1998011205
COUR SUPREME DU MALI ********* SECTION JUDICIAIRE *********
Chambre civile :
ARRET N° 05 DU 12 JANVIER 1998
Demande de restitution de bien -Application de la loi nouvelle de procédure à une instance en cours-Action civile introduite devant la juridiction après classement sans suite de la plainte par le procureur de la république--Rétractation - Rabat d'arrêt - Recevabilité.
Attendu qu'il est constant que A Ac par l'organe de son avocat. avait introduit sous l'empire de la loi n° 90-113/AN-RM du 20 novembre 1990 portant réorganisation de la Cour Suprême, une requête en rétractation contre l'arrêt n° 93 du 11 juillet 1994 de la Chambre civile de la Cour Suprême.
Attendu qu'avant l'enrôlement du dossier, est intervenue la loi n° 96-071 portant loi organique fixant l'organisation, les règles de fonctionnement de la Cour Suprême et la procédure suivie devant elle qui, dans ses dispositions finales (article 149) a abrogé la loi n° 90-11/AN-RM du 20 novembre 1990 qui avait institué la voie de recours de la rétractation contre les arrêts de la Section judiciaire de la Cour Suprême.
Attendu qu'en droit cette loi organique qui est une loi de procédure d'application immédiate s'applique aux instances en cours qui n'ont pas fait l'objet d'une décision au fond.
Que c'est ainsi que par arrêt n° 90 du 19 mai 1997, la Cour Suprême a déclaré en la forme la requête en rétractation de A Ac irrecevable, la procédure en rétractation ayant cessé d'exister.
Attendu que juridiquement, cet arrêt qui n'est pas une décision sur le fond ne fait pas obstacle aux recours en rabat d'arrêt qui est une nouvelle voie de recours autorisée par la loi contre les arrêts rendus par la Section judiciaire de la Cour Suprême.
Qu'il échet de déclarer recevable en la forme la demande en rabat d'arrêt.
La Cour :
Après en avoir délibéré conformément à la loi.
En la forme :
Par acte requête en date du 09 juin 1997, Me Boly Koné, avocat à la Cour, agissant au nom et pour le Compte de A Ac a sollicité qu'il plaise à la Cour Suprême (Chambres réunies) de rabattre l'arrêt n° 93 rendu le 11 juillet 1994 par la Chambre Civile de Cour Suprême dans l'instance en demande de restitution de biens qui l'oppose à Aa Ab.
Attendu qu'il résulte des pièces du dossier que le requérant a consigné et que le défendeur a répliqué aux moyens de droit invoqués par le demandeur au soutien de sa requête en rabat d'arrêt ;
Que par ailleurs les formalités prescrites par l'article 590 du Code de procédure civile commerciale et sociale ont été observées par le greffe de la Cour Suprême ;
PROCEDURE
Attendu que ce faisant, la requête est en la forme recevable pour avoir satisfait aux exigences de la loi ;
Au fond :
La requête invoque la violation par la Cour Suprême de la loi en ce que son arrêt n° 93 du 11 juillet 1993 est entaché d'une erreur de procédure non imputable au demandeur ;
Qu'en effet, les juges de la Chambre Civile de la Cour Suprême à l'instar de leurs homologues de la Cour d'Appel ont fondé en la cause leur conviction sur les dispositions de l'article 10 du Code de procédure pénale alors que l'action civile dont ils étaient saisis était basées sur l'article 1382 du Code Civil ;
Que ce faisant, ladite action devait recevoir sa solution sur la base du Code de procédure civile ;
Que la décision rendue par la Chambre Civile de la Cour Suprême sur la base du Code de procédure pénale, procède par erreur de procédure non imputable à lui, requérant, laquelle erreur de procédure affecte la solution donnée à l'affaire par la Cour Suprême, à savoir le rejet de son pourvoi formé contre l'arrêt n° 65 du 03 février 1993 de la Chambre civile de la Cour d'Appel de Bamako ;
Que ce faisant, il sollicite le rabat de l'arrêt n° 93 du 17 juillet 1994 de la Cour Suprême qui pèche par violation de la loi tirée de l'erreur de procédure qui ne lui pas imputable ;
Attendu que dans sa réplique, le défendeur a conclu au rejet du recours formé aux motifs que contrairement aux affirmations de A Ac, l'arrêt attaqué procède d'une saine application de la loi en ce que les faits dont A Ac se prévaut ont fait l'objet d'une plainte pour abus de confiance qui été finalement classée par le parquet pour prescription.
Que l'action dont A se prévaut dans sa requête est la résultante directe de l'infraction d'abus de confiance qui pouvait être retenue contre Aa Ab si ce n'était pas prescription.
Que l'article 10 du Code de procédure pénale dispose : « l'action civile ne peut être engagée après l'expiration du délai de l'action publique » ;
Que l'action en restitution de A Ac est donc bel et bien une action civile comme connexe à une action publique découlant d'une infraction pour laquelle A avait, dans un premier temps porté plainte, pour obtenir la réparation du préjudice qu'il avait subi ;
Que cette plainte a fait l'objet d'un classement sans suite pour prescription et qu'aux termes de l'article 10 du Code de procédure pénale, aucune autre action tant civile soit-elle ne pouvait plus désormais être engagée ;
Qu'en vertu de la règle de la solidarité des prescriptions lorsque l'action publique est prescrite du même coup, l'action civile se trouve elle-même prescrite et elle ne peut être exercée ni devant le Tribunal répressif, ni devant le Tribunal civil ;
Que c'est donc à bon droit que l'arrêt n° 93 du 11 juillet 1994 rendu par la Cour Suprême a suivi la Cour d'Appel dans son raisonnement ;
Qu'il échet en conséquence de rejeter purement et simplement le recours en rabat d'arrêt formé par A Ac contre ledit arrêt ;
Qu'au surplus, les Chambres réunies de la Cour Suprême ont déjà statué sur cette affaire et ont rendu à cet effet l'arrêt n° 90 du 19 mai 1997 ;
ANALYSE DES MOYENS
1° Sur la recevabilité de la demande en rabat d'arrêt de A Ac
Attendu qu'il est constant que A Ac par l'organe de son avocat Me Boly Koné avait introduit sous l'empire de la loi n° 90-113/AN-RM du 20 novembre 1990 portant réorganisation de la Cour Suprême, une requête en rétractation contre l'arrêt n° 93 du 11 juillet 1994 de la Chambre Civile de la Cour Suprême ;
Attendu qu'avant l'enrôlement du dossier, est intervenue la n° 96-071 portant loi organique fixant l'organisation, les règles de fonctionnement de la Cour Suprême et la procédure suivie devant elle qui dans ses dispositions finales (article 149) a abrogé la n° 90-113/AN-RM du 20 novembre 1990 qui avait institué la voie de recours de la rétractation contre les arrêts de la Section Judiciaire de la Cour Suprême ;
Attendu qu'en droit cette loi organique est une loi de procédure d'application immédiate s'applique aux instances en cours qui n'ont pas fait l'objet d'une décision au fond ;
Que c'est ainsi que par arrêt n° 90 du 19 mai 1997, la Cour Suprême (Chambres réunies) a déclaré en la forme la requête en rétractation de A Ac irrecevable, la procédure en rétractation ayant cessé d'exister ;
Attendu que juridiquement cet arrêt qui n'est pas une décision sur le fond ne fait pas obstacle au recours en rabat d'arrêt qui est une nouvelle voie de recours autorisée par la loi contre les arrêts rendus par la section judiciaire de la Cour Suprême ;
Qu'il échet de déclarer recevable en la forme la demande en rabat d'arrêt de A Ac qui satisfait aux exigences de la loi.
2° Sur le moyen présenté par A Ac
Attendu que le requérant sollicite le rabat de l'arrêt déféré motifs pris qu'il procède par erreur de procédure qui ne lui est pas imputable, en ce que les juges de la Cour Suprême ont appliqué à l'action civile par lui introduite sur la base de l'article 1382 du Code Civil, la loi de procédure pénale alors que celle-ci devrait avoir sa solution sur la base des règles du Code de procédure civile ;
Attendu que par rapport à ces griefs, l'arrêt n° 93 du 11 juillet 1994 de la Chambre Civile de la Cour Suprême pour justifier le rejet du pourvoi formé contre l'arrêt n° 65 du 03 février 1993 de la Cour d'Appel de Bamako énonce entre autres :
« attendu que l'action en restitution est bien une action civile connexe à une action publique découlant d'une infraction pour laquelle A Ac a porté plainte et demandé la réparation du préjudice subi » ;
Qu'aux termes de l'article 10 du Code de procédure pénale, cette plainte ayant fait l'objet d'un classement sans suite pour prescription, aucune autre action ne saurait être engagée encore ;
Que la règle ci-dessus énoncé est consacrée par la jurisprudence en ces termes : « l'action en réparation résultant d'un crime ou d'un délit se prescrit dans le laps de temps de l'action publique, soit qu'on l'intente simultanément, soit qu'on l'intente séparément ;
Qu'étant donné le caractère d'ordre public de cette prescription, elle s'impose au juge civil qui n'a pas seulement le droit mais le devoir de le soulever d'office ;
Qu'aux termes de la loi notamment l'article 10 du Code de procédure pénale, le juge n'avait aucune autre alternative devant le procès-verbal de classement sans suite qui consacre l'extinction de l'action publique ;
Que ce procès-verbal de classement sans suite s'impose aux juges ;
Attendu que des énonciations qui précèdent, il appert que l'arrêt querellé se fonde sur l'article 10 du Code de procédure pénale comme base juridique de la décision rendue ;
Attendu que cependant il résulte amplement du procès-verbal de classement sans suite n° 136 que le Procureur de la République de la Commune V a fait notifier par la Police judiciaire à A Ac que sa plainte en abus de confiance contre Aa Ab a été classée sans suite pour prescription mais « qu'il a la faculté soit de poursuivre lui-même devant la juridiction Civile ou Pénale compétente, soit de demander l'ouverture d'une information en se constituant partie civile devant le juge d'instruction . » ;
Attendu qu'usant de la faculté qui lui a été ainsi indiquée par le Parquet, A Ac a introduit devant le tribunal Civil compétent une action en restitution de bien ou de paiement de dommages intérêts sur la base de l'article 1382 du Code Civil pour le préjudice qu'il a subi par la faute du tiers Aa Ab à qui il n'avait pas remis son véhicule ;
Attendu qu'il est constant que le classement sans suite est un acte administratif de Parquet et non une décision juridictionnelle et si le tribunal correctionnel avait été saisi de l'affaire, il aurait certes déclaré en la forme l'action publique irrecevable pour cause de prescription mais aurait renvoyé la partie civile à mieux se pourvoir ;
Que juridiquement, le fait par A Ac d'avoir saisi le Procureur de la République ne fait pas échec à sa procédure civile tant il est vrai que le parquet, après analyse et en constatant la connotation civile, se devrait de transmettre pour compétence le procès-verbal concerné au Président du Tribunal de la juridiction ;
Attendu que l'article 10 du Code de procédure pénale stipule : « l'action ne peut être engagée après l'expiration du délai de prescription de l'action publique ; l'action se prescrit selon les règles de la loi civile » ;
Attendu que la loi n° 80-1042 du 03 décembre 1980 précise : « l'action civile se prescrit selon les règles du Code civil » ;
« Toutefois cette action ne peut être engagée devant la juridiction répressive après l'expiration du délai de prescription de l'action publique » ;
Qu'elle subsiste seulement devant la juridiction pénale ;
Que de toute évidence, en soutenant le contraire, l'arrêt dont la rétractation est demandé, a procédé par erreur de procédure non imputable au requérant laquelle erreur a incontestablement affecté la solution donné à l'affaire par la Cour Suprême ;
Qu'il s'ensuit que la seule requête en rabat d'arrêt formulée répond aux exigences de cas d'ouverture du recours de l'espèce définie à l'alinéa 35 avant dernier alinéa de la loi organique n° 96-071 du 16 décembre 1996 fixant l'organisation, les règles de fonctionnement de la Cour Suprême et procédure suivie devant elle.
PAR CES MOTIFS : LA COUR : En la forme : Reçoit la requête ;; Au fond : Rabat l'arrêt n° 93 du 11 juillet 1994 de la Chambre Civile de la Cour Suprême ; Ordonne la restitution de l'amende de consignation ; Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement les jour, mois et an que dessus.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER