Ohadata J-02-151 - SAISIE CONSERVATOIRE – NECESSITE D’UNE CREANCE FONDEE EN SON PRINCIPE – RECONNAISSANCE PAR LE DEBITEUR DE SA DETTE SOUS RESERVE DE FAIRE LES COMPTES AVEC SON CREANCIER – CREANCE JUSTIFIEE EN SON PRINCIPE (OUI) – ARTICLE 54 AUPSRVE. - SAISIE CONSERVATOIRE – NECESSITE DE PROTEGER UNE CREANCE MENACEE DE PERIL – PERIL NON DEMONTRE PAR LE CREANCIER – MAINLEVEE DE LA SAISIE CONSERVATOIRE – ARTICLE 54 AUPSRVE. La reconnaissance de sa dette par le débiteur sous réserve de faire les comptes avec son créancier pour en déterminer le montant exact et définitif, constitue une créance fondée en son principe telle que l’exige l’article 54 AUPSRVE pour justifier une saisie conservatoire. Le même article exigeant que la saisie conservatoire soit justifiée par la menace d’un péril imminent pesant sur la créance, le créancier qui n’établit pas que le recouvrement de celle-ci est exposé au risque imminent d’insolvabilité de son débiteur ayant pour conséquence l’impossibilité totale de la recouvrer, ne justifie pas cette seconde condition de l’article 54 AUPSRVE. (Cour d’Appel de Port-Gentil, Chambre civile et commerciale, arrêt de référé n° 60/98-99 du 28 avril 1999, Sté EFG c/ CAGRINO ). ___________________________________________________________________________ REPUBLIQUE GABONAISE ___________ COUR D’APPEL JUDICIAIRE DE PORT-GENTIL ____________ Affaire : La Société EFG ( Me OKEMVELE ) contre La Société CAGRINO ( Mes NDIMINE et AGONDJO ). ARRET (REFERES) DU 28 AVRIL 1999 Parties en cause : 1./ La Société Exploitation Forestière du Gabon dite en abrégé E.F.G., agissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal, Monsieur B, demeurant B.P.988 Libreville ; APPELANTE ; Assistée de Maître OKENVELE, Avocat au Barreau National du Gabon ; 2./ La Société CAGRINO, agissant poursuites et diligences de son représentant légal, Me KOMBILE SOUTHE ; INTIMEE ; Assistée de Maîtres NDIMINE et AGONDJO, Avocats au Barreau National du Gabon ; 1 LA COUR : Statuant sur l’appel à jour fixe régulièrement interjeté par la société EFG d’une ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal de Mouila, qui a rejeté la demande de mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée à la requête de la société CAGRINO ; Les faits et la procédure antérieure sont les suivants : Par ordonnance sur requête du 02 octobre 1998, la société GAGRINO a été autorisée à pratiquer une saisie conservatoire sur un certain nombre d’engins appartenant à la société EFG, pour garantir une créance évaluée en principal, intérêts et frais à 254.000.000 F ; Cette saisie a été dénoncée et suivie de la délivrance d’une assignation en validité devant le tribunal de Mouila ; Par jugement du 02 avril 1999, ce même tribunal statuant sur une exception de procédure soulevée par la société EFG, rejetait la demande de nullité de l’ordonnance présidentielle autorisant la saisie conservatoire ; Cette même décision autorisait la société GAGRINO a réitérer la procédure de saisie conservatoire dans les termes de l’ordonnance du 02 octobre 1998 ; Le 06 avril 1999, l’agent d’exécution du tribunal de Mouila exécutait ce jugement en pratiquant saisie conservatoire au préjudice de la société EFG ; Cette dernière saisissait alors le juge des référés aux fins de voir ordonner la mainlevée de ladite saisie ; Par ordonnance du 12 avril, le juge saisi déboutait la société EFG de sa demande ; Appelante de cette décision, la société EFG prétend : - que c’est en violation des conditions applicables à la saisie conservatoire - caractère certain de la créance et péril dans le recouvrement - que la société GAGRINO a fait procéder à la saisie conservatoire ; - qu’il n’y a pas de difficulté de recouvrement, mais qu’en réalité, elle a invité à plusieurs reprises la société GAGRINO à faire les comptes ; Elle conclut donc à l’infirmation de l’ordonnance entreprise. La société GAGRINO, de son côté, rétorque : - que sa créance est constituée par des arriérés de redevances dues au titre d’une convention de fermage conclue avec la société EFG ; - que le recouvrement de celle-ci est en péril ; - que la société EFG ne subit aucun préjudice lié à cette saisie. SUR CE, 1.- SUR LE MOYEN TIRE DU CARACTERE CERTAIN DE LA CREANCE. Considérant que les voies d’exécution sont désormais régies au Gabon par l’Acte uniforme relatif aux procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ; Considérant que l’article 54 de cet acte prévoit que toute personne disposant d’une créance fondée en son principe peut être autorisée à saisir conservatoirement ; 2 Considérant qu’il résulte des éléments de la cause, notamment de ses propres écritures, que la société EFG reconnaît, sous réserve des comptes à faire entre les parties, devoir à la société GAGRINO une certaine somme d’argent ; Considérant que cet aveu est suffisant pour dire que la partie poursuivante justifie d’une créance paraissant fondée en son principe comme l’exige la loi ; Que ce moyen sera donc écarté. 2.- SUR LE MOYEN TIRE DU PERIL DANS LE RECOUVREMENT DE LA CREANCE. Considérant que si l’article 54 précité dispose que pour être valable la saisie conservatoire doit se référer à une créance fondée en son principe, il prévoit cependant que la partie poursuivante puisse justifier des circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement ; Considérant que le péril, selon la jurisprudence, ne peut résulter que d’un risque imminent d’insolvabilité de l’adversaire ayant pour conséquence l’impossibilité totale de recouvrement de la créance litigieuse ; Considérant qu’à l’appui de sa requête, la société GAGRINO se borne à affirmer qu’elle est créancière de la société EFG, sans apporter la preuve aux débats du péril ou de la menace pesant sur le recouvrement de la créance ; Que dès lors, le premier juge a fait une interprétation erronée des prescriptions applicables en la cause ; Qu’il y a lieu par voie de conséquence, de donner mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée. PAR CES MOTIFS : Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en dernier ressort ; Vu les dispositions de l’article 54 de l’Acte uniforme relatif aux procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ; - infirme l’ordonnance entreprise. Statuant à nouveau : - constate que la société GAGRINO n’apporte pas la preuve aux débats du péril ou de la menace pesant sur le recouvrement de sa créance ; - donne par conséquent mainlevée de la saisie pratiquée le 06 avril 1999 ; - dit que le présent arrêt sera exécutoire immédiatement, même sur minute avant signification ; - condamne la société GAGRINO aux dépens. Et avons signé le Président et le Greffier./ ___________________________________________________________________________ 3 Observations de Aa A, Professeur agrégé, Consultant. ________ 1.- On ne peut qu’approuver la première motivation de la CA de Port-Gentil concernant l’existence d’une créance fondée en son principe. L’aveu est la preuve absolue de cette existence… mais en son principe seulement, si l’auteur de l’aveu assortit sa reconnaissance d’une réserve (l’aveu est indivisible) : la nécessité de faire les comptes entre les parties. 2.- Mais cette condition n’est pas la seule posée par l’article 54 AUVE qui ajoute, pour fonder une saisie conservatoire, la nécessité que la créance soit exposée à un péril imminent. La CA définit ce péril imminent comme étant le risque d’insolvabilité du débiteur ayant pour conséquence l’impossibilité de recouvrer totalement la créance litigieuse. Cette définition mérite qu’on s’y arrête car, prise à la lettre, elle risque de vouer la plupart des saisies conservatoires à l’échec. En effet, l’insolvabilité consiste dans l’état du patrimoine du débiteur, dans lequel le passif est supérieur à l’actif. Comment faire cette démonstration sans recourir à une expertise ? Par ailleurs, sans être insolvable, au sens que nous venons de décrire, le débiteur peut être dans l’incapacité de payer, faute de liquidité, et la créance court le risque de ne pas être payée, sans même que le débiteur soit (ou puisse être) déclaré en cessation des paiements et faire l’objet d’une procédure collective d’apurement du passif. Faut-il, en plus, pour que le péril soit retenu, que le créancier démontre que l’insolvabilité de son débiteur expose la créance à un défaut total de paiement ? Un paiement partiellement impossible ne suffirait-il pas à constituer le péril dont parle l’article 54 AUVE ? Il me semble qu’il faille, finalement, distinguer quatre hypothèses. La première est celle où le créancier dispose d’un titre exécutoire constatant donc une créance certaine, liquide et exigible. Il peut procéder soit à une saisie vente, soit à une saisie conservatoire (qui peut le plus peut le moins) sans avoir à justifier que sa créance est exposée à un péril quelconque. La seconde est celle où le créancier dispose d’un titre non exécutoire mais constatant une créance certaine, liquide et exigible (une reconnaissance de dette, assortie d’aucune réserve sur ces trois caractères) ; dans ce cas, le seul fait pour le débiteur de ne pas payer, expose la créance au péril de ne pas être payée, puisque le débiteur ne veut pas ou ne peut pas payer alors que la créance est exigible. Il me semble justifié, dans ce cas, que le créancier puisse procéder à une saisie conservatoire sans avoir à démontrer quelque péril que ce soit pesant sur sa créance. La troisième situation est celle de l’espèce dont la CA a eu à connaître : le créancier dispose d’un titre constatant le principe de sa créance, mais elle n’est pas encore liquidée, donc pas exigible. Ce n’est que dans cette situation qu’on doit exiger la condition du péril imminent, seule circonstance propre à justifier l’initiative conservatoire du créancier. Le quatrième cas serait celui où le créancier dispose d'un titre constatant une créance certaine, liquide mais non encore exigible. Dans ce cas, également, la saisie conservatoire se justifierait si la créance était menacée d'un péril grave et imminent. __________ 4