COUR DE CASSATION
(DEUXIEME CHMABRE CIVILE)
16 Avril 1963
Assurances terrestres, paiement de la prime, prime quérable, à défaut de réclamation préalable au domicile de l'assuré, sommation de payer, effets.
British Traders Insurance c/Charif Mohammad Abou Said.
ARRET
La Deuxième Chambre Civile da la Cour de Cassation,
Statuant sur le pourvoi formé le 11.7.60 par la Société d'Assurances de la British Traders Insurance C0 contre MM. Charif Mohammad Abou Saïd et Mohammad Said Abou Said attaquant l'arrêt rendu par la Cour d'Appel de Beyrouth en date du 10.11.1960 ayant reçu l'appel en la forme, l'ayant rejeté au fond et confirmé le jugement de première instance,
Attendu que la demanderesse au pourvoi demande que son pourvoi soit reçu en la forme et au fond pour les moyens avancés par elle, qu'il soit statué à nouveau, que les demandeurs soient déboutes et qu'il soit jugé que la police d'assurance avait cessé de produire ses effets après l'écoulement du délai légal indiqué dans la sommation expédiée le 27 septembre 1956 et qu'elle n'était donc pas responsable de l'accident survenu le 8 novembre 1956,
Attendu que dans ses conclusions datées du 29.7.60 la défenderesse au pourvoi demande le rejet du pourvoi et la confirmation de l'arrêt attaqué,
Attendu que dans leurs conclusions subséquentes datées du 7.9.60 et du 1.10.0 les deux parties ont réitère leurs demandes précédentes,
En la forme:
Attendu que le pourvoi a été présenté dans le délai légal, remplissant les conditions de forme requises et qu'il est donc recevable en la forme:
Résumé des faits:
Attendu qu'en vertu d'une police d'assurance datée du 4.6.56 la demanderesse au pourvoi avait couvert la responsabilité des défendeurs au pourvoi vis-à-vis des tiers des faits de la voiture publique No 20358 Liban jusqu'à concurrence de la somme de Dix Mille Liv. Libanaises et pour une période d'un an expirant le 4.6.57,
Attendu qu'en date du 8.11.56 la voiture assurée conduite par le dénommé Elia Sabeh Farhat a renversé deux fillettes,
Attendu que les défendeurs au pourvoi, en tant que civilement responsables, avaient été mis en cause au procès pénal et en avaient avise la demanderesse par lettre recommandée datée du 19.12.56,
Attendu que cette dernière leur avait rétorqué que la police avait été résiliée suite à la sommation qu'elle leur avait adressée le 27 Sept. 1956 pour cause de non paiement de la prime échue,
Attendu que suite à l'accident survenu le 8.11.56 la Cour d'Appel Pénale avait condamné les défendeurs au pourvoi au paiement de la somme de 25.000 L.L. aux victimes de l'accident; que lesdits défendeurs avaient alors assigné la demanderesse au pourvoi demandant sa condamnation au paiement de sa quote-part dans ce montant en vertu de la police d'assurance,
Attendu que la Cour d'Appel, dans son arrêt attaqué, a donné suite à la demande des défendeurs au pourvoi, confirmant en cela le jugement de première instance,
Attendu que la demanderesse au pourvoi attaque ledit arrêt excipant des moyens suivants:
1.- L'erreur dans l'interprétation de l'art. 975 du Code des Obligations et des Contrats et défaut de base légale parce que les effets de l'assurance avaient été suspendus suite à la sommation adressée par la société le 27.9.56
2.- Contravention au paragraphe 4 de l'art. 974 du Code des Obligations et des Contrats, l'assuré n'ayant pas présenté à l'assureur une déclaration d'accident dans un délai de trois jours comme exigé à l'art. 5 de la police d'assurance.
3.- Contravention à la loi et défaut de base légale parce l'arrêt a interprété la mention figurant à la police d'assurance comme ne signifiant pas que l'assuré était tenu de se présenter en personne au siège de la Compagnie en vue du paiement de la prime.
4.- Erreur de droit et défaut de base légale dans l'arrêt attaqué, la Cour ayant jugé que la Compagnie n'avait procédé à aucune réclamation de la prime puisque celle-ci prétendait que l'assuré devait se présenter à ses bureaux en vue du paiement, alors que la Compagnie avait sommé les assurés par lettre recommandée et leur avait accordé le délai prévu à l'art. 975 du Code des Obligations et des contrats stipulant par ailleurs que les effets de l'assurance sont suspendus dix jours après l'expédition de la sommation.
5.- Erreur dans l'application d'un point de vue entièrement contraire à la loi dans tous les points de cette affaire ce qui rend l'arrêt attaqué dépourvu de base légale et sujet à cassation.
Sur le premier moyen:
Attendu que la demanderesse au pourvoi expose sous ce moyen que la Cour d'Appel a fait fi, dans l'arrêt attaqué, du paragraphe premier de l'art. 975 du Code des Obligations et des Contrats stipulant qu'en cas de non paiement par l'assuré de la prime, l'effet de la police est suspendu dix jours après sa sommation par lettre recommandée; que la Cour a commis une erreur en considérant que la demanderesse au pourvoi se devait d'essayer d'encaisser la prime non payée; parce que l'art. 975 englobe le cas où la prime est payable au domicile de l'assuré et celui où elle est payable au domicile de l'assureur et ne fait pas de différenciation entre les deux cas; qu'enfin elle a mélangé le cas de résiliation de la police, que l'assureur est en droit de réclamer après l'écoulement d'un délai de vingt jours suite du premier délai, et le cas de suspension des effets de la police qui découle automatiquement de l'envoi de la sommation et de l'écoulement de dix jours après son envoi,
Attendu que la sommation prévue à l'art. 975 du Code des Obligation et des Contrats, pour produire son effet suspensif, doit avoir été précédée d'une réclamation de la prime au domicile de l'assuré conformément au paragraphe premier dudit article, car il n'est pas possible de considérer l'assuré en retard et d'envisager l'envoi de la sommation écrite prévue à l'article précité, avant que le paiement de la prime ne lui ait été réclamé à son domicile, quand la prime est payable au lieu de son domicile,
Attendu que la sommation de payer ne suspend les effets de la police que si elle a été précédée d'une réclamation de paiement faite au domicile de l'assuré sans résultat,
Attendu que la demanderesse au pourvoi se basant sur une des clauses de la police prétend que l'assuré devait lui payer la prime à ses bureaux,
Attendu que ladite clause stipule que?le second paiement s'élevant à 115. - LL. viendra à échéance le 4 sept. 1956 et en cas de non paiement par vous à l'échéance vous serez responsable de vos accidents, ?
Attendu que rien dans cette clause ne permet de dire que l'assuré était tenu de porter le montant de la prime à la société et qu'une telle obligation ne peut être recherchée par déduction, comme l'a dit la Cour d'Appel, laquelle en sa qualité de juge du fond jouit du pouvoir d'interprétation de l'intention des parties et du sens qu'elles ont entendu donner aux textes, sans compter que dans les contrats d'assurances les textes doivent être explicites et ne prêter à aucune confusion,
Attendu qu'en jugeant que la société se devait de réclamer à l'assuré le paiement de la prime et en cas de défaillance de le sommer conformément à l'art. 975 du Code des Obligations et des Contrats et que cette sommation n'était productive d'effet que si elle avait été précédée d'une vaine réclamation la Cour d'Appel a sainement interprétée la loi, contrairement à la prétention de la demanderesse au pourvoi, étant donne que cette dernière n'a pas procédé à la réclamation du paiement de la prime avant l'envoi de la sommation, comme cela ressort du fait, qu'elle prétend que l'assuré était tenu de lui porter la prime, ce qui exclut une réclamation précédente de sa part,
Attendu, cela étant, qu'aucun effet ne peut être attaché à la sommation envoyée par la société demanderesse au pourvoi et prévue à l'article 975 du Code des obligations et des Contrats,
Attendu qu'il n'y a pas lieu de s'arrêter à la prétention de la demanderesse au pourvoi, que la Cour d'Appel a confondu la résiliation de la police et la suspension de ses effets parce que la résiliation et la suspension sont toutes les deux conditionnées par la sommation de l'assuré d'une façon légale et quand la sommation est inopérante en ce qui a trait à la résiliation de la police, elle l'est également en ce qui concerne la suspension de ses effets,
Attendu, d'autre part, que la Cour d'Appel en disant que la police n'avait pas été résiliée, pour les motifs adoptés par elle, a du même coup rejeté le moyen avance par la demanderesse au pourvoi relatif à la suspension des effets de la police,
Attendu que ce moyen est donc à rejeter,
Sur le second moyen:
Attendu que la demanderesse au pourvoi expose sous ce moyen que l'arrêt attaqué a contrevenu au texte du paragraphe quatrième de l'art. 974 du Code des Obligations et de l'art. 5 de la police qui imposent àl'assuré de déclarer à l'assureur l'accident dans un délai de trois jours de sa survenance et que le retard mis par l'assuré à lui déclarer l'accident objet du litige lui avait occasionné des dommages réels puisqu'elle n'avait pas pu procéder à une enquête et à des recherches pour établir les circonstances de l'accident,
Attendu que la Cour d'Appel et le Juge de première instance ont exclu que la demanderesse au pourvoi avait subi des dommages du fait de ce retard; que c'est là une question d'interprétation du ressort des juges du fond, sans compter que les défendeurs au pourvoi, comme cela ressort des pièces du dossier, avaient par leur lettre datée du 19.12.56 informé la demanderesse au pourvoi de la survenance de l'accident et lui avaient demandé d'assumer leur défense au procès pénal ajourné pour audition des témoins et qu'il était donc possible à ladite demanderesse de défendre au procès pénal, de discuter les témoignages et les rapports d'experts et de rechercher une transaction dans l'affaire,
Attendu que ce moyen est également à rejeter,
Sur le troisième moyen:
Attendu que la demanderesse au pourvoi reproche à l'arrêt attaqué d'avoir violé la loi et d'être dépourvu de base légale en ce qu'il a conclu que la mention portée à la police d'assurance n'implique pas que l'assuré était tenu de se présenter personnellement à la société pour le paiement de la prime,
Attendu que l'interprétation des contrats est du ressort des juges du fond,
Attendu qu'il n'est pas apparu que dans son interprétation de la clause de la police d'assurance stipulant que le second paiement échoit le 4 Sept. 1956 et qu'en cas de non paiement à l'échéance l'assuré demeure responsable de ses accident, la Cour d'Appel soit sortie du contenu du texte ou qu'elle en ait défiguré le sens, car il n'est pas possible en effet de conclure de ce texte que le paiement de la prime échue doive être effectué au domicile de l'assureur sans nécessité de réclamation précédente, ledit texte s'étant limité à indiquer la date de l'échéance sans préciser la nécessité du paiement en un lieu déterminé,
Attendu qu'il y a lieu de rejeter ce moyen,
Sur le quatrième moyen:
Attendu que la demanderesse reproche à l'arrêt attaqué d'avoir conclu qu'elle n'avait pas procédé à la réclamation préalable de la prime du fait qu'elle avait avancé que l'assuré se devait de lui porter la prime ce qui exclurait toute réclamation préalable de sa part,
Attendu que les prétentions avancées sous ce moyen sont à rejeter parce que la mise en demeure des défendeurs au pourvoi est intervenue avant toute réclamation tel que prévu à l'art 975 du Code des Obligations et des Contrats et selon les règles précisées par cette Cour dans sa motivation en réponse au premier moyen,
Sur le cinquième moyen:
Attendu que la demanderesse au pourvoi après avoir exposé en détail ses moyens, les a résumés en conclusion se son pourvoi et a fait état d'un cinquième moyen tiré de ce que la Cour d'Appel a mal jugé en appliquant, dans tous les compartiments de la présente affaire, une théorie contraire à la loi, rendant ainsi son arrêt démuni de toute base légale et sujet à cassation,
Attendu que ce moyen est à rejeter parce que n'indiquant pas l'article de loi et les autres points légaux violés par la Cour d'Appel, sans compter qu'il est absolu et constitue une répétition des autres moyens auxquels la Cour d'Appel a répondu en détail,
Par ces motifs,
Reçoit le pourvoi en la forme,
La rejette au fond,
Confirme l'arrêt attaqué..
Président: M. Zehdi Yakon
Conseillers: MM. Gabriel Khlat- Victor Philippidès