N° 138
20 septembre 2002 218/97-CO
1°) JUGEMENTS ET ARRETS; Date du prononcé du jugement; Changement de date; Parties non avisées; Portée
2°) PROCEDURE CIVILE; Conclusions; Défaut de communications à la partie adverse; Violation
1°- Un tribunal ne peut pas changer la date du prononcé du jugement qu'il a fixé et annoncé publiquement, sans que les parties en aient été avisées.
2°- Viole les droits de la défense et le Principe du contradictoire, un tribunal qui a statué sur des conclusions non communiqués à la partie adverse.
La Cour,
Statuant sur le pourvoi en cassation de la Société SCAC Madagascar sise au Boulevard Ad Ae, ayant pour Conseil Maître Rakotomanana Danielle contre l'arrêt n°1190 du 11 août 1997 de la Chambre Civile de la Cour d'Appel de Tananarive dans le litige l'opposant à Ab A ;
Vu les mémoires en demande et en défense;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 5 et 44 de la loi n°61.013 du 19 juillet 1961 et l'article 177 du Code de Procédure Civile pour excès de pouvoir et inobservation des formes à peine de nullité en ce que le prononcé du jugement a eu lieu avant la date prévue et annoncée à l'audience, alors que le Tribunal ne peut fixer et changer à sa guise une date de délibéré sous peine de créer une instabilité qui conduit à l'illégalité ;
Vu lesdits textes ;
Attendu qu'il est constant et non contesté comme résultant d'ailleurs des ratures sur la chemise du dossier, qu'à l'audience du 13 août 1996, le Tribunal a annoncé publiquement que le délibéré sera vidé le 24 septembre 1996 ;
Attendu cependant que le Tribunal a avancé le prononcé du jugement le 10 septembre 1996 sans que les parties en aient été avisées, que ce faisant le Tribunal a outre passé ses pouvoirs et violé les textes de loi visés au moyen ;
D'où il suit que le moyen est fondé ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 5 et 44 de la loi n°61.013 du 19 juillet 1961 et de l'article 174 du Code de Procédure Civile pour fausse application de la loi, et non communication des pièces à l'autre partie ;
En ce que bien que Ab A ait un avocat constitué pour le défendre, il a déposé personnellement une lettre (des conclusions) qui n'a jamais été communiquée à la SCAC Madagascar ;
Alors que le Tribunal a accordé tout ce qu'Akbaraly Fakroudine a demandé dans cette fameuse lettre ;
Attendu qu'Akbaraly Fakroudine a déposé des conclusions sous forme d'une lettre à son nom propre datée du 5 septembre 1996, en cours de délibéré. Que ces conclusions n'ont pas été communiquées à la SCAC ;
Attendu qu'au lieu de rabattre le délibéré pour permettre à la SCAC Madagascar d'y répliquer, le Tribunal a avancé d'une semaine le prononcé du jugement ;
Attendu que le Tribunal ne peut statuer que sur des conclusions ou déposées au greffe dans les délais et conditions prévus aux articles 166 et 167 et 175 du Code de Procédure Civile ;
D'où il suit qu'en statuant comme il a fait l'arrêt attaqué a violé les droits de la défense et le principe du contradictoire ;
Le moyen est fondé ;
Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 5 et 44 de la loi n°61.013 du 19 juillet 1961et de l'article 175 du Code de Procédure Civile pour violation de l'autorité de la chose jugée et fausse application de la loi ;
En ce que le Tribunal a validé des saisies faites les 3 et 7 mai 1991 ;
Alors que les procès-verbaux de ces soi-disant saisies ne sont même pas produits au dossier et que les ordonnances les ayant autorisées ont été déjà retirées par la Cour d'Appel ;
Attendu que les ordonnances de saisie-arrêt n°1605 du 30 avril 1991 et de saisie conservatoire n°1638 du 2 mai 1991 pratiquées sur les biens de la SCAC Madagascar ont été rétractées par l'arrêt de la Cour d'Appel n°371 du 22 avril 1992 confirmatif de l'ordonnance n°1806 du 16 mai 1991 ;
Attendu cependant, que le Tribunal a suivi la Cour d'Appel par l'arrêt confirmatif attaqué en validant des saisies déjà annulées et inexistantes ;
Attendu que si en l'espèce on ne peut faire valoir l'autorité de la chose jugée eu égard à la nature des décisions en cause, il n'en demeure pas moins que l 'arrêt attaqué a méconnu les exigences du Code de Procédure sur les saisies ;
D'où il suit que le moyen tiré de la fausse application de la loi est fondé ;
Sur le quatrième moyen de cassation pris de la violation des articles 5 et 44 de la loi n°61.013 du 19 juillet 1961 et de l'article 221 de la Théorie Générale des Obligations pour contradiction des motifs et fausse interprétation de la loi ;
En ce que l'arrêt rendu a retenu la responsabilité de la SCAC Madagascar alors qu'elle n'est qu'un tiers étranger dans le prêt conclu entre Ab A et Aa Ac ;
Attendu que la SCAC Madagascar est un tiers par rapport au contrat passé entre Ab A d'une part, et la Société Aa Ac d'autre part, que le Directeur de la SCAC Madagascar a été témoin de ce contrat qu'en cette qualité, il ne peut en aucun cas engager la responsabilité de la SCAC Madagascar ;
Attendu que le principe selon lequel la responsabilité de l'employeur est engagée du fait de son préposé même en cas d'abus dans l'exercice de ses fonctions ne peut trouver application en l'espèce, le travailleur en cause n'ayant été que témoin de l'acte générateur de préjudice ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le cinquième moyen de cassation pris de la violation des articles 5 et 44 de la loi n°61.013 du 19 juillet 1961 et de l'article 180 du Code de Procédure Civile pour insuffisance de motifs, violation de l'autorité de la chose jugée et excès de pouvoir ;
En ce que le prêt conclu entre Ab A et Aa Ac est de 30.000.000 fmg ;
Alors que la condamnation multipliée par 8,4 a été portée à 250.000.000 fmg pour la seule raison que le franc malgache a été dévalué, contrevenant ainsi à une jurisprudence constante ;
Attendu que si le non respect d'une jurisprudence ne peut constituer un motif de cassation, il n'en demeure pas moins que l'argumentation exorbitante du montant du prêt à rembourser ne fait l'objet d'aucune motivation satisfaisante ;
Qu'il s'ensuit que l'arrêt attaqué a violé les textes de loi visés aux moyens ;
Que dès lors il encourt la cassation ;
Par ces motifs
CASSE ET ANNULE l'arrêt n°1190 de la Chambre Civile de la Cour d'Appel en date du 11 août 1997 ;
Renvoie la cause et les parties devant la même juridiction autrement composée ;
Ordonne la restitution de l'amende de cassation ;
Condamne les défendeurs aux dépens.
Ainsi jugé et prononcé par la Cour Suprême, Formation de Contrôle, Chambre Civile et Sociale, en son audience publique ordinaire, les jour, mois et an que dessus.
Où étaient présents :
- Ralijaona Georgette, Conseiller le plus gradé, Président ;
- Raharinivosoa Sahondra, Conseiller - Rapporteur ;
- Rajaoarisoa Lala Armand; Rakotovao Aurélie ; Randrianantenaina Modeste, Conseillers, tous membres ;
- Randrianarivony Marius, Avocat Général ;
- Razaiarimalala Norosoa, Greffier ;
La minute du présent arrêt a été signée par le Président, le Rapporteur et le Greffier.