COUR DE CASSATION
(PREMIERE CHAMBRE)
19 Juin 1969
1- Droit maritime: Transport maritime, propriétaire de la marchandise, pas nécessairement le bénéficiaire du bon de livraison, autres preuves possibles.
2- Agent du navire, est également consignataire de la cargaison.
1- La personne à l'ordre de laquelle est endossé le bon de livraison n'est pas nécessairement le propriétaire de la marchandise. Cette propriété peut être prouvée à l'aide d'autres documents et notamment de factures émises au nom du destinataire.
2- l'agent maritime est consignataire de la cargaison et représente en conséquence son propriétaire.
Ste. de gestion et d'Exploitation du Port de Beyrouth c / Geriess et Cie.
ARRET 79
La Première Chambre de la Cour de Cassation,
Considérant l'arrêt de cassation rendu le 6 Novembre 1967 et les conclusions présentées par les parties,
En la forme:
Attendu que le pourvoi n'a pas porté sur la recevabilité en la forme des deux appels et que l'arrêt d'appel a par conséquent acquis l'autorité de la chose jugée à cet égard,
Au fond:
Attendu qu'il y a lieu de trancher les questions suivantes:
1- L'arrêt de cassation implique-t-il l'autorité de la chose jugée en ce qui concerne la qualité d'agir en justice de la société Geriess?
2- Dans la négative ladite société peut-elle être considérée propriétaire de la marchandise litigieuse?
3- Dans l'affirmative la Cie. du Port peut-elle être tenue responsable de la non livraison de la marchandise à la société?
4- La société Levant Express est-elle responsable de ce fait?
5- Quel est le montant de la réparation à laquelle a droit la société Gereiss?
Sur la première question:
Attendu que l'arrêt de cassation comporte que la personne a l'ordre de laquelle est endosse le bon de livraison n'est pas obligatoirement propriétaire de la marchandise, qu'en reconnaissant à la société Gereiss le droit d'agir en réclamation de la valeur de la marchandise pour la simple raison que le bon de livraison avait été endosse à son nom et sans s'assurer de son droit de propriété, la Cour d'Appel a mal interprète l'article 201 du Code de Commerce et l'article 107 du Code des Douanes et a démuni son arrêt de base légale.
Attendu que du moment que l'arrêt de cassation n'a pas conclu que la société Gereiss n'était pas propriétaire de la marchandise il demeure qu'est infondée la prétention que l'examen de ce droit de propriété se heurte à l'autorité de la chose jugée,
Sur la seconde question:
Attendu qu'il ressort de la lettre de la société de transports El Cheikh datée du 25-3-69 produite par la société Gereiss a la demande de la Cour que ladite société de transports n'était pas la destinataire de la marchandise, que son rôle se limite au transport international, que vu l'inexistence de registres auprès d'elle il ne lui est pas possible de savoir a qui était destinée l'expédition mais qu'il arrive que l'importateur annule la formalité de transport et récupère le bon de livraison après qu'il ait été endosse a son nom ou au nom de la personne désignée par lui,
Attendu, eu égard au contenu de cette lettre et aux autres documents produits par la société Gereiss et notamment les factures émises à son nom mentionnant la marque, le poids et numéros de la marchandise; la lettre à elle adressée par la Levant Express en date du 15-3-61 lui demandant la remise de Bagdad et de la lui livrer et compte tenu de la présomption découlant de la possession par la société Gereiss d'une copie du connaissement à ordre couvrant la marchandise litigieuse, la Cour estime que la société Gereiss est en fait propriétaire de la marchandise objet du litige,
Su la troisième question:
Attendu qu'il est avère que la marchandise a été admise dans les entrepôts portuaires en vertu de fiches d'entrée signées par un préposé de la Compagnie du Port et par l'agent maritime,
Attendu que ces fiches mentionnent la marque de la marchandise,
Attendu que l'agent maritime, qui a signé les fiches d'entrée, est consignataire de la marchandise et représente en conséquence son propriétaire et que si une erreur a été commise dans les fiches d'entrée sans protestation de l'agent maritime, la Cie. du Port n'en est pas responsable, sa responsabilité étant liée par les fiches d'entrée seulement,
Attendu que la Cie. du Port n'est pas tenue de peser la marchandise, sauf cas spéciaux énumérés dans ses statuts et qui n'entrent pas dans le cadre de présente affaire,
Attendu qu'il y a lieu de dégager la responsabilité de la Cie, du Port du fait qu'elle a livre la marchandise litigieuse à la Levant Express en même temps que la marchandise destinée à cette dernière et portant la même marque,
Sur la quatrième question:
Attendu que la Levant Express a déclaré dans ses conclusions de première instance datées du 24-1-69 qu'elle avait exécuté sa mission en expédiant les colis en sa possession au destinataire et qu'elle avait le 14-10-60 envoyé les caisses à Bagdad après s'être assurée de leur concordance avec le bon de livraison,
Attendu que la Levant Express ne peut donc se dégager de la responsabilité de la prise de livraison de la marchandise et la rejeter sur l'Office des chemins de fer,
Attendu que la Levant Express elle-même, dans sa lettre du 15-3-61 à Gereiss et dans sa lettre du 6-6-61 à la Cie. du Port reconnaît avoir pris livraison de la marchandise litigieuse et se déclare prête à la retourner, étant donne qu'elle avait été expédiée par erreur à Bagdad,
Attendu que la responsabilité de cette société découle de son manque d'attention au moment de la prise de livraison de la marchandise au moins en ce qui concerne la constatation du poids qui était totalement différent de celui de la marchandise qu'elle était chargée de recevoir,
Attendu que cette société est en conséquence tenue à réparation,
Sur la cinquième question:
Attendu que la Cour adopte à cet égard les conclusions du jugement de première instance,
Par ces motifs:
Infirme et condamne..
Président: M. Chafic Hatem.
Conseillers: MM. Ghanem et Farran.