19990518142
COUR SUPREME DU MALI SECTION JUDICIAIRE Chambre Civile
POURVOI N° 146 DU 14 MAI 1998. ARRET N° 142 DU 18 MAI 1999
ANNULATION D'ACTE NOTARIE-FORCE PROBANTE- RAPPORT D'EXPERTISE -APPRECIATION SOUVERAINE DES PREUVES PAR LE JUGE DU FOND-REJET.
Attendu qu'en droit, le rapport d'expertise ne s'impose pas au juge qui peut asseoir sa conviction sur d'autres éléments de preuve tirés des pièces du dossier et des débats.
Attendu qu'à cet égard, il est de jurisprudence constante que « dès lors qu'ils se sont appuyés sur des éléments de preuve légalement autorisés et qu'ils n'ont pas méconnu la force probante spéciale attachée par la loi à certains actes ou à certains faits les juges du fond apprécient souverainement la valeur qu'il convient d'attribuer aux éléments de preuve qui leur sont soumis et les moyens qui tendent à critiquer cette appréciation ne peuvent être accueillis par la cour de cassation. »
La Cour :
Après en avoir délibéré conformément à la loi:
EN LA FORME:
Par acte n° 146 au greffe de la Cour d'Appel de Bamako en date du 14 Mai 1998, Me Faguimba KEITA, avocat à la cour, agissant au nom et pour le compte de la BDM -SA a déclaré se pourvoir en cassation contre l'arrêt n° 200 rendu le 13 Mai 1998 par la chambre civile de ladite Cour dans l'instance en annulation d'acte notarié qui l'oppose à Ab A dite Aa ;
Attendu qu'il résulte des pièces du dossier que la demanderesse a consigné et a produit un mémoire ampliatif auquel a répliqué la défenderesse qui a conclu au rejet du recours formé;
Attendu que les formalités prescrites par l'article 590 du code de procédure civile, commerciale et sociale, relatives à la notification du mémoire en réplique de la défenderesse à la demanderesse au pourvoi ont été observées par le greffe de la Cour ;
Que la demanderesse a produit à cette occasion un mémoire ampliatif additif pour répondre aux observations formulées par la défenderesse et appuyer les moyens de cassation soulevés ;
Attendu que ce faisant, le pourvoi est en la forme recevable pour avoir satisfait aux exigences de la loi ;
AU FOND:
Le mémoire ampliatif soulève les moyens de cassation ci-dessous ;
Premier moyen tiré du défaut de réponse aux conclusions:
En ce que le mémorant, dans les écritures en date du 17 Septembre 1998, a soutenu et développé que la B D M-S n'était nullement, concernée par la procédure d'annulation d'acte notarié initié par dame Ab A dite Aa et a demandé à la Cour de ne retenir que l'Ex B D M et le Ministère des Finances et non la B D M -S A;
Que la Cour d'Appel n'a pas tenu compte de cette demande alors que par ailleurs le refus de prendre en compte les conclusions des experts ou d'y répondre constitue également un défaut de réponse aux conclusions que la jurisprudence assimile à une absence de motifs;
D'où, il suit que ledit arrêt doit être censuré par la haute Juridiction ;
Deuxième moyen tiré du refus de base légale:
En ce que les juridictions du fond auraient dû surseoir à statuer jusqu'au dépôt du rapport des experts sur la reddition du compte demandée par la défenderesse; Alors qu'en présence d'une reddition du compte la créance ne peut être en ce moment arrêtée ou liquidée; Qu'en procédant comme elle l'a fait, la Cour d'Appel n'a pas donné de base légale à sa décision qui s'expose à la censure de la: Cour Suprême;
ANALYSE DES MOYENS
Attendu que la mémorante fait grief à l'arrêt déféré de procéder par défaut de réponse à conclusion présenté en deux branches et par défaut de base légale;
Sur le premier moyen tiré du défaut de réponses à conclusions
Attendu que cette branche du premier moyen allègue que la mémorante dans ses écritures en date du 17 Septembre 1998 a soutenu et développé que la B D M -SA n'était nullement concernée par la procédure d'annulation d'acte notarié intentée par Ab A dite Aa et a demandé à la Cour de ne retenir que l'ex -BDM et le Ministère des Finances et non la B D M -SA;
Que la Cour d'Appel n'aurait pas donné de réponses à cette demande;
Attendu que par rapport à ce grief, il est constant que l'arrêt attaqué a été rendu le 13
1998 alors que les écritures auxquelles fait allusion la mémorante datent du 27 Septembre 1998;
Qu'il s'enduit que l'arrêt critiqué ne pouvait pas répondre à une demande présentée postérieurement à son avènement;
Attendu par ailleurs que dans le dispositif de ses conclusions en appel en date du 13 Novembre 1997 versées au dossier, Me Faguimba KEITA, Avocat à la Cour, agissant au nom et pour le compte de la B D M -SA,a sollicité qu'il plaise à la Cour:
« EN LA FORME: Recevoir l'appel comme étant régulier
Au FOND : Infirmer le premier jugement dans toutes ses dispositions;
Dire et juger que la Cour surseoit à statuer jusqu'au dépôt des conclusions des Experts »;
Attendu qu'il résulte amplement de ces énonciations que nulle part dans lesdites conclusions, il n'a été demandé à la Cour de substituer l'Ex-B D M et le Ministère des Finances à la B D M -SA;
Qu'il est par contre constant que la Cour d'Appel a répondu aux deux chefs de demande présentés dans les conclusions et ne pouvait sous peine de statuer ultra petita, se prononcer sur chose non demandée à la date du prononcé de l'arrêt;
Que le rapport d'expertise ayant été déposé à la Cour le 11 Mai 1998 antérieurement à la date du 13 Mai, la demande de sursis à statuer jusqu'au dépôt dudit rapport présentée le 13 Novembre 1997 ne se justifiait plus et était 64.195.000 francs CFA et non celle de
205.388.700 francs CFA; Considérant qu'en l'espèce, la balance des paiements effectués et des sommes réellement dues donne un trop perçu de 64.733.442 francs CFA;
Qu'en effet les paiements prouvés et acceptés se chiffrent à 191.633.584 francs CFA tandis que le montant dû est de 126.000.142 francs CFA; qu'il convient dès lors de confirmer le jugement querellé quant au montant à répéter"
Attendu que de ces motivations, il appert que contrairement aux prétentions de la mémorante, l'arrêt attaqué n'a guère occulté les conclusions du collège des experts; Que tout en les prenant en compte, les juges du fond les ont confrontés avec d'autres éléments Attendu qu'à cet égard, il est de jurisprudence constante que les résultats d'une expertise ne lient pas les juges du fond qui peuvent recourir à d'autres modes de preuve comme l'aveu même de la B D M -SA contenu dans sa lettre en daté du 28 Juin 1993 pour asseoir leur conviction;
Attendu qu'en tout état de cause, le point soulevé est une question de fait qui relève de l'appréciation souveraine des juges du fond et échappe comme tel au contrôle de la haute juridiction;
Qu'il s'ensuit que la seconde branche du premier moyen n'est pas plus heureuse que la première et doit être rejetée;
Sur le deuxième moyen tiré du manque de base légale
Attendu que par ce moyen, la mémorante expose que les juridictions du fond doivent surseoir à statuer jusqu'au dépôt du rapport des experts chargés de dégager le solde réel exigible;
Attendu que sur ce point, l'examen des pièces du dossier permet de constater que le rapport incriminé des experts daté du 24 Avril 1989 a été transmis au premier président de la cour d'Appel de Bamako par l'avocat même de la mémorante le 8 Mai 1998 et qu'il a été enregistré au Cabinet du Premier Président le 11 Mai 1998 sous le N° 00419;
Que l'arrêt querellé a été rendu le 18 Mai 1998 donc après la date du dépôt dudit rapport;
Attendu que par ailleurs, l'arrêt attaqué ayant expressément visé ledit rapport dans ses motivations, il ne saurait lui être reproché de n'en avoir pas tenu compte;
Attendu que, cependant en droit, le rapport d'expertise ne s'impose pas au juge qui peut asseoir sa conviction sur d'autres éléments de preuve tirés des pièces du dossier et des débats;
Attendu qu'à cet égard, il est de jurisprudence que, " dès lors, qu'ils se sont appuyés sur des éléments de preuve légalement autorisés et qu'ils n'ont pas reconnu la force probante spéciale attachée par la loi à certains actes ou, à certaine faits les juges du fond apprécient souverainement la valeur qu'il convient d'attribuer aux éléments de preuve qui leur sont soumis et les moyens qui tendent à critiquer cette appréciation ne peuvent être accueillis par la cour de cassation";
Attendu que de ce qui précède, il appert qu'en se fondant. sur l'aveu, même de la B D M -SA donné par écrit et en motivant formellement que les éléments du dossier permettent à la Cour de vider le fond du contentieux, la Cour d'Appel, contrairement aux prétentions de la mémorante, a amplement donné une base légale à sa décision;
Qu'il s'en déduit en conséquence que le deuxième moyen n'est pas pertinent et doit être rejeté;
PAR CES MOTIFS
EN LA FORME: Reçoit le pourvoi;
AU FOND : Le rejette comme mal fondé; Ordonne la confiscation de l'amende de consignation Condamne la demanderesse aux dépens; Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement les jour mois et an que dessus. /.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER./.