Décision n° 33-HCC/D3 du 27 octobre 2004
relative à la loi n°2004-032 fixant les principes fondamentaux
régissant les organes administratifs d’inspection ou de contrôle.
La Haute Cour Constitutionnelle,
Vu la Constitution ;
Vu l’ordonnance n°2001-003 du 18 novembre 2001 portant loi organique relative à la Haute Cour Constitutionnelle ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Considérant que par lettre n°29-PRM/CAB du 15 septembre 2004 le Président de la République de Madagascar, conformément aux dispositions de l’article 121 de la Constitution, saisit la Haute Cour Constitutionnelle pour contrôle de constitutionnalité, préalablement à sa promulgation, de la loi n°2004-032 fixant les principes fondamentaux régissant les organes administratifs d’inspection ou de contrôle ;
Considérant que la saisine, régulière en la forme, est recevable ;
Considérant que dès son exposé des motifs, la loi soumise à contrôle se réfère à l’article 82.3.II de la Constitution aux termes duquel " La loi détermine les principes fondamentaux … de l’organisation ou du fonctionnement des différents secteurs d’activités juridique, économique, sociale et culturelle " ;
Considérant que, d’une part, les dispositions constitutionnelles sus citées sont destinées uniquement aux textes fixant les principes fondamentaux concernant les libertés, droits et devoirs des citoyens reconnus par la Constitution en son titre II ;
Que, d’autre part, les organes administratifs d’inspection et de contrôle exercent des activités qui s’inscrivent dans le cadre de l’action administrative ; que de par leur nature, lesdits organes font partie intégrante de l’Administration au sens de la Constitution ; qu’ainsi, ils ne peuvent être soumis qu’au régime administratif imposé par l’application des dispositions du Titre III de la Constitution relatif à l’organisation de l’Etat ;
Considérant, par conséquent, que la référence à l’article 82.3.II de la Constitution pour fixer les principes fondamentaux des organes administratifs d’inspection et de contrôle ne saurait être justifiée ;
Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article 56, in fine, du Titre III de la Constitution, le Président de la République dispose des organes de contrôle de l’Administration et que l’article 63 de la Constitution dispose que le Premier Ministre, Chef du Gouvernement et Chef de l’Administration saisit, en tant que de besoin, les organes de contrôle de l’Administration et s’assure du bon fonctionnement des services publics, de la bonne gestion des finances des collectivités publiques et des organismes publics de l’Etat ;
Considérant qu’ainsi, les organes administratifs d’inspection et de contrôle sont nécessairement soumis au pouvoir hiérarchique des autorités étatiques, à savoir le Président de la République qui dispose en permanence d’un pouvoir général de contrôle lui permettant de mettre en œuvre les activités des organes de contrôle et d’inspection, et le Premier Ministre, qui peut recourir aux services desdits organes à tout moment qu’il juge opportun ;
Considérant qu’il en découle que les organes administratifs d’inspection et de contrôle exercent leurs activités soit sur ordre du Président de la République, soit suite à la saisine du Premier Ministre ou d’un Ministre ayant reçu délégation de pouvoir, notamment en la forme de mandat, d’ordre de mission ou de commission, soit dans le cadre d’un programme de travail annuel arrêté par les autorités compétentes ;
Considérant dès lors que l’auto-saisine exprimée par la possibilité des organes d’inspection et de contrôle de " se saisir directement " ou " d’auto-saisine " en cas de flagrance sous réserve d’une régularisation ultérieure par un ordre de mission telle que prévue aux articles 3, alinéa 4, et 26 de la présente loi, rentre en contradiction avec les dispositions constitutionnelles précitées et surtout qu’aucun critère objectif ni aucune autorité n’ont été clairement définis pour apprécier l’existence réelle du cas de flagrance au risque de porter atteinte au fonctionnement régulier des services publics ;
Considérant que selon les dispositions du même article 3 de la loi, en ses alinéas 1, 2 et 3, les organes de contrôle sont indépendants et ne sont soumis qu’à la Constitution et à la loi et qu’ils formulent selon le cas, un jugement, une opinion ou un avis, leurs actes ne pouvant pas être remis en cause par l’autorité de rattachement que pour des motifs déterminants aux termes des dispositions de l’article 8 de la même loi ;
Considérant, d’une part, que s’il y a lieu d’admettre que c’est à bon droit que les membres des organes d’inspection et de contrôle sont indépendants dans l’accomplissement de leurs missions, il n’en demeure pas moins que la seule soumission à la Constitution et à la loi n’a été consacrée par la loi fondamentale en son article 99 qu’aux magistrats du siège, aux juges et aux assesseurs dans leurs activités juridictionnelles et ne peut être ainsi appliquée aux organes d’inspection et de contrôle, à défaut d’habilitation constitutionnelle ;
Considérant, d’autre part, qu’un " jugement " relève de par sa nature d’une activité juridictionnelle et que les actes émanant des membres des organes administratifs d’inspection et de contrôle ainsi que de leurs autorités hiérarchiques ne peuvent être que des actes administratifs susceptibles de recours pour excès de pouvoir ;
Considérant, en conséquence, qu’est contraire aux dispositions constitutionnelles la soustraction des organes d’inspection et de contrôle au contrôle hiérarchique tiré des articles 56 et 63 de la Constitution ;
Considérant, par ailleurs, qu’une loi ne peut ni ajouter ni enlever aux règles clairement déterminées par la Constitution ;
Qu’il en est ainsi, en premier lieu, concernant l’article 23 de la loi soumise à contrôle qui prescrit que l’Inspection Générale de l’Etat exerce ses fonctions pour le compte du Chef de l’Exécutif de la Province Autonome, contrairement aux dispositions de l’article 56 de la Constitution;
Qu’il en est de même, en second lieu, pour le cas de l’article 18 de la loi disposant que " Pour exercer les pouvoirs de contrôle général qu’il tient de la Constitution, le Président de la République dispose de deux organes : l’Inspection Générale de l’Etat et le Contrôle Financier ", alors que le Président de la République dispose de tous les organes d’inspection et de contrôle et ce, sans distinction, en vertu du même article 56 de la Constitution ;
Considérant, enfin, qu’à la lecture du texte soumis au contrôle de constitutionnalité, celui-ci porte non pas sur les principes fondamentaux régissant les organes administratifs d’inspection et de contrôle en général mais plutôt et surtout sur ceux relatifs aux organes d’inspection et de contrôle des finances publiques ; que les principes fondamentaux relatifs aux organes d’inspection et de contrôle des finances publiques ne peuvent être fixés que par la Constitution et par une loi organique, conformément aux dispositions de l’article 82.1.10 de la Constitution aux termes duquel " Outre les questions qui lui sont renvoyées par d’autres articles de la Constitution, relèvent d’une loi organique, les dispositions générales relatives aux lois de finances " ;
Considérant que la loi organique n°2004-007 du 26 juillet 2004 sur les lois de finances a fixé des principes fondamentaux régissant les organes d’inspection et de contrôle des finances publiques ;
Qu’en effet, les objectifs des organes administratifs de contrôle y ont été fixés comme étant la célérité et la rigueur, l’imputabilité, l’efficacité et la performance, l’intégrité au service de la lutte contre la corruption et la réduction de la pauvreté ;
Que la nature du contrôle peut être politique, administratif ou juridictionnel ;
Que le Contrôle Financier et l’Inspection Générale de l’Etat sont rattachés à la Présidence de la République ;
Considérant, enfin, qu’il est de principe que les règles de fonctionnement et d’organisation desdits organes relèvent du domaine réglementaire ;
Qu’en tout état de cause, des règles statutaires régissant les membres de ces organes ne sauraient en aucun cas relever d’une loi organique fixant des principes fondamentaux, en vertu des dispositions constitutionnelles précitées ;
Considérant que de tout ce qui précède, il échet de déclarer la présente loi non conforme à la Constitution ;
En conséquence,
D e c i d e :
Article premier.- La loi 2004-032 fixant les principes fondamentaux régissant les organes administratifs d’inspection ou de contrôle, est déclarée non conforme à la Constitution..
Article 2.- La présente décision sera publiée au journal officiel de la République.
Ainsi délibéré en audience privée tenue à Ad, le mercredi vingt-sept octobre l’an deux mil quatre à dix heures, la Haute Cour Constitutionnelle étant composée de :
M. RAJAONARIVONY Jean Michel, Président
Mme RAHALISON née B Aa Ae, Haut Conseiller
M. RABENDRAINY Ramanoelison, Haut Conseiller
M. ANDRIAMANANDRAIBE RAKOTOHARILALA Auguste, Haut Conseiller
Mme RASAMIMANANA née A Ab, Haut Conseiller
M. RABEHAJA – FILS Edmond, Haut Conseiller
M. RAKOTONDRABAO ANDRIANTSIHAFA Dieudonné, Haut Conseiller
Mme DAMA née RANAMPY Ac Af, Haut Conseiller
et assistée de Maître RALISON Samuel Andriamorasoa, Greffier en chef.