19980518100
COUR SUPREME DU MALI ********* SECTION JUDICIAIRE *********
Chambre Civile
POURVOI N° 145 DU 19 JUIN 1997
ARRET N° 100 DU 18 MAI 1998
Annulation de vente - Parties au procès (changement de parties) - Violation du principe ducontradictoire-Interventionvolontaire-Saisie-vente-Saisie-exécutionforcée-Effets d'une transaction sur le sort d'une procédure d'exécution forcée-
L'intervention est l'acte par lequel une personne qui n'était ni partie, ni représentée à
l'instance y entre parce que ses intérêts s'y trouvent engagés. Attendu que si ces dispositions pouvaient s'appliquer à Ad Ah, elles ne sauraient concerner Maître Famory Camara qui était déjà partie à l'instance.
Que le Commisseur-priseur Maître Famory Camara qui était donc partie à l'instance en annulation de vente devant le Tribunal de 1ère Instance de Bamako devait également participer à la procédure d'Appel faute de quoi, l'arrêt d'appel interviendrait en violation des article 14 et 16 cités dans le moyen, le principe du contradictoire ayant aussi été violé par les juges d'appel, toujours en ce qui concerne la non participation d'une partie aux débats devant la juridiction du second degré.
Attendu qu'en matière de saisie-vente, l'exécution forcée n'est légalement suspendue
que par voie judiciaire ; Que dès lors, une transaction, à plus forte raison un projet de transaction ne saurait s'imposer au Commissaire-priseur chargé de la vente.
La Cour :
Après en avoir délibéré conformément à la loi :
EN LA FORME :
Par acte au greffe de la Cour d'Appel de Bamako, en date du 19 juin 1997, Me Abdoul Wahab Berté, avocat à la Cour, agissant au nom et pour le compte de Aa Ai, déclarait se pourvoir en cassation contre l'arrêt n° 238 rendu le 18 juin 1997 par ladite Cour dans une instance en annulation de vente qui oppose le demandeur à Ab Af.
Le demandeur au pourvoi a consigné, Maître Famory Camara et Modibo Diarra, intervenants volontaires par requête en date du 17 novembre 1997, ont également consigné ;
Le demandeur au pourvoi et les intervenants ont produit un mémoire ampliatif sous la plume de leur Conseil commun, Maître Abdoul Wahab Berthé ; Attendu que le pourvoi du demandeur est recevable pour avoir satisfait aux exigences légales ;
Que l'intervenant volontaire accessoire de Maître Famory Camara et de Ad Ah visant la conservation de leurs droits dans la procédure doit également être déclarée recevable nonobstant les conclusions du défendeur tendant au rejet du pourvoi et à l'irrecevabilité de ladite intervention ;
Qu'en effet, l'intervention accessoire dans le cas d'espèce a pour objet de protéger des intérêts évidents pour l'Officier Ministériel qui a procédé à la vente contestée Me Famory Camara et l'adjudicataire de la concession litigieuse en l'occurrence Ad Ah ;
Que de tout ce qui précède, il y a lieu de déclarer recevable le pourvoi et les interventions volontaires ;
AU FOND :
A-MOYENS DE CASSATION
Au soutien de son pourvoi, Aa Ai articule deux moyens de cassation pris de violation de la loi et de la dénaturation des faits ;
1° De la violation de la loi :
En ce que l'arrêt d'appel a violé les dispositions de l'article 14 alinéa 1 de l'article 16 du Code de procédure civile commerciale et sociale ;
Que l'article 14 dispose en effet que nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée alors que l'alinéa 1er de l'article 16 du même code fait obligation au juge de faire observer en toutes circonstances et d'observer lui-même le principe de la contradiction ;
Que dans le cas d'espèce, il est question d'une procédure d'annulation de vente ; que sont forcément impliqués dans une telle procédure, le créancier saisissant, le débiteur saisi, l'adjudicataire et l'Officier ministériel qui a procédé à la vente aux enchères publiques ;
Que ceci est d'autant plus évident que le Commissaire-Priseur Maître Famory Camara était nommément partie à la procédure ainsi qu'il peut être constaté dans le jugement infirmé par la Cour d'Appel ;
Que malgré la demande en citation des autres parties, expressément formulée par le mémorant Aa Ai dans ses écritures en appel, la Cour a cru devoir passer outre et rendre l'arrêt attaqué alors que ledit arrêt porte manifestement grief aux droits et intérêts de l'acquéreur Ad Ah et du Commissaire-priseur Maître Famory Camara qui se voient opposer une décision qui leur est étrangère ;
Qu'ils n'ont été ni appelés, ni entendus en appel contrairement à la procédure en première instance ;
Que dès lors en statuant comme ils l'ont fait, les juges d'appel ont à l'évidence violé la loi, ce qui expose leur décision à la cassation sollicitée ;
2° De la dénaturation des faits :
En ce que le grief de dénaturation se définit comme la méconnaissance par le juge du fond du sens clair et précis d'un écrit justifiant la cassation de l'arrêt dont elle entache un mot essentiel, il s'en suit que le moyen tiré de la dénaturation doit nécessairement et obligatoirement être fondé sur un écrit ;
Que dans le cas d'espèce, il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir annulé la vente aux enchères en cause, motif pris de ce qu'une transaction résulterait d'un commencement de preuve par écrit ;
Que l'arrêt d'appel vise les pièces du dossier, attestant que la somme de deux millions avait été versée comme commencement de preuve par écrit alors que la seule pièce du dossier attestant le paiement des deux millions est constituée par la lettre en date du 08 novembre 1995 signée de Maître Abdoul Karim Koné, Avocat à l'Etude de Maître Abdou Wahab Berthé et adressée à Ae Ag ;
Que cette lettre est assez claire et précise sur la teneur des discussions ayant eu lieu entre les parties ;
Qu'il appert de ces discussions de façon claire la restitution à Ae Ag de la somme sus indiquée qu'il avait avancée en paiement partiel des sommes dues à Aa Ai par Ac Af au cas où le projet de protocole emporterait l'adhésion des parties ;
Qu'il ressort également de ladite lettre que la restitution des deux millions de francs CFA s'expliquait simplement par le fait que le débiteur ou plus précisément son aval, avait remis en cause le projet de protocole d'accord et non un protocole d'accort définitif pouvant lier les parties ;
Que dès lors, les juges d'Appel ne peuvent sans dénaturer la teneur de la lettre du 08 novembre 1995 soutenir valablement qu'il y aurait eu transaction manifestée par un consentement de preuve par écrit ;
Que par ailleurs, il convient de préciser qu'à partir de l'établissement du procès-verbal de saisie, le bien saisi est mis sous main de justice ; que cet acte marque le début effectif de l'intervention des Officiers ministériels, Huissiers et Commissaire-priseur dans l'exécution du titre exécutoire ;
Qu'ainsi, les discussions ou même l'accord des parties non portés à leur connaissance ne peuvent leur être opposables entamer la validité de leurs actes qui font foi jusqu'à inscription de faux ;
Qu'en statuant comme ils l'ont fait les juges d'appel ont manifestement dénaturé les faits d' où la cassation est encore encourue.
B-ANALYSE DES MOYENS
1er moyen :
Attendu qu'il appert du jugement d'instance n° 121 du 18 avril 1996 rendu par le Tribunal de Première Instance de Bamako que Maître Famory Camara était partie à l'instance en qualité de défendeur ;
Que malgré l'insistance du demandeur au pourvoi, l'Officier ministérielle susnommé n'a pas été appelé en cause d'Appel ;
Que l'arrêt attaqué dispose à cet effet que la mise en cause des personnes telles que l'acquéreur, l'huissier de justice ou le commissaire-priseur devait intervenir conformément aux dispositions de l'article 63 du Code de procédure civile, commerciale et sociale relatives à l'intervention volontaire ;
Attendu que l'intervention est l'acte par lequel une personne qui n'était ni partie, ni représentée à l'instance y entre parce que ses intérêts s'y trouvent engagés ;
Attendu que si ces dispositions pouvaient s'appliquer à Ad Ah, elles ne sauraient concerner Maître Famory Camara qui était déjà partie à l'instance ; Que le Commissaire-priseur Maître Famory Camara qui était donc partie à l'instance en annulation de vente devant le Tribunal de Première Instance de Bamako devait également participer à la procédure d'Appel faute de quoi, l'arrêt interviendrait en violation des articles 14 et 16 cités dans le moyen, le principe du contradictoire ayant aussi été violé par les juge d'Appel, toujours en ce qui concerne la non participation d'une partie aux débats devant la juridiction du second degré ;
Attendu que de tout ce qui précède, il y a lieu de recevoir le moyen et d'exposer l'arrêt attaqué à la censure de la juridiction de cassation ;
2ème moyen :
Attendu que les juges d'appel ont estimé que la vente aux enchères publiques de la concession litigieuse devait être suspendue dès lors qu'une transaction était intervenue entre les parties ; Que cette argumentation repose essentiellement sur le paiement d'une avance de deux millions de franc CFA par Ae Ag pour le compte du saisi Ac Af et sur une correspondance adressée à l'auteur du paiement lui faisant retour de la même somme en raison du fait qu'il a remis en cause le projet de protocole d'accord ;
Attendu qu'en matière de saisie vente, l'exécution forcée n'est légalement suspendue que par voie judiciaire ; Que dès lors une transaction a plus forte raison un projet de transaction ne saurait s'imposer au commissaire-priseur chargé de la vente ;
Attendu que la correspondance dont il s'agit vise un projet de protocole d'accord ; que le paiement partiel fait au nom du saisi ne saurait en aucune façon transformer ce projet de protocole en une convention définitive ; que c'est vainement que les juges d'appel invoquent en la circonstance, le commencement de preuve par écrit pour prouver un acte, une convention qui n'ont jamais existé ; Que dès lors, il y a lieu de constater que les faits ont été effectivement dénaturés et accueillir en conséquence le moyen soulevé.
PAR CES MOTIFS
La Cour : En la forme : Reçoit les pourvois ; Au fond : Casse et annule l'arrêt attaqué ; Ordonne la restitution de l'amende de consignation ; Renvoie la cause et les parties devant la Cour d'Appel de Bamako autrement composée ; Met les dépens à la charge du Trésor Public ; Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement, les jour, mois et an que dessus.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER