Décision n°02-HCC/D2 du 4 juillet 2003
relative à une exception d’inconstitutionnalité introduite par sieur Af AG
La Haute Cour Constitutionnelle ;
Vu la Constitution ;
Vu la loi organique n°2001-003 du 18 novembre 2001 relative à la Haute Cour Constitutionnelle ;
Les conseils ayant été entendus en audience publique, sur leur demande ;
Les rapporteurs ayant été entendus ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Considérant que par requête en date du 5 juin 2003, enregistrée au greffe de la Haute Cour Constitutionnelle le 6 juin 2003, sieur Af AG, par l’organe de ses conseils Maîtres Ao A, Ad Y X, Ah Aa B, An C et Z Ae, tous avocats au barreau de Madagascar, demande à la Cour de céans de :
déclarer régulière et recevable sa requête ;
déclarer la Haute Cour Constitutionnelle compétente pour statuer sur une exception d’inconstitutionnalité dirigée contre un acte judiciaire portant atteinte à un droit fondamental, en vertu des dispositions des articles 114 et 122, alinéa 2, de la Constitution ;
déclarer inconstitutionnels :
§ l’acte de saisine des juridictions de droit commun pour juger le requérant, ainsi que la procédure n°9848-RP/03/PR-66/CR/J3/02 MP c/ Af AG subséquente ;
§ l’absence d’abrogation du décret n°98-522 du 23 juillet 1998 portant nomination du requérant Premier Ministre, Chef du Gouvernement au moment des faits incriminés ;
§ le décret n°2003-007 du 12 janvier 2003 ainsi que tout décret ayant le même objet et antérieur ;
§ la non – ratification par le Parlement de l’arrêt n°4 du 10 avril 2002 de la Chambre Administrative de la Cour Suprême et de l’Accord de Dakar du 18 avril 2002 ;
en conséquence, et de plein droit, faire cesser la poursuite engagée ;
Considérant que la requête a été introduite suite à une exception d’inconstitutionnalité soulevée devant la Cour Suprême de Madagascar et en exécution de l’arrêt n°116 du 9 mai 2003 rendu par ladite Cour pour saisir la Haute Cour Constitutionnelle en vertu des dispositions de l’article 122, alinéa 2, de la Constitution ;
Considérant en effet qu’aux termes des dispositions de l’article 122, alinéa 2, de la Constitution, « Si devant une juridiction quelconque, une partie soulève une exception d’inconstitutionnalité, cette juridiction surseoit à statuer et lui impartit un délai d’ un mois pour saisir la Haute Cour Constitutionnelle qui doit statuer dans le délai d’un mois » ;
Sur la compétence de la Haute Cour Constitutionnelle :
Considérant que dans son mémoire en défense en date du 27 juin 2003, la Direction de la Législation et du Contentieux, représentant l’Etat, requiert l’incompétence de la Haute Cour Constitutionnelle au motif que l’acte de saisine des juridictions de droit commun n’est ni un acte législatif ni un acte réglementaire mais plutôt un acte de procédure et ne peut ainsi être invoqué à la base d’une exception d’inconstitutionnalité en application des dispositions de l’article 122 de la Constitution ;
Considérant que dans leur mémoire du 1er juillet 2003, les conseils du requérant répliquent que la jurisprudence de la Haute Cour Constitutionnelle contredit les moyens avancés par le représentant de l’Etat Malagasy ;
Qu’en effet, par sa décision n°01-HCC/D2 du 14 février 2001, la Haute Cour a retenu sa compétence dans l’affaire « Sarl Actual contre la Sipromad », bien que l’inconstitutionnalité invoquée ait été tirée d’un acte juridictionnel, en l’occurrence d’un arrêt de la Cour d’Appel ;
Que dans l’arrêt en question, la Haute Juridiction a déclaré que « le régime de l’Etat de droit prescrit l’intervention de la juridiction constitutionnelle qui est habilitée à sanctionner toute atteinte portée au droit par voie d’exception d’inconstitutionnalité par les pouvoirs publics ou ses représentants ; qu’ainsi l’exception d’inconstitutionnalité introduite selon les formes prescrites et si elle est déclarée recevable, tend à amener toute autorité concernée à respecter l’ensemble des règles de compétence et de fond auxquelles elle est tenue sur ordre de la loi fondamentale » ;
Que cette décision ainsi que celle n°17-HCC/D3 du 4 septembre 1996 justifient la compétence de la Haute Cour Constitutionnelle en matière d’interprétation de la Constitution et de respect des libertés fondamentales ;
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Considérant qu’aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article 122 de la Constitution, « Si devant une juridiction quelconque, une partie soulève une exception d’inconstitutionnalité, cette juridiction surseoit à statuer et lui impartit un délai d’un mois pour saisir la Haute Cour Constitutionnelle qui doit statuer dans le délai d’un mois.
De même, si devant une juridiction quelconque, une partie soutient qu’une disposition de texte législatif ou réglementaire porte atteinte à ses droits fondamentaux reconnus par la Constitution, cette juridiction surseoit à statuer dans les mêmes conditions qu’à l’alinéa précédent. » ;
Considérant que les dispositions de l’alinéa 2, à la différence de celles de l’alinéa 3, attribuent une compétence générale à la Haute Cour Constitutionnelle et ne comportent aucune limitation du domaine d’application de l’exception à soulever ;
Qu’ainsi, la Haute Cour Constitutionnelle est compétente pour connaître des recours contre tout acte juridique émanant des pouvoirs publics et susceptible de porter atteinte à des droits fondamentaux constitutionnellement protégés ;
Considérant par conséquent que la demande du requérant tendant à faire statuer sur l’exception d’inconstitutionnalité dirigée contre un acte juridique émanant de l’autorité judiciaire, rentre bien dans la compétence de la Haute Cour Constitutionnelle, l’acte étant prétendu porter atteinte à un droit fondamental basé sur l’article 114 de la Constitution ;
Sur la recevabilité de la requête :
Considérant en premier lieu qu’en utilisant le terme « juridiction quelconque » dans l’article 122 de la loi fondamentale, le constituant a voulu spécifier que l’exception d’inconstitutionnalité peut être soulevée auprès de chaque ordre de juridiction, quel qu’en soit le degré, à l’occasion d’une instance en cours ;
Considérant en second lieu que l’exception d’inconstitutionnalité suppose l’existence d’un litige pendant devant une juridiction ; que tel est le cas en l’espèce devant la Cour Suprême ;
Considérant ensuite que l’exception porte sur la constitutionnalité ou non de textes législatifs ou réglementaires ou de tout acte juridique émanant des pouvoirs publics susceptibles de porter atteinte à un droit fondamental ; qu’il s’agit dans la présente affaire d’actes émanant de l’autorité judiciaire et d’actes réglementaires rentrant dans le domaine visé par l’article 122 de la Constitution ;
Considérant par ailleurs que le délai imparti par la Constitution et la loi doit être respecté, condition remplie par le requérant ;
Considérant en outre que la requête doit être appuyée de faits et titres lui donnant un fondement suffisant, lesquels doivent être, préalablement à la saisine, présentés devant une juridiction quelconque et se trouver à la base du motif de renvoi devant la Haute Cour Constitutionnelle ;
Considérant, en conséquence, que tout moyen non présenté préalablement devant la juridiction ayant sursis à statuer et soutenu pour la première fois devant la juridiction constitutionnelle ne peut qu’être déclaré irrecevable ;
Considérant en effet que ni les dispositions constitutionnelles ni les dispositions légales en vigueur ne permettent aux justiciables de saisir directement la juridiction constitutionnelle sur des moyens nouveaux non présentés antérieurement devant une juridiction ;
Considérant que dans le cas d’espèce, le requérant soulève pour la première fois et directement devant la Haute Cour Constitutionnelle les questions relatives à la non-ratification par le Parlement de l’arrêt n°4 du 16 avril 2002 de la Chambre Administrative de la Cour Suprême et de l’Accord de Dakar du 18 avril 2002 ;
Que de surcroît, les moyens sus cités n’ont aucun rapport avec les demandes principales présentées devant la juridiction initialement saisie ;
Que la Cour de céans ne peut, en conséquence, procéder à l’examen desdits moyens ;
Considérant en effet qu’initialement, devant la juridiction pénale, la demande portait essentiellement sur la question relative au dessaisissement pour incompétence ratione materiae de ladite juridiction ;
Que seuls les points liés à cette demande initiale sont déclarés recevables devant la Cour de céans ;
A U F O N D :
Sur les faits :
Considérant qu’il est exposé dans la requête :
Que suivant décret n°98-522 du 23 juillet 1998, le requérant a été nommé Premier Ministre, Chef du Gouvernement suite à la démission de son prédécesseur constatée par décret n°98-521 du 22 juillet 1998 ;
Qu’il a exercé cette fonction dans le cadre de laquelle il a occupé le Palais d’Etat de Ak, résidence de la Primature, jusqu’au 27 mai 2002, date à laquelle il en a été délogé manu militari pour être assigné à résidence fixe à son domicile à Aj selon le décret n°2002-362 du 5 juin 2002 ;
Que le 21 octobre 2002, il a été convoqué par le Procureur de la République d’Antananarivo et entendu comme témoin en son cabinet pour être ensuite conduit devant le Doyen des juges d’instruction et inculpé de plusieurs infractions puis placé sous mandat de dépôt le même jour ;
Qu’il est inculpé :
d’usurpation de fonction pour avoir, sans titre, fait les actes de Premier Ministre, par la signature d’ordres écrits de virement, respectivement en date des 15 et 23 mai 2002 ;
de détournement de deniers publics par immixtion dans le maniement de deniers publics à compter du 6 mai 2002 ;
d’atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat pour avoir recruté, fourni asile à des éléments de Bemiranga à Ak, courant mai 2002, faits constitutifs de manœuvres et actes de nature à compromettre la sécurité publique et à occasionner des troubles politiques graves, à provoquer la haine du Gouvernement malgache et à enfreindre la loi du pays ;
de recel de malfaiteurs et,
d’attentat contre le Gouvernement, pour avoir, courant mai 2002, commis un attentat dont le but est de changer de Gouvernement en participant à des conseils de ministres à Ai, en prenant des décisions contraires aux mesures prises par les autorités malgaches, en occupant de façon illicite des locaux réservés à la Primature ;
Que toutefois, le requérant estime avoir la qualité de Premier Ministre au moment des faits et qu’il a présenté devant le Doyen des juges d’instruction, par requête du 28 novembre 2002, une exception d’inconstitutionnalité contestant la saisine des juridictions de droit commun pour le juger puisqu’il est justiciable de la Haute Cour de Justice conformément à l’article 114 de la Constitution et qu’il a demandé de surseoir à statuer en application de l’article 122, alinéa 2, de la Constitution ;
Que par ordonnance en date du 7 mars 2003, le Doyen des juges d’instruction a rejeté la demande de sursis à statuer et que par arrêt n°150 du 24 mars 2003, la Chambre d’Accusation de la Cour d’Appel d’Antananarivo a confirmé ladite ordonnance sur les dispositifs relatifs au sursis à statuer pour inconstitutionnalité ;
Qu’ensuite, statuant sur les pourvois en cassation des conseils, par arrêt n°116 du 9 mai 2003, la Cour Suprême, Formation de Contrôle, Chambre pénale, a décidé de surseoir à statuer et a imparti au requérant un délai d’un mois pour saisir la Haute Cour Constitutionnelle ;
Sur les points contestés :
de l’acte de saisine n°9848-RP/03/PR-66/CR/J3/02 des juridictions de droit commun :
Considérant que sieur Af AG soutient :
Que l’acte sus visé constitue à son encontre une poursuite pénale devant la juridiction de droit commun ;
Que cependant, d’une part, au moment des faits reprochés, le décret n°98-522 du 23 juillet 1998 l’ayant nommé Premier Ministre, n’a pas été abrogé ; qu’en effet, le décret n°2002-001 nommant un nouveau Premier Ministre le 26 février 2002 ne porte pas la mention d’abrogation des dispositions antérieures contraires et ce, en violation du respect du principe du parallélisme de forme des actes administratifs alors que le principe a été appliqué dans le décret n°2002-002 portant nomination des membres du Gouvernement en son article 2 lequel porte expressément abrogation de toutes dispositions antérieures contraires ;
Que d’autre part, par requête du 29 novembre 2002, le requérant a demandé au Chef de l’Etat l’abrogation de ce décret ; qu’aucune suite n’y a été donnée ;
Que l’occupation de la résidence de la Primature à Ak par le requérant jusqu’au jour de son arrestation le 27 mai 2002 procède de sa nomination aux fonctions de Premier Ministre en 1998 ; qu’en l’absence de dispositions réglementaires contraires, il exerçait normalement la fonction à laquelle il a été nommé et qu’à preuve, il lui a été demandé ce jour du 27 mai de déposer sa démission ;
Que n’ayant pas été notifié de l’abrogation du décret qui l’a nommé ni signifié de la nomination de celui qui venait le remplacer, il estime devoir bénéficier de l’application des dispositions de l’article 114 de la Constitution qui a prévu une procédure de mise en accusation spécifique et une juridiction spécialisée compte tenu de sa qualité de Premier Ministre ;
Qu’en conséquence, il estime que le fait de permettre à un Procureur de la République de faire poursuivre devant les juridictions de droit commun telle personnalité et dont la poursuite est expressément exclue de sa compétence par la loi fondamentale, rend illusoire la protection établie par la loi et rentre en violation des dispositions de l’article 114 de la Constitution ainsi que des préceptes généraux de justice et d’équité ;
Qu’il demande à la Cour de céans de déclarer l’acte de saisine sus visé inconstitutionnel ;
2-des actes réglementaires se trouvant à la base de la poursuite du requérant :
Considérant que le requérant déplore la prise de mesures contraires à la Constitution pour le règlement de la crise politique de décembre 2001 ;
Qu’il en est ainsi pour le décret n°2003-007 du 12 janvier 2003 ayant nommé un Premier Ministre et les décrets antérieurs ayant nommé à ce poste ;
Qu’il soutient que ce décret instaure au sein de la République l’existence de deux Premiers Ministres, deux Chefs de Gouvernement ; que cette pratique est contraire à la lettre et à l’esprit de l’article 53 de la Constitution ayant prévu un Premier Ministre et qu’il y est fait obligation de nommer un nouveau Premier Ministre en mettant fin aux fonctions de celui qui est en exercice ;
Que ledit décret rompt le principe même et l’organisation de la structure de l’Etat en manquant d’abroger celui du requérant ; que cette abrogation est d’autant plus impérative, le décret ayant été pris par une nouvelle autorité ;
Considérant que les conseils du requérant, au cours de l’audience publique du 2 juillet 2003 au siège de la Haute Cour Constitutionnelle, ont repris et confirmé dans leur plaidoirie les termes de leur requête ;
Considérant que pour sa part, dans son mémoire en défense en date du 27 juin 2003, la Direction de la Législation et du Contentieux, représentant l’Etat, soutient que l’abrogation expresse du décret n°98-522 du 23 juillet 1998 portant nomination du Premier Ministre, Chef du Gouvernement, n’est pas nécessaire, le décret de nomination du nouveau Premier Ministre ayant procédé à cette abrogation par application du principe de l’ « abrogation tacite » ; qu’il en est de même des autres décrets antérieurs et ayant le même objet ;
Considérant que dans son mémoire en réplique en date du 2 juillet 2003, les conseils du requérant exposent :
Qu’en premier lieu, admettre le principe d’abrogation tacite dans le cas d’espèce permet une violation d’une disposition constitutionnelle par omission ;
Que l’Etat reconnaît qu’il n’y a pas eu abrogation formelle du décret n°98-522 ayant nommé le requérant Premier Ministre ; que d’ailleurs le décret n°2002-001 du 26 février 2002 l’atteste alors même que le décret n°2002-002 de la même date nommant les membres du Gouvernement dément expressément telle argumentation ;
Que l’article 53, alinéa 2, de la Constitution prévoit que le Président de la République doit justifier par la référence à « toute cause déterminante » la raison de la révocation ;
Que l’abrogation tacite invoquée ne permet pas de connaître la cause déterminante visée par la Constitution ;
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Considérant que l’ensemble des demandes tend au bénéfice du privilège de juridiction, en ce sens que sieur Af AG affirme avoir la qualité de Premier Ministre au moment des faits incriminés et que par conséquent, il s’estime justiciable de la Haute Cour de Justice ;
Sur la Haute Cour de Justice :
Considérant qu’en vertu des dispositions de l’article 114 de la Constitution, le Premier Ministre est pénalement responsable devant la Haute Cour de Justice des actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions et qualifiés crimes ou délits au moment où ils ont été commis ;
Considérant que les constituants malgaches ont déjà prévu la mise en place de la juridiction d’exception en 1959 et qui devait être la Cour d’Appel de Tananarive constituée en Haute Cour devant laquelle étaient justiciables le Président de la République et les membres du Gouvernement pénalement responsables des actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions et qualifiés crimes ou délits au moment où ils ont été commis ;
Que par la suite, la Constitution de 1975 a prescrit que le Président de la République, les membres du Conseil Suprême de la Révolution et du Gouvernement sont pénalement responsables des actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions et qualifiés crimes ou délits au moment où ils ont été commis et qu’ils sont justiciables de la Haute Cour de Justice ;
Que plus tard, la Constitution du 18 septembre 1992, modifiée par la loi constitutionnelle n°95-001 du 13 octobre 1995 et celle n°98-001 du 8 avril 1998, prévoit en ses articles 113 et suivants, la mise en place de la Haute Cour de Justice devant laquelle sont justiciables le Président de la République, les Présidents des Assemblées parlementaires, le Premier Ministre, les autres membres du Gouvernement ainsi que le Président de la Haute Cour Constitutionnelle ;
Considérant dès lors que si le Président de la République n’est responsable des actes accomplis dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions qu’en cas de haute trahison ou de violation grave et répétée de la Constitution, les autres personnalités ci-dessus visées le sont devant la Haute Cour de Justice pour des actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions et qualifiés crimes ou délits au moment où ils ont été commis ;
Considérant toutefois qu’à ce jour, cette juridiction d’exception qu’est la Haute Cour de Justice n’est pas mise en place malgré la volonté exprimée par les constituants successifs ;
Qu’en effet, si la Constitution, en son article 116, a bien fixé la composition de la Haute Cour de Justice, par contre, la loi organique prévue par l’article 117, devant fixer l’organisation et la procédure devant la Haute Cour de Justice, n’a pas été proposée ni adoptée ;
Considérant qu’en tout état de cause, l’inexistence actuelle de la Haute Cour de Justice ne saurait, en aucun cas, faire obstacle à l’engagement, en tant que de besoin, de la responsabilité pénale individuelle d’un Chef ou d’un membre d’institution, en vertu du principe de l’Etat de droit selon lequel «Les gouvernants et les gouvernés sont soumis aux mêmes normes juridiques sous le contrôle d’une justice indépendante », et en vertu du principe d’égalité édicté par l’article 7 de la Constitution aux termes duquel « La loi est l’expression de la volonté générale. Elle est la même pour tous, qu’elle protège, qu’elle oblige ou qu’elle punisse. » ;
Considérant que la non – organisation de la Haute Cour de Justice a pour conséquence de rendre inopérant le privilège de juridiction ;
Sur l’analyse de la demande :
Considérant que le requérant prétend avoir la qualité de Premier Ministre en ce que sa nomination n’a pas été expressément abrogée et que par conséquent, l’acte de saisine des juridictions de droit commun est inconstitutionnel ;
Des décrets de nomination de Premier Ministre :
Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article 53 de la Constitution, en son alinéa premier, « Le Président de la République nomme le Premier Ministre. Il met fin à ses fonctions pour toute cause déterminante. »
Considérant que durant la crise post-électorale de 2002 et dans des circonstances exceptionnelles, un nouveau Premier Ministre a été nommé suivant décret n°2002-001 du 26 février 2002 publié au journal officiel de la République le 4 mars 2002 ; que ledit décret a été confirmé par décret n°2002-191 du 9 mai 2002 paru au journal officiel de la République le 20 mai 2002 et par décret n°2003-007 du 12 janvier 2003 paru au journal officiel de la République le 3 février 2003 ;
Considérant que lesdits décrets n’ont pas procédé à une abrogation expresse de la nomination du sieur Af AG ;
Considérant que la Constitution ne prévoit qu’un seul Premier Ministre et que toute affirmation contraire n’est pas conforme à la lettre et à l’esprit de la loi fondamentale ;
Considérant que les élections présidentielles du 16 décembre 2001 ont abouti à l’avènement de nouveaux gouvernants et qu’il est normal et régulier qu’un nouveau Premier Ministre soit nommé ;
Considérant que la non-abrogation de la nomination d’un ancien Premier Ministre par le décret nommant celui qui le remplace n’a nullement pour effet l’existence de deux Premiers Ministres ;
Considérant, en effet, que l’abrogation d’un texte qui consiste à lui ôter pour l’avenir toute valeur de portée juridique peut prendre deux formes : celle expresse et celle tacite ou implicite ; que la Constitution n’impose aucune forme spécifique d’abrogation pour la nomination d’un Premier Ministre ;
Considérant que dès qu’une nouvelle disposition législative ou réglementaire devient incompatible avec une disposition antérieure, cette dernière demeure implicitement abrogée par la simple application de l’adage « lex posterior derogat priori » (la loi postérieure déroge à la loi antérieure) ;
Considérant, par ailleurs, que le requérant est mal venu à invoquer le moyen fondé sur l’absence de notification du décret abrogeant sa nomination ou de la non-signification du décret nommant un nouveau Premier Ministre ; qu’en effet, il était censé être informé de la nouvelle nomination parue dans le journal officiel de la République et diffusée à travers les médias ;
Considérant que le décret nommant un nouveau Premier Ministre, en tant qu’acte politique, vise notamment la continuation de la conduite des affaires de l’Etat, le rétablissement de la paix sociale et de l’ordre public ;
Considérant qu’au moment des faits incriminés, sieur Af AG n’avait pas effectivement pouvoir à conduire les affaires de l’Etat ;
Considérant qu’il en résulte que sieur Af AG n’était plus Premier Ministre, Chef du Gouvernement à Madagascar, le décret l’ayant nommé en 1998 ayant été abrogé et le décret nommant son remplaçant étant conforme à la Constitution ;
De l’acte de saisine des juridictions de droit commun :
Considérant que sieur Af AG n’ayant plus été Premier Ministre au moment des faits incriminés, il n’est plus besoin de considérer si les faits auraient été commis dans l’exercice de ses fonctions ou en dehors des fonctions de Premier Ministre ;
Que de tout ce qui précède, la procédure de poursuite du sieur Af AG devant les juridictions de droit commun est conforme à la Constitution ;
En conséquence,
D é c i d e :
Article premier.- La Haute Cour Constitutionnelle est compétente pour statuer sur l’exception d’inconstitutionnalité introduite par sieur Af AG..
Article 2.- Sont irrecevables les moyens tirés de la non-ratification par le Parlement de l’arrêt n°4 du 10 avril 2002 de la Chambre Administrative de la Cour Suprême et de l’Accord de Dakar du 18 avril 2002.
Article 3.- Sont recevables les moyens tirés de la saisine des juridictions de droit commun.
Article 4.- Sieur Af AG n’étant plus Premier Ministre au moment des faits incriminés, la procédure de poursuite devant la juridiction de droit commun est conforme à la Constitution.
Article 5.- La présente décision sera notifiée aux parties, à la Chambre pénale de la Formation de Contrôle de la Cour Suprême et publiée au journal officiel de la République.
Ainsi délibéré en audience privée tenue à Antananarivo le vendredi quatre juillet l’an deux mil trois à quinze heures, la Haute Cour Constitutionnelle étant composée de :
M. RAJAONARIVONY Jean-Michel, Président
M. IMBOTY Raymond, Haut Conseiller - Doyen
Mme AK née AI Am Ab, Haut Conseiller
M. RABENDRAINY Ramanoelison, Haut Conseiller
M. ANDRIAMANANDRAIBE RAKOTOHARILALA Auguste, Haut Conseiller
Mme RASAMIMANANA née AH Al , Haut Conseiller
M. RABEHAJA-FILS Edmond, Haut Conseiller
M. RAKOTONDRABAO ANDRIANTSIHAFA Dieudonné, Haut Conseiller
Mme DAMA née RANAMPY Ac Ag, Haut Conseiller
et assistée de Maître RALISON Samuel Andriamorasoa, Greffier en chef.