Vu l'ordonnance n° 60.048 du 22 Juin 1960 fixant la procédure à suivre devant la Chambre Administrative de la Cour Suprême
modifiée par l'ordonnance n° 62.073 du 29 Septembre 1962 ;
Vu les dispositions de l'article 02.02.04 du Code Général des Impôts annexé à la loi n° 00.005 du 22 Décembre 1977 portant Loi des Finances
pour 1978 ;
Vu la loi n° 61.013 du 19 Juillet 1961 portant création de la Cour Suprême modifiée par l'ordonnance n° 62.091 du 1er Octobre 1962 et par la
loi n° 65.016 du 16 Décembre 1965 ;
Vu la requête présentée par les Sieurs A Ai Ae, représentant de la Société de Transport Ag (SO.TRA.FA) ;
propriétaire du véhicule TATA Immatriculé 3414-TU et Z Aj, ayant pour Conseil Maître Falilalao RAJASINELINA, Avocat à la
Cour, Lot VC 54 bis Ab An en l'étude de qui ils font élection de domicile, ladite requête enregistrée au greffe de la Chambre
Administrative de la Cour Suprême le 18 Octobre 2000 sous le n° 198/00-ADM, et tendant à ce qu'il plaise à la Cour :
- déclarer l'Etat AG et l'Entreprise X C conjointement et solidairement resposables de l'accident de circulation survenu
à Andranolava sur la Route Nationale RN.4 ayant causé des dommages matériels importants à ce véhicule de transport commun et des préjudices
corporels graves aux autres passagers qui s'étaient carrés dedans ;
- les condamner d'une part à allouer au Sieur A Ai Ae la somme de soixante cinq Millions trois cent quatre vingt et un
Mille sept cent cinquante six de FMG (65.381.756 FMG) au titre de remboursement des frais de remise en état du véhicule, compte tenu du rapport
d'expertise établi à cet effet, et la somme de deux cent Millions de FMG (200.000.000 FMG) représentant le manque à gagner du fait de
l'immobilisation du véhicule pendant plus d'une année, soit donc au total la somme de 265.381.756 FMG, et d'autre part, à verser aux Sieurs
Z Aj et son frère mineur B Al respectivement les sommes de cent Millions de FMG (100.000.000 FMG) et de
cent cinquante Millions de FMG (150.000.000 FMG) en réparation des préjudices moraux par eux subis du fait du décès de leur mère
Y survenu lors dudit accident de circulation ;
....................
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Considérant que les Sieurs A Ai Ae et Z Aj demandent qu'il plaise à la Cour :
- déclarer l'Etat AG et l'Entreprise X C conjointement et solidairement responsables de l'accident de circulation survenu
à Andranolava sur la Route Nationale N°4 ayant causé des dommages matériels importants à ce véhicule de transport en commun et des préjudices
corporels à certains passagers ;
- les condamner conjointement et solidairement à allouer au Sieur A Ai Ae la somme de SOIXANTE CINQ MILLIONS TROIS CENT
QUATRE VINGT UN MILLE SEPT CENT CINQUANTE SIX (65.381.756) de FMG au titre de remboursement des frais de remise en état du véhicule, compte
tenu du rapport d'expertise établi a cet effet, et la somme de DEUX CENT (200) MILLIONS de FMG représentant le manque à gagner du fait de
l'immobilisation du véhicule pendant plus d'une année, soit donc au total la somme de DEUX CENT SOIXANTE CINQ MILLIONS TROIS CENT QUATRE VINGT
ET UN MILLE SEPT CENT CINQUANTE SIX (265.381.756) de Francs AG
- les condamner conjointement et solidairement à verser aux Sieurs Z Aj et son frère mineur B Al
respectivement les sommes de CENT (100) MILLIONS DE FRANCS AG et de CENT CINQUANTE (150) MILLIONS DE FRANCS AG en réparation des
préjudices par eux subis du fait du décès de leur mère Y survenu lors dudit accident de circulation ;
Qu'au soutien de leur requête, les intéressés font valoir que le passage du véhicule accidenté sur le pont de Bailey d'Andranolava s'avère
impossible à cause de l'existence à son entrée de deux blocs de pierre dont l'écartement par rapport au sol est très étroit ; que d'autre part,
le seuil d'entrée et de sortie de ce pont est trop raide, et par conséquent, l'arrière du car frotte inévitablement la chaussée elle-même
lorsqu'il arpente le pont de Bailey sus-mentionné ; qu'enfin, il y a défaut d'entretien normal de l'ouvrage public ;
Considérant, d'emblée, que, dans son mémoire en défense complémentaire en date du 25 Septembre 2002, l'Etat soutient, formellement, que tant
par jugement correctionnel n° 184 du 06 Décembre 1998 du Tribunal de Première Instance de Maevatanana que par arrêt n° 184 du 05 Juin 2001
rendu par la chambre correctionnelle de la Cour d'Appel de Mahajanga, le Sieur A Ad, a été entièrement et exclusivement
déclaré responsable ; que de ce fait, les requérants sont malvenus à réclamer à l'Etat une quelconque réparation pour les préjudices
consécutifs à l'accident survenu le 08 Décembre 1998 à Andranolava sur la Route Nationale n° 4, au point kilométrique 354 + 20, Ah
Ak, commune rurale de Tsararano, Fivondronampokontany de Maevatanana ;
Mais considérant qu'à la suite de l'accident de circulation susdit, les actions portées par les victimes devant la juridiction judiciaire et la
juridiction administrative n'avaient manifestement ni le même fondement, ni le même objet ; que si la responsabilité du Sieur A
Ad, chauffeur préposé du Sieur A Ai Ae, requérant, a été engagée par l'autorité judiciaire sur la base d'un délit
d'homicide involontaire par imprudence et négligence dont il s'est rendu coupable, l'autorité qui s'attache à la chose jugée au pénal, dans les
circonstances de l'espèce, ne fait nullement obstacle en ce que les intéressés, pour le même fait, en leur qualité d'usagers de l'ouvrage
public puissent demander à la juridiction administrative la condamnation de l'Etat, en tant que maître de l'ouvrage public ainsi que, le cas
échéant de l'Entrepreneur chargé de l'exécution dudit ouvrage public à réparer les dommages qu'ils auraient subis résultant de l'ouvrage public
entrepris ;
AU FOND :
SUR LA RESPONSABILITE :
En ce qui concerne le Sieur A Ai Ae :
Considérant que s'agissant des dommages accidentels, il est de principe que le régime de responsabilité applicable à l'égard des usagers est
celui de responsabilité pour faute présumée ; que le maître de l'ouvrage ou l'entrepreneur s'exonerait sa responsabilité lorsqu'il parvenait
seulement à prouver qu'aucune faute ne peut lui être imputable ou qu'il existe un cas de force majeure ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et des pièces du dossier qu'avant la survenance de cet accident, deux blocs de pierre ont été placés
tout juste à l'entrée du pont Bailey d'Andranolava en vue d'empêcher le passage des véhicules lourds supérieurs à 10 Tonnes de charge lesquels
doivent obligatoirement prendre une déviation construite par l'entreprise X C et située en contre bas de ce pont sur la droite
allant vers la ville de Mahajanga ;
Considérant en premier lieu, que contrairement à l'argument de l'Etat AG dans sa défense au fond selon lequel, d'une part, le passage sur
pont Bailey est non seulement possible mais encore obligatoire pour les véhicules de moins de dix tonnes comme le car TATA de type 909
accidenté, et d'autre part, le chauffeur de ce véhicule a méconnu le code de la route au motif qu'il ne s'est pas conformé aux indications
inscrites sur le panneau de signalisation y apposé, ledit conducteur, loin de violer le code de la route, a pris une voie publique normale
destinée aux véhicules lourds ; qu'en effet, dans les circonstances de l'espèce, eu égard aux gabarit du véhicule TATA de type 909 chargé de 37
passagers à bord, tel qu'il est mentionné dans le Procès-Verbal de la Gendarmerie Nationale en date du 8 Décembre 1998, en plus des bagages
accompagnés avec eux, l'on ne saurait lui reprocher d'avoir emprunté cette déviation dès lors qu'aucun panneau n'a été implanté à proximité
dudit pont Am pour interdire également le passage de véhicule moins de 10 tonnes de charges sur le radier dont s'agit ;
Considérant, en second lieu, qu'il est affirmé et non contesté que pendant la saison des pluies lorsque les eaux de pluie abondent en amont, ce
cours d'eau d'Andranolava augmente de débit et se déchaînent violemment, puis sitôt il baisse de niveau ; que nonobstant la connaissance par
l'Administration et l'entrepreneur de l'existence de ce phénomène naturel fréquent dans ce milieu pendant cette période, aucune mesure
appropriée n'a été prise, telle entre autres, l'installation d'une barrière à l'entrée, pour prévenir le risque d'accident sur cette voie
publique qui n'a pas été exclusivement utilisée, comme le panneau indicateur de direction obligatoire pour les véhicules lourds en témoigne,
par les camions de l'Entrepreneur X C ;
Que toutes les circonstances sont constitutives d'un défaut d'entretien normal d'une voie publique mise à la disposition des usagers ; qu'ainsi
la responsabilité solidaire de l'Etat et de l'Entrepreneur X C se trouve engagée à l'égard du Sieur A Ai Ae
et qu'il y a lieu de réparer les dommages causés par cet accident ;
Considérant toutefois que le chauffeur préposé du requérant en tant qu'il connaît l'état particulier de l'endroit qu'il fréquente journellement
et habitué de ce trajet, il aurait dû, surtout pendant une forte précipitation, se méfier ou redoubler d'attention avant d'engager son véhicule
dans ledit radier ; que ce fait de la connaissance des lieux doit être regardé comme un élément de nature à attenuer la responsabilité
solidaire de l'Etat et de l'Entrepreneur ; que ce partage de responsabilité est fixé à 75% pour la partie défenderesse et 25% pour le demandeur ;
En ce qui concerne Z Aj et son frère mineur B Al ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à l'égard de Dame Y, morte tellement victime de l'accident dû au défaut
d'entretien normal d'une voie publique au point kilométrique 354 + 20 à Aa, comme il a été dit ci-dessus, aucune faute n'a été
reprochée lorsqu'elle s'est assise pour aller à Af dans le fauteuil du véhicule de transport en commun accidenté ; que la disparition
subite de celle-ci engendre incontestablement à ses enfants des préjudices moraux et des troubles dans leurs conditions d'existence ; que, par
suite, l'Etat et l'Entrepreneur voient donc leur responsabilité solidaire engagée envers les Sieurs Z Aj et son Frère mineur
B Al, des ayants droit ; qu'ainsi, ces dernier sont fondés à demander la réparation des préjudices par eux subis ;
SUR LE MONTANT DU PREJUDICE :
En ce qui concerne le Sieur A Ai Ae ;
Considérant que le montant du préjudice évalué par l'intéressé, tel qu'il résulte du rapport d'expertise en date du 11 Octobre 1999 et de la
facture n° DAA/P99008 du 15 Janvier 1999 détaillant les frais de remise en état de ce véhicule accidenté, tous versés au dossier, n'est pas
exagéré du tout ;
Considérant que, dans ces conditions, compte tenu du partage de responsabilité ci-dessus effectué, il y a lieu d'allouer au Sieur A
Ai Ae la somme de :
65.381.756 FMG x 75/100 = 49.036.317 FMG ou QUARANTE NEUF MILLIONS TRENTE SIX MILLE TROIS CENT DIX SEPT DE Ac AG, au titre de
remboursement des frais de remise en état de ce véhicule accidenté ;
Sur les conclusions aux fins de l'allocation du manque à gagner
Considérant que lorsque la responsabilité de la puissance publique ou le cas échéant de l'entrepreneur se trouve engagée envers des personnes
ayant subi des atteintes à leurs biens, celles-ci pourraient, sur leur demande, obtenir de la juridiction administrative l'allocation des
indemnités représentant le manque à gagner dû à l'immobilisation de ces biens qui leur ont précédemment procuré des ressources ;
Considérant que si le demandeur sollicite, en l'espèce, la condamnation solidaire de l'Etat et de l'Entreprise X C à lui payer
la somme de deux cent (200) Millions de FMG représentant le manque à gagner du fait de l'immobilisation dudit véhicule pendant plus d'une
année, l'examen du dossier déposé au greffe a permis cependant de constater qu'aucune pièce n'y a été produite à l'effet de justifier la
réalité de la somme ainsi réclamée ;
Que dès lors, il convient de rejeter les conclusions sus-analysées ;
En ce qui concerne les Sieurs Z Aj et son frère mineur B Al ;
Considérant qu'il ne saurait être contesté que la mort prématurée de leur mère du fait dudit accident cause à leur endroit des préjudices
moraux indemnisables ;
Mais considérant que le montant des préjudices subis estimés par le demandeur à cent (100) Millions de Ac AG pour lui-même et à cent
cinquante (150) Millions de Ac AG pour son frère mineur paraît trop exhorbitant ;
Qu'il sera fait une exacte appréciation des circonstances de l'affaire en allouant de ces chefs aux Sieurs Z Aj la somme de
quatre (4) Millions et à son frère mineur B Al la somme de quatre (4) Millions également à titre de dommages-intérêts ;
P A R C E S M O T I F S,
D é c i d e :
ARTICLE PREMIER : L'Etat AG et l'Entreprise X C sont solidairement et conjointement condamnés à payer au Sieur
A Ai Ae la somme de quarante neuf millions trente six mille trois cent dix sept de Francs AG (49.036.317 FMG), à
titre de remboursement des frais de remise en état du véhicule endommagé ;
ARTICLE 2 : Ils sont solidairement et conjointement condamnés à verser la somme de quatre (4) Millions de FMG au Sieur Z Aj,
et également la somme de quatre (4) Millions au Sieur B Al à titre de dommages-intérêts ;
ARTICLE 3 : Le sursplus de la requête est rejeté ;
ARTICLE 4 : Les dépens sont mis à la charge de l'Etat AG ;
ARTICLE 5 : Expédition du présent arrêt sera transmise à Messieurs le Vice-Premier Ministre chargée des Programmes économiques, Ministre des
Transports, des Travaux Publics et de l'Aménagement du territoire ; le Directeur de la Législation et du Contentieux et aux requérants ;