19991122313
COUR SUPREME DU MALI SECTION JUDICIAIRE 2ème Chambre Civile
POURVOI N° 02 bis DU 19 JANVIER 1999. ARRET N° 313 DU 22 NOVEMBRE 1999
OPPOSITION A LA VENTE D'UN IMMEUBLE -TITRE FONCIER INATTAQUABLE -VIOLATION DISPOSITONS DU CODE DOMANIAL ET FONCIER
Attendu, que à cet égard, que l'article 237 du code domanial et foncier dispose « le titre foncier est inattaquable ; il constitue devant les juridictions maliennes le point de départ unique de tous les droits réels existant sur l'immeuble au moment de l'immatriculation ».
La Cour :
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
EN LA FORME :
Suivant télégramme daté du 15 Janvier 1999 enregistré au greffe de la Cour sous le numéro 02 bis du 19 Janvier 1999, Maître Mamadou TOUNKARA, avocat à la cour, agissant au nom et pour le compte de Aa X et autres, a déclaré se pourvoir en cassation contre l'arrêt n° 3 rendu le 13 Janvier 1999 par la Chambre civile de la Cour d'Appel de Mopti dans une instance en opposition à la vente d'un immeuble opposant ses clients à Ai Ah B et autres ;
Les demandeurs ont acquitté l'amende de consignation et produit mémoire ampliatif qui a été notifié aux défendeurs; Me Hamadoun DICKO, avocat à la Cour, conseil des défendeurs, a répliqué en concluant au rejet de l'action; tandis que le Cabinet TAPO, malgré le renvoi contradictoire et la notification du greffe suivant lettre n° 592/G.CS du 17 Septembre 1999 n'a répliqué que tardivement le 1er Novembre 1999 soit plus de quinze jours après notification ;
Pour avoir satisfait aux prescriptions de la loi, le pourvoi est recevable en la forme ;
FAITS ET PROCEDURE :
Suite au décès de Ad dit Ab B survenu à Mopti le 5 Novembre 1995, certains de ses héritiers ont saisi le Tribunal civil de Mopti d'une demande en partage des biens successoraux parmi lesquels figure un immeuble objet du titre foncier n° 25 de Mopti ;
Suivant ordonnance n° 34/PTM du 18 Mars 1996, se fondant sur le jugement d'hérédité n° 29 en date du 9 Mars 1995 du tribunal de Mopti, Me Garba GUINDO, notaire en la résidence Ã
Nanti de l'ordonnance n° 74/PTM du 1er Octobre 1997 du Tribunal de Mopti, l'officier Ministériel a procédé à la vente de l'immeuble objet du titre foncier n° 25 de Mopti ; C'est contre cette vente que l'action en opposition est dirigée ; Le tribunal civil de Mopti, saisi de la demande en annulation de la vente effectuée en exécution de l'ordonnance présidentielle susmentionnée, a par jugement n° 92 du 2 juillet 1998, déclaré mal fondée la requête de Ai dit Ah B et autres et les en a déboutés ;
Par arrêt n° 03 du 13 Janvier 1998, la Cour d'Appel de Mopti annule le jugement ci-dessus et statuant à nouveau, annule la vente de l'immeuble objet du titre foncier n° 25 appartenant aux héritiers de feu Ad dit Ab B ;
C'est cette décision qui est déférée à la censure de la Cour Suprême ;
AU FOND :
Présentation des moyens de cassation :
Le mémorant soulève à l'appui de sa demande les moyens de cassation ci-après :
-Premier moyen basé sur la fausse application de la loi :
En ce que l'arrêt querellé, se fondant sur les dispositions des articles 972 et 973 de l'ancien code de procédure civile français et celles de l'article 823 du code civil français relatives à la dévolution successorale, a cru devoir réviser la procédure de liquidation de la succession alors que d'une part ni le jugement de partage, ni l'ordonnance autorisant la vente n'a été attaqué, et que, d'autre part, la jurisprudence de la Cour Suprême de céans juge sans équivoque et conformément à l'article 231 ancien (943 nouveau) du code de procédure civile, commerciale et sociale, qu'un litige en partage de succession relève du droit coutumier, procède d'une fausse application de la loi, mérite la censure de la Cour Suprême, car, par ailleurs, en s'emparant de la succession alors qu'elle est saisie d'une action en annulation de vente, il a statué ultra petita ;
-Deuxième moyen tiré de la violation de la loi notamment l'article 237 du code domanial et foncier :
En ce que l'arrêt attaqué a délibérément occulté la réalité juridique découlant de l'article 237 du Code Domanial et Foncier alors que d'une part, l'immeuble a été acquis avec le liquidateur de surcroît Officier Ministériel nanti d'une ordonnance du Président du Tribunal à cette fin, ce qui exclut le dol, et, d'autre part, le transfert du titre foncier a été fait au profit de l'acquéreur. Que par ailleurs, l'effet juridique résultant des dispositions de l'article 237 susdit mis en exergue par Aj C qui indique que " les droits inscrits ne peuvent plus être attaqués, pas plus que les parties qui ont signé les conventions qui les consacrent que par les tiers qui y sont restés étrangers. Pour les parties, c'est ainsi que le caractère inattaquable du titre foncier s'oppose à ce que soit discutée la validité de conventions passées avant le titre par ceux qui y ont été parties, ou à ce qu'un requérant initial qui a volontairement laissé poursuivre l'immatriculation au nom de son ayant cause vienne discuter, après l'établissement du titre, les droits de cet ayant cause"; que cette position est corroborée par la doctrine qui indique que " le droit reste inattaquable même si une décision judiciaire passée en force de chose jugée, en probante doit être absolue", et, enfin, que la Cour Suprême dans un arrêt n° 60 du 6 Avril 1998 a mis en exergue ces caractéristiques du titre foncier. Que l'arrêt déféré ayant donc flagramment violé ces dispositions, mérite la cassation sans renvoi ;
ANALYSE DES MOYENS :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt querellé la fausse application de la loi et la violation de la loi ;
Attendu, eu égard à leur connexité et à leur interférence, que les deux moyens peuvent s'analyser ensemble ;
Attendu, selon Af Ag Ae A et Ac A dans leur ouvrage intitulé" la technique de cassation", page 138, il y a violation de la loi par fausse application ou refus d'application de la loi, lorsqu'il apparaît à partir de faits matériellement établis correctement qualifiés, que les juges du fond ont fait une mauvaise application de la loi au prix d'une erreur le plus souvent grossière soit qu'ils aient ajouté à la loi une condition qu'elle ne pose pas, soit qu'ils aient refusé d'en faire application à une situation qui manifestement rentrait dans son champ d'application;
Attendu, à cet égard, que l'article 237 du Code Domanial et Foncier dispose" le titre foncier est inattaquable; il constitue devant les juridictions maliennes le point de départ unique de tous les droits réels existant sur l'immeuble au moment de l'immatriculation";
Attendu qu'il ressort des pièces du dossier que l'immeuble objet du titre foncier n°25 du Livre Foncier du cercle de Mopti a été vendu le 13 Novembre 1997 suivant acte notarié de Me Garba GUINDO en exécution du jugement n° 64 du 15 Mai 1997 revêtu de la formule exécutoire et de l'ordonnance présidentielle n°74/PTM du 1er Octobre 1997 du Tribunal de Mopti à Aa X au profit duquel les formalités administratives de mutation ont été effectuées et le titre remis ;
Attendu que les juges d'appel en fondant leur décision sur les dispositions des articles 237, 238, 270 et 206 du code domanial et foncier, 530, 815, 3è, 213, 47, 815, 6è et 1873, 8 du code civil français, 530, 972 et 973 de l'ancien code de procédure civile français, 466, 470 et 473 du code de procédure civile, commerciale et sociale et 35 de la loi n' 87-37/AN-RM du 29 août 1987, pour annuler la vente alors que l'esprit et la lettre de l'article 237 du code domanial et foncier sont sans équivoque, ont manifestement refusé d'appliquer la loi et partant violé les dispositions de l'article 237 susdit qui indiquent que le titre foncier est inattaquable; qu'il s'en suit que le moyen est pertinent et doit être accueilli ;
Attendu qu'aux termes de l'article 607 du code de procédure civile, commerciale et sociale la Cour Suprême peut casser sans renvoi lorsque la cassation n'implique pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond ;
PAR CES MOTIFS
EN LA FORME : Reçoit le pourvoi ; AU FOND : Casse et annule sans renvoi l'arrêt déféré ;
Met les dépens à la charge du trésor public; Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement les jour, mois et an que dessus.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER./.