que la consistance des locaux donnés à bail a été profondément modifiée au cours du bail expiré alors même que le bailleur possède plusieurs locaux au sein de l’ensemble immobilier. Elle considère, dès lors, que la part de l’impôt foncier attachée aux locaux litigieux n’est ni déterminée ni déterminable. Elle ajoute que l’augmentation alléguée de 85 % de l’impôt foncier couvre une période de dix années, soit 6,35 % par an (en incluant les taxes additionnelles). Elle conteste, par conséquent, le caractère notable de cette évolution ainsi que la charge disproportionnée qu’elle représenterait pour le bailleur.

MOTIFS

Sur la fixation judiciaire du montant du loyer du bail renouvelé

En application de l’article L.145-33 du code de commerce, le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative. A défaut d’accord, cette valeur est déterminée d’après :

1° les caractéristiques du local considéré ;
2° la destination des lieux ;
3° les obligations respectives des parties ;
4° les facteurs locaux de commercialité ;
5° les prix couramment pratiqués dans le voisinage.

L’article L. 145-34 du code de commerce dispose qu’à moins d'une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article
L. 145-33, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d'effet du bail à renouveler, si sa durée n'est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation, intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires mentionnés aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 112-2 du code monétaire et financier, publiés par l'Institut national de la statistique et des études économiques. A défaut de clause contractuelle fixant le trimestre de référence de cet indice, il y a lieu de prendre en compte la variation de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires, calculée sur la période de neuf ans antérieure au dernier indice publié.
En cas de renouvellement postérieur à la date initialement prévue d'expiration du bail, cette variation est calculée à partir du dernier indice publié, pour une période d'une durée égale à celle qui s'est écoulée entre la date initiale du bail et la date de son renouvellement effectif.
Les dispositions de l'alinéa ci-dessus ne sont plus applicables lorsque, par l'effet d'une tacite prolongation, la durée du bail excède douze ans.
En cas de modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33 ou s'il est fait exception aux règles de plafonnement par suite d'une clause du contrat relative à la durée du bail, la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente.

Sur le plafond légal à la date d’effet du renouvellement

En l’espèce, le contrat de bail a eu une durée, par l’effet de la tacite prolongation, de 9 années et 3 trimestres (1er octobre 2012 - 30 juin 2022).

Le plafond légal se calcule donc de la manière suivante :
loyer de base x indice publié à la date de renouvellement du bail / indice en vigueur 9 années et 3 trimestres plus tôt.

Au 1er octobre 2012, le bail a été consenti moyennant un loyer annuel de 51.000 €. Puis, par avenant du 5 juillet 2016, une réduction de l’assiette du bail et du montant du loyer a été actée. Les parties sont alors convenues de ne pas en tenir compte pour les modalités de fixation du loyer du bail renouvelé.

L’article L. 145-34 du code de commerce prévoyant que le plafond légal de renouvellement doit être calculé à partir de la “fixation initiale du loyer du bail expiré”, c’est le loyer de base, de 51.000 €, qui servira de référence.

51.000 x 120,61 / 107,65 = 57.139,90 €

Le plafond légal s’élève ainsi, au 1er juillet 2022, à la somme de 57.139,90 €.

Les parties considérant que la valeur locative des locaux au 1er juillet 2022 est au moins égale au plafond indiciaire, la question relative à un éventuel motif de déplafonnement sera tranchée dès à présent.

Sur la modification notable des obligations respectives des parties

L’article R. 145-8, alinéa 2, du code de commerce indique que les obligations découlant de la loi et génératrices de charges pour l'une ou l'autre partie depuis la dernière fixation du prix peuvent être invoquées par celui qui est tenu de les assumer.

Les dispositions légales mettent à la charge du bailleur l’impôt foncier.

En l’espèce, seul l’avenant au contrat de bail signé le 5 juillet 2016 est produit. Toutefois, les parties ne contestent pas que l’impôt foncier est réglé par la SCI Familiale du [Adresse 1].

L’immeuble dont dépendent les locaux donnés à bail est soumis au statut de la copropriété, comme en atteste l’article 1 “Désignation” de l’avenant, selon lequel les locaux loués représentent 168 millièmes de la copropriété. En outre, il résulte des pièces versées aux débats que la société Revert n’occupe que certains des locaux détenus par la SCI bailleresse : au moins deux pièces de 15,05 m2 et 13 m2 ont été restituées lors de la signature de l’avenant du
5 juillet 2016.

Aussi appartient-il à la SCI Familiale du [Adresse 1] de rapporter la preuve d’une modification notable, au cours du bail expiré, du montant de l’impôt foncier afférent aux seuls locaux loués dont elle est redevable.

Pour ce faire, elle produit ses avis d’impôt foncier de 2012 (2.264 €) à 2022 (4.194 €) et conclut à une hausse de 85 % sur la période. Elle ne procède cependant à aucune ventilation des sommes dues en distinguant les
biens / surfaces dont elle est propriétaire (aucun titre de propriété n’étant versé aux débats) et les biens / surfaces donnés à bail à la société Revert (étant observé que l’assiette des locaux a été réduite au cours du bail expiré). Or, cette donnée est indispensable pour déterminer l’incidence de la hausse alléguée de l’impôt foncier sur les revenus locatifs qu’elle est susceptible de percevoir et, partant, apprécier la modification notable des obligations respectives des parties au sens de l’article L. 145-8 du code de commerce.

Par conséquent, à défaut de rapporter la preuve qui lui incombe, la SCI Familiale du [Adresse 1] sera déboutée de ses prétentions. Corrélativement, le montant du loyer du bail renouvelé sera fixé au plafond légal à la date d’effet du renouvellement, soit 57.139,90 €.

Sur les autres demandes

Sur les dépens

Conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

La SCI Familiale du [Adresse 1], qui succombe en ses demandes, sera condamnée aux dépens de l’instance.

Sur l’exécution provisoire

En application de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la décision rendue n’en dispose autrement.

PAR CES MOTIFS

Le Juge des loyers commerciaux, statuant publiquement, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort,

FIXE, à compter du 1er juillet 2022, le montant du loyer du bail renouvelé liant les parties pour les locaux situés [Adresse 1] et [Adresse 2] au plafond légal, soit 57.139,90 €,

CONDAMNE la SCI Familiale du [Adresse 1] aux dépens de l’instance,

RAPPELLE que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit.

Ainsi fait, jugé et prononcé par mise à disposition au greffe le 07 AOÛT 2024, par Madame GARDE, Juge des Loyers Commerciaux, assistée de Madame LOPES DOS SANTOS, Greffier, lesquelles ont signé la minute du présent jugement.

LE GREFFIER LE JUGE DES LOYERS COMMERCIAUX
Carla LOPES DOS SANTOS Angéline GARDE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Versailles
Formation : Juge loyers commerciaux
Numéro d'arrêt : 24/01385
Date de la décision : 07/08/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 13/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-08-07;24.01385 ?
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