Vu l'ordonnance n° 60-048 du 22 juin 1960 fixant la procédure à suivre devant la Chambre Administrative de la Cour Suprême
modifiée par l'ordonnance n° 62-073 du 29 septembre 1962 ;
Vu l'ordonnance n° 62-055 du 20 septembre 1962 portant Code Général de l'Enregistrement et du Timbre, spécialement en son article 37 ;
Vu la loi n° 61-013 du 19 juillet 1961 portant création de la Cour Suprême modifiée par l'ordonnance n° 62-091 du 1er octobre 1962 et par la
loi n° 65-016 du 16 décembre 1965 ;
Vu la requête présentée par le sieur X Ac, Directeur du Ad C, … … …, Aa Af ;
ladite requête enregistrée au greffe de la Chambre Administrative de la Cour Suprême, sous le n° 177/75 Adm le 6 décembre 1975, et tendant à ce
qu'il plaise à la Cour annuler la décision n° 14.448-MI/SGI/DAT/SPC du 2 décembre 1975 par laquelle le Ministre de l'Intérieur a interdit la
vente et la mise en circulation du n° 6.442 de C en date du 2 décembre 1975 en soutenant l'illégalité de l'acte pour :
1- violation du principe de l'égalité de traitement
2- fausse application de l'ordonnance n° 75-015
....................
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Considérant que le sieur X Ac, Directeur du Ad C, demande l'annulation de la décision n° 14448-MI/SGI/DAT/SPC par
laquelle le Ministre de l'Intérieur a «interdit la vente et la mise en circulation du N° 6442 du 2 décembre 1975 du périodique C» ;
qu'il soutient que ladite décision manque de base légale d'abord et a été prise en méconnaissance du principe de l'égalité de traitement
ensuite ;
Sur la violation du principe de l'égalité de traitement :
Considérant que le requérant soutient sans être contredit que le 2 décembre 1975 le journal B Y A sous le titre «Inona no hiseo raha
toa ka mandresy ny tsia» avait traité du même sujet que l'article en page deux de C intitulé «Iza no hamaly anay» ; qu'il résulte des
pièces du dossier qu'effectivement les 2 articles se préoccupaient de savoir ce qui se produirait dans le cas où le NON l'emporterait lors du
vote référendaire de décembre 1975 ;
Considérant qu'il est non moins constant que le journal B Y A dont s'agit n'a aucunement fait l'objet d'un refus de visa alors que
les deux articles parus le même jour traitaient d'un même thème ;
il s'ensuit que c'est à juste titre que le demandeur invoque le méconnaissance du principe de l'égalité de traitement entre C et B
Y A à la date du 2 décembre 1975 ;
Sur la fausse application de l'ordonnance 75.015 du 7 Août 1975 relative aux conditions de suspension des journaux et périodiques à Madagascar :
Considérant que l'article 2 de l'ordonnance susvisée stipule : «sont interdits de publication les articles de nature à perturber l'ordre
public, à porter atteinte aux bonnes moeurs et à compromettre l'unité Nationale ...»
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le 1er décembre 1975 à 20h 30 le fonctionnaire responsable du service de la presse au Ministère
de l'Intérieur avait informé le réclamant du refus de visa de C pour le 2 décembre 1975 à raison de 2 de ses articles dont l'un en
première page intitulé «Manokatra ny tahirin'ny 1972 izahay, ka...gazety anie izany e !» et l'autre en page deux sous le titre «Iza no hamaly
anay» sans plus de précision ;
Considérant qu'il est soutenu par la requête que les 2 articles dont s'agit ne tombaient pas sous le coup d'interdiction de paraître, alors que
la défense se retranche derrière l'état de nécessité nationale de l'époque pour justifier la mesure administrative contestée ;
Considérant que, par arrêt Avant Dire Droit N° 85 du 6 août 1977, la Cour avait ordonné l'audition des sieurs RAMAMONJISOA, RAMANANTSOA et
Ab Ae, tous trois responsables du service de la censure au Ministère de l'Intérieur, pour l'audience publique du 3 septembre 1977 aux
fins de l'éclairer sur les points des articles en cause qui motivaient le refus de visa contesté ;
Mais considérant que quoique dûment avisés par lettres recommandées n° 1100, 1101 et 1099 des 10 et 13 août 1977 et receptionnées en bonne et
dûe forme, les trois responsables susmentionnés ne se sont pas présentés devant la Cour à la date indiquée ;
alors qu'une note du Ministre de l'Intérieur sous n° 9606 datée du 5 août 1977 soutient que l'article Manokatra ny tahirin'ny 1972 izahay
ka...gazety anie izany e ! «avait cherché à semer la haine du régime, haine susceptible de mettre en danger l'unité nationale en sous entendant
qu'actuellement c'est le régime de police alors qu'en 1972 la presse jouissait d'une totale liberté» ;
et que l'intitulé «Iza no hamaly anay» développe des «propos subversifs, sous forme d'interpellation l'article incitant au vote négatif dans
l'intention d'empêcher l'avènement d'un Etat socialiste, fait qui pourrait perturber l'ordre public instauré» ;
Considérant que la crainte suscitée par le second article et relative au trouble dans l'ordre public est dépourvue de tout fondement, étant
constaté d'une part que l'article de même thème paru eu B Y A n'avait pas été interdit de publication et d'autre part que la
publication dudit journal traitant d'un sujet semblable n'avait nullement suscité de trouble dans l'ordre public d'alors ;
Que relativement à l'article publié par C en première page, il y a lieu de constater qu'il n'y a été fait que la relation de faits réels
ayant existé lors du référendum de 1972, la supposition administrative concernant la critique de la censure en 1975 et les dangers qui
pourraient en résulter semble dès lors outrancière, étant entendu que la censure de la presse existe légalement et se trouve être organisée
officiellement ; que la crainte relative à une atteinte à l'unité nationale est excessive en l'occurence, aucun élément de l'article incriminé
ne pouvant entraîner l'opinion du lecteur dans un tel sens, même en faisant la part des choses ;
Considérant que, de tout ce qui précède, il appert que la décision n° 6442 du 2 décembre 1975 est dépourvue de tout fondement et ne peut
qu'être annulée ;
PAR CES MOTIFS,
Décide :
Article premier. - La décision n° 14448-MI/SGI/DAT/SPC du 2 décembre 1975 ayant porté interdiction de vente et de mise en circulation du n°
6442 du 2 décembre 1975 du périodique C est annulée ;
Article 2. - L'Etat Malagasy supportera les dépens ;
Article 3. - Expédition du présent arrêt sera transmise à Messieurs le Ministre de l'Intérieur, le Directeur de la Législation et du
Contentieux et au requérant ;