Vu l'ordonnance n° 60-048 du 22 juin 1960 fixant la procédure à suivre devant la Chambre Administrative de la Cour Suprême
modifiée par l'ordonnance n° 62-073 du 29 septembre 1962 ;
Vu l'ordonnance n° 62-055 du 20 septembre 1962 portant Code Général de l'Enregistrement et du Timbre, spécialement en son article 37 ;
Vu la loi n° 61-013 du 19 juillet 1961 portant création de la Cour Suprême modifiée par l'ordonnance n° 62-091 du 1er octobre 1962 et par la
loi n° 65-016 du 16 décembre 1965 ;
Vu la requête présentée pour dame Ac B demeurant au 29, rue Kasanga, Ag Ad, ayant pour Conseils Maîtres
Aa et Ae A ;
ladite requête enregistrée au greffe de la Chambre Administrative de la Cour Suprême, sous le n° 162/81-Adm le 22 décembre 1981, et tendant à
ce qu'il plaise à la Cour annuler la notification suivant procès-verbal du 23 septembre 1981 sous n° 49-DGPN/REG faite à personne de
«l'Interdiction de sortir du territoire de la République Démocratique de Madagascar jusqu'à nouvel ordre» et ce à la suite d'une lettre du
Directeur Général de la Bankin'ny Ab Af, au motif qu'une telle décision est irrégulière au regard de l'article 13-2 de la
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme des Nations Unies qui stipule que «toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le
sien, et de revenir dans son pays», qu'un tel droit n'a d'autres limites que celles tirées de la sécurité publique, que ne faisant l'objet
d'aucune poursuite pénale il est donc manifeste qu'il y a détournement de pouvoir à l'égard de la requérante d'autant plus que pour ce faire
l'Administration n'invoque nullement l'intérêt public mais les intérêts privés d'une Banque ; qu'en tout état de cause l'on ne voit pas du tout
en quoi le déplacement de l'intéressée à l'étranger soit de nature à compromettre la sécurité publique et justifier ainsi la mesure de police
prise à son encontre ;
....................
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Considérant que la dame Ac B demande l'annulation de «l'interdiction de sortir du territoire de la République Démocratique de
Madagascar jusqu'à nouvel ordre» qui lui a été notifiée suivant procès-verbal n° 49-DGPN/REG du 23 septembre 1981 ; qu'elle soutient qu'il y a
eu détournement de pouvoir en l'espèce car l'Administration n'invoque que les intérêts privés de la Bankin'ny Ab Af et méconnaît
l'article 13 alinéa 2 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme des Nations Unies qui dispose que «toute personne a le droit de
quitter tout pays y compris le sien et de revenir dans son pays», droit qui n'est limité que par l'ordre et la sécurité publics ;
Sur la recevabilité :
Considérant que l'Etat allègue que, dès lors que la requérante n'avait aucunément l'intention de sortir au moment de la notification dont
s'agit, elle est mal venue à s'en plaindre car il y a défaut d'intérêt ;
Mais considérant que la liberté de circuler est un droit fondamental inhérent à toute personne, toute limitation d'un tel droit est, dès lors,
attaquable en justice comme faisant grief, la requête est par suite recevable ;
Sur le fond :
Considérant que s'il est constant que la décision avait été prise sur l'intervention du Directeur Général de la B.T.M. auprès du Ministère de
l'Intérieur à raison de ce que la demanderesse, en tant que gérante de la Société LONGO, était impliquée à titre principal dans une procédure
juridictionnelle de recouvrement d'une créance importante ;
Considérant en outre que la Bankin'ny Ab Af, par sa nationalisation emportée par l'ordonnance n° 76-046 du 27 novembre 1976,
s'est vue conférer la «mission générale de promouvoir le développement rural dans le cadre de l'édification de l'économie socialiste...»,
qu'elle ne représente donc plus de simples intérêts privés son capital étant par ailleurs souscrit par l'Etat et ses démembrements, ainsi il
appert que la mesure entreprise a pu intervenir à bon droit dans le but de sauvegarder l'ordre public économique ;
Mais considérant qu'il est établi que l'interdiction de sortie en cause est limitée dans le temps que durera la procédure de recouvrement de la
créance de la B.T.M. sur la société LONGO ; qu'un relevé bancaire joint au dossier et non contesté fait apparaître qu'à la date du 10 décembre
1981 la créance litigieuse avait été honorée auprès de la B.T.M., il s'ensuit dès lors qu'à compter de cette date l'interdiction de sortie
contestée n'avait plus de raison d'être maintenue et doit être annulée ;
PAR CES MOTIFS,
D é c i d e :
Article premier.- La requête susvisée de la dame Ac B est recevable ;
Article 2.- «L'interdiction de sortir du territoire de la République Démocratique de Madagascar jusqu'à nouvel ordre» notifiée sous
procès-verbal n° 49-DGPN/REG du 23 septembre 1981 est annulée à compter du 10 décembre 1981 ;
Article 3.- Les dépens seront supportés par l'Etat ;
Article 4.- Expédition du présent arrêt sera transmise à Messieurs le Ministre de l'Intérieur, le Directeur de la Législation et du
Contentieux, le Directeur Général de la Bankin'ny Ab Af et à la requérante (par Mmes RADILOFE) ;