2000011013
COUR SUPRÊME DU MALI ********* SECTION JUDICIAIRE
Chambre civile
POURVOI N° 38 DU 06 AOÛT 1997
ARRÊT N° 13 DU 10 JANVIER 2000
Revendication de champ - Témoignages - Tarick - Prêt - Prêt gratuit
Outre l'emploi d'une terminologie équivoque « à défaut de preuve à suffisance sur ce point, le prêt n'est pas suffisamment établi » la Cour retient, pour remettre en cause le prêt, l'absence de redevance versée par le bénéficiaire du prêt ou d'acte témoignant de la précarité de l'usage, sans pour autant se prononcer sur la pratique qui a cours dans le milieu et consistant à matérialiser le prêt par l'occupation d'une portion de la parcelle prêtée, qu'en ne se prononçant pas sur cette pratique ou sur les raisons qui conduisent à l'écarter, l'arrêt pêche par insuffisance de motif puisque rien n'interdit le prêt à titre gratuit ; qu'il s'ensuit que le moyen est pertinent et doit être accueilli.
La Cour :
Après en avoir délibéré conformément à la loi.
En la forme :
Par acte n° 38 du 06 août 1997 du greffe de la Cour d'Appel de Mopti, Ab Ac a déclaré se pourvoir en cassation contre l'arrêt n° 70 rendu le même jour par la Chambre civile de ladite Cour dans une instance en revendication de champ l'opposant à Aa Ac ;
Le demandeur au pourvoi a consigné et produit un mémoire ampliatif auquel le défendeur a répliqué ; la réplique a été notifiée au demandeur ; le pourvoi satisfaisant aux exigences de la loi est recevable.
Au fond :
Le demandeur au soutien du pourvoi soulève deux moyens de cassation tirés du défaut de motif et du défaut de base légale.
1° Premier moyen : Du défaut de motifs :
En ce que l'arrêt attaqué ne fait ressortir ni les faits, ni les points de droit permettant aux juges d'Appel d'infirmer la décision d'instance ;
Qu'il est apparu des témoignages et des débats, la preuve que la parcelle litigieuse est divisée en quatre parties détenues par différentes familles de Tagabaïma ; que mieux, le représentant de l'une des familles en la personne de Ad Ac, a confirmé la propriété de la famille de Ab Ac sur l'ensemble de la parcelle, que ce témoignage conforte la déclaration du
mémorant selon laquelle ses grands parents ont eu à un moment à prêter à différentes familles des parcelles et cela en raison du fait qu'eux-mêmes ne pouvaient exploiter l'ensemble des terres litigieuses, que cependant pour marquer leur emprise sur lesdites parcelles, ils ont occupé une portion de terre située au Sud des parcelles prêtées comme preuve du prêt, pratique coutumière répandue dans la région.
Que ces pratiques ayant été perdues de vue par les juges d'Appel, l'arrêt attaqué manque de motif, ce qui expose l'arrêt à la censure.
2° Deuxième moyen : Tiré du défaut de base légale :
En ce que le défaut de base légale s'analyse en un examen incomplet ou imprécis de motif de faits qui ne permet pas à la Cour Suprême d'exercer son contrôle ;
Que la doctrine précise que la souveraineté du juge du fond pour apprécier les éléments de preuve qui lui sont soumis et pour constater les faits, ne dispense pas celui-ci de procéder à une appréciation d'ensemble de ces faits et preuves, faute de quoi il entacherait sa décision d'un manque de base légale ;
Que dans le cas d'espèce, il aurait fallu aux juges d'Appel de reprendre l'ensemble des faits et des témoignages et d'en faire une analyse d'ensemble ;
Que la Cour s'étant contentée d'infirmer la première décision, n'a pas donné de base légale à sa décision qui de ce fait encourt la cassation.
Le défendeur au pourvoi conclut à son rejet comme non fondé.
ANALYSE DES MOYENS
Premier moyen tiré du défaut de motif :
Attendu que ce moyen reproche à l'arrêt querellé d'être insuffisamment motivé ;
Attendu que la Cour d'Appel de Mopti pour infirmer le jugement d'instance motive : « Considérant qu'il existe des témoignages rangés en faveur de l'une et l'autre partie que demeure entière la question du prêt ou non de la parcelle en question, qu'à défaut de preuve à suffisance sur ce point, il est constant que le lieux litigieux est détenu et mis en valeur plusieurs décennies durant par la famille de Aa Ac, que cette famille a eu à le prêter à une autre famille plus d'une vingtaine d'années pour le reprendre après ;
Qu'il ne ressort nulle part que la famille de Aa a concrétisé le prêt de la famille de Moussa en cédant à celle-ci une part de la récolte du champ ou en accomplissant un quelconque acte témoignant de la précarité de l'usage du champ. ;
Considérant qu'en faisant l'économie du Tarick, il demeure que le prêt des ancêtres de Moussa en faveur de ceux de Aa n'est pas établi à suffisance » ;
Attendu qu'outre l'emploi d'une terminologie équivoque « à défaut de preuve à suffisance sur ce point, le prêt n'est pas suffisamment établi » la Cour retient, pour remettre en cause le prêt, l'absence de redevance versée par le bénéficiaire du prêt ou d'acte témoignant de la précarité de l'usage, sans pour autant se prononcer sur la pratique qui a cours dans le milieu et consistant à matérialiser le prêt par l'occupation d'une portion de la parcelle prêtée, qu'en ne se prononçant pas sur cette pratique ou sur les raisons qui conduisent à l'écarter, l'arrêt pèche par insuffisance de motif puisque rien n'interdit le prêt à titre gratuit ; qu'il s'ensuit que le moyen est pertinent et doit être accueilli.
Attendu que l'analyse du second moyen tiré du manque de base légale est superfétatoire, la cassation étant déjà encourue.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR : En la forme : Reçoit le pourvoi ; Au fond : Casse et annule l'arrêt déféré ; Renvoie la cause et les parties devant la Cour d'Appel de Mopti autrement composée ; Ordonne la restitution de l'amende consignation ; Met les dépens à la charge du Trésor Public. Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement, les jour, mois et an que dessus.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER