La Cour,
Statuant sur les pourvois séparés formés par : 1° dame RIVERT et 2° l'entreprise MONLOUP contre une arrêt de la Cour d'Appel de Madagascar du22 novembre1967, qui a, d'une part, mis à la charge de la dite dame le coût des travaux supplémentaires effectués pour son compte par l'entreprise MONLOUP, et, d'autre part, déclaré irrecevable, comme tardif, l'appel interjeté par celle-ci contre le jugement du 30 novembre 1964, qui l'avait déboutée de sa demande en garantie dirigée contre l'architecte GENDRY.
Joint les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits ;
Sur le pourvoi formé par l'Entreprise MONLOUP ;
Sur le moyen unique de la cassation pris de la violation de l'article 5 de la loi n° 61-013 du 19 juillet 1961 et de l'article 400 du Code de Procédure Civile ; en ce que la Cour d'Appel a estimé que la signification par le demandeur au premier défendeur faisait courir le délai d'appel au profit du second, alors qu'il n'y avait pas indivisibilité en la cause, une telle indivisibilité ne pouvant résulter de la demande en garantie formée contre ce second défendeur ;
Vu lesdits textes ;
Attendu que le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable comme tardif l'appel interjeté par la demanderesse du chef du jugement du tribunal civil de Tananarive, en date du 30 novembre 1964, qui avait rejeté sa demande de mise en cause de L'architecte GENDRY, en vue de garantir l'exécution de la condamnation au paiement du prix des travaux supplémentaires sollicités à l'encontre de dame RIVERT ;
Attendu que la Cour d'Appel s'est , en effet, fondée à cet égard, sur ce motif que la signification faite à la seule dame A avait eu pour effet de faire courir au profit de l'autre partie, le sieur GENDRY, le délai d'appel à l'encontre de la demanderesse au pourvoi ;
Mais attendu que, si aux termes de l'article 400 du Code de Procédure Civile le délai d'appel court à l'encontre de celui qui a signifié le jugement du jour de cette signification, il ne s'ensuit pas que cette disposition légale profite à une partie au procès autre que celle qui a été signifiée ; qu'au contraire une telle signification n'a d'effet, hors la cas d'invisibilité ou de solidarité, qu'à l'égard du seul signifié ou de toute partie qu'il représente dans l'instance ;
Attendu, dès lors, qu'en statuant comme elle l'a fait, sans préciser les circonstances de la cause desquelles il serait résulté que la signification du jugement à une seule des parties et non à l'intime lui-même aurait cependant profité à ce dernier, la Cour d'Appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Qu'il s'ensuit donc que le moyen apparaît fondé ;
Sur le pourvoi formé par dame RIVERT :
Sur les deux moyens de cassation réunis et pris de la violation de l'article 1793 du Code Civil, manque de base légale, dénaturation des faits, en ce que l'arrêt attaqué a mis à la charge du maître de l'oeuvre des travaux supplémentaires effectués par l'Entreprise, alors que le contrat liant les parties était un marché à forfait, lequel à toujours régi les relations des parties sans modification, et que les conditions impératives prescrites en cas de marché à forfait, pour l'exécution de travaux supplémentaires, n'ont pas été remplies en l'espèce ;
Vu ledit texte ;
Attendu qu'en présence d'une convention comportant des clauses claires et précises, les juges du fond ne sauraient la destituer de ses effets légaux en dénaturant les obligations qui en résultent, en méconnaissance des stipulations qu'elle renferme ; que, d'autre part, l'article 1793 du Code Civil, qui consacre l'immutabilité du prix de la construction d'un bâtiment, objet d'un marché à forfait, n'est rigoureusement applicable qu'à la convention qui réunit strictement les conditions d'un marché pur et simple ; qu'il ne saurait, par conséquent, être étendu à l'espèce où les parties, tout en stipulant le forfait, ont inséré dans la convention des clauses et conditions si différentes de celles posées par le texte susvisé que lesdites parties doivent être considérées comme étant sorties des règles du forfait simple pour se placer à l'égard des travaux supplémentaires sous l'empire d'une convention spéciale régie par le droit commun ;
Attendu en effet, qu'aux termes de l'article 3 du contrat du 30 août 1961 qui, à défaut de modification ultérieure intervenue dans les formes régulières, reste la loi des paries, l'ordre écrit à l'entrepreneur de procéder à des travaux supplémentaires devait être adressé par l'architecte après approbation par le propriétaire du devis de ces travaux ; qui si cet ordre a bien été donné par le sieur B, il est constant, en revanche, qu'aucun devis n'a jamais été fourni au maître de l'oeuvre ; que peu importe, que l'architecte ait autorisé les travaux litigieux, et que le propriétaire les ait laissés exécuter sans protestations ni réserves, dès lors que le maître de l'oeuvre n'avait pas été mis préalablement en mesure de convenir du supplément de prix avec l'entrepreneur, et d'apprécier ainsi la portée d'une initiative faisant échec à la nature intangible du contrat initial ; d'où il suit qu'en mettant néanmoins à la charge de dame RIVERT le coût de ces travaux supplémentaires, l'Arrêt attaqué a dénaturé la convention spéciale, substituée par les paries aux dispositions de l'article 1793 du Code Civil ;
Par ces motifs ;
Casse et annule
Président : M. Ab, premier Président
Conseiller -Rapporteur : M. Thierry
Avocat Général : M. Aa