2000022120
COUR SUPREME DU MALI ********* SECTION JUDICIAIRE *********
Chambre civile
POURVOI N° 250 DU 10 OCTOBRE 1997
ARRET N° 20 DU 21 FEVRIER 2000
Permis d'habiter - Mise en gage - Compétence juge judiciaire.
Attendu qu'il est fait grief à la Cour d'Appel d'avoir outrepassé sa compétence aux termes des dispositions de l'article 125 du Code domanial et foncier selon lesquelles « toutes les contestations exceptées celles relatives à la mise en gage du permis d'habiter, sont de la compétence de la juridiction administrative de droit commun. »
Que l'article 8 de la loi n° 94-006 du 18 mars 1994 portant organisation et fonctionnement des tribunaux administratifs, donne compétence au Tribunal administratif de Bamako en matière d'annulation de permis d'occuper pour excès de pouvoir.
Attendu que quand bien même que le tribunal administratif de droit commun serait compétent pour connaître de toute contestation en matière de permis d'habiter hormis la mise en gage de celui-ci, il convient de rappeler que le juge judiciaire n'était pas saisi d'une contestation sur le permis d'occuper mais plutôt des droits que confère celui-ci.
La Cour :
Après en avoir délibéré conformément à la loi.
En la forme :
Par actes n° 250 et n° 251 en date du 09 et 10 octobre 1997 reçus au greffe de la Cour d'Appel de Bamako, Maîtres Issiaka Kéita et Mamadou Tounkara tous Avocats à la Cour, agissant au nom et pour le compte de leurs clients Aa Ai, Ab Ah et Ae Ak, ont déclaré se pourvoir en cassation contre l'arrêt n° 343 rendu le 08 octobre 1997 rendu par la Chambre Civile de ladite Cour dans une instance en revendication de titre de propriété opposant leurs clients au sieur Ad Ag ;
Le dossier de la procédure est parvenu au greffe de la Cour Suprême le 25 février 1998 et enregistré sous le n° 44.
Maître Issiaka Kéita pour le compte des demandeurs a consigné le 11 mars 1998 (cf. certificat de dépôt n° 44/98) et produit un mémoire ampliatif le 20 avril 1998.
Le mémoire a été notifié au défendeur qui y a répliqué sous la plume de son Conseil Me Amadou Badra Traoré avocat à la Cour ;
Conformément aux dispositions de l'article 633, ledit mémoire en réplique a été notifié au conseil des demandeurs ;
Ainsi, toutes les exigences de la loi ayant été satisfaites, le recours est recevable en la forme.
Au fond :
En cet état, la cause présentait à examiner les points de droit soulevés par les demandeurs ;
A° MOYENS DE CASSATION PRESENTES PAR LES DEMANDEURS :
A l'appui de leur recours, les demandeurs sous les écritures de leur Conseil Me Issiaka Kéita ont soulevé dans leur mémoire deux moyens de cassation tirés du défaut de base légale et de la violation de la loi.
1° Du premier moyen tiré du défaut de base légale
Le mémoire reproche à l'arrêt attaqué sa carence fondée sur des motifs de droit anéanti ;
En ce que ledit arrêt est motivé sur la base du PO n° 1102-C5-08 du District de Bamako ;
Que par jugement n° 28 du 03 septembre 1997, le Tribunal Administratif de Bamako a annulé pour excès de pouvoir la décision portant création du permis d'occuper n° 02-C5-08 du 10 août 1966 avec tous les transferts successifs ;
Que l'annulation dudit permis ne confère à Ad Ag (défendeur) aucun titre de propriété ;
Que la Cour a eu connaissance de la décision d'annulation du Tribunal Administratif ; que nonobstant cela, les juges d'appel ont cru bon devoir confirmer le premier jugement motivé sur la base du PO annulé ;
Qu'en procédant ainsi, il y a lieu de constater que la décision de la Cour d'Appel est dépourvu de tout fondement juridique ; Qu'il est de jurisprudence constante que « l'annulation par la juridiction administrative d'une décision pour excès de pouvoir prive de fondement juridique les décisions judiciaires auxquelles elle servait de base (cf. cassation en matière Ac A Aj Af 1988 n° 473 et 616) ;
Qu'il résulte donc de tout ce qui précède que l'arrêt déféré encourt cassation pour manque de base légale.
2° Du second moyen pris de la violation de la loi
Pour son second moyen pris en deux branches, le mémoire reproche à l'arrêt attaqué la méconnaissance de la procédure d'excès de pouvoir d'une part, et d'autre part la fausse interprétation de l'article 271 du Code des Obligations ;
a° La méconnaissance de la procédure d'excès de pouvoir :
En ce que le litige en cause soumis à l'appréciation des juges d'Appel concerne le titre de propriété qui est en l'occurrence un permis d'occuper (PO) ;
Qu'aux termes des dispositions de l'article 125 du code domanial et foncier, « toutes les contestations exceptées celles relatives à la mise en gage du permis d'habiter, sont de la compétence de la juridiction administrative de droit commun » ;
Que l'article 8 de la loi n° 94-006 du 18 mars 1994 portant organisation et fonctionnement des Tribunaux administratifs donne attribution au tribunal administratif de Bamako en matière d'annulation de permis d'occuper pour excès de pouvoir ;
Qu'aux termes de l'article 41 de la loi précitée, les décisions des Tribunaux administratifs sont exécutoires contre les parties privées ;
Que le sieur Ad Ag a eu connaissance de la procédure administrative et qu'il lui appartenait donc de faire une intervention, s'il le désirait ;
Que c'est en méconnaissance de la procédure d'excès de pouvoir que les juges d'Appel ont fait grief aux mémorants de ne pas assigner Ad Ag devant le Tribunal administratif ;
b°De l'interprétation erronée de l'article 271 du Code des obligations :
En ce que les juges d'Appel font référence à l'article 271 du Code des obligations de façon partielle ;
Que ledit article in fine dispose que l'acte fait foi jusqu'à preuve contraire ;
Que l'annulation prononcée par le Tribunal administratif est la preuve de l'inexistence de titre de propriété au profit de Ad Ag ;
Que l'acte ne faisant donc pas plus foi, il y a manifestement interprétation erronée de l'article 271 du Code des obligations et qu'en conséquence l'arrêt déféré mérite la censure de la Cour Suprême pour violation de la loi.
B° ANALYSE ET EXAMEN DES MOYENS PRESENTES :
1° Du premier moyen tiré du défaut de base légale
Attendu que le défaut (ou manque) de base légale est constitué par une insuffisance de la motivation de la décision attaquée sur le point du droit ; que dans le cas d'espèce il est fait grief à l'arrêt critiqué de n'avoir pas tiré les conséquences de l'annulation par le Tribunal administratif du permis d'occuper n° 02 05 08 du 10/8/66 du District de Bamako pour excès de pouvoir, permis d'occuper qui est le fondement de la motivation aussi bien du jugement que de l'arrêt dont est pourvoi en faveur de Ad Ag ;
Attendu que le jugement du Tribunal administratif de Bamako n° 28 du 03 septembre 1997 qui a annulé pour excès de pouvoir la décision portant création du permis d'occuper n° 02 05 08 du 10/8/66 n'était pas définitif au moment où la Cour d'Appel statuait le 08 octobre 1997 ; qu'à cette date toutes les voies de recours notamment la tierce opposition étaient encore ouvertes contre ledit jugement, conformément aux point B et C de la Loi 94-006 du 18 mars 1994, aux parties ou à ceux qui y avaient intérêt comme Ad Ag ; que les défendeurs étaient donc mal venus à se prévaloir devant la Cour d'Appel d'une décision non définitive à l'époque et produite après la clôture des débats, en cours de délibéré, pièce n'ayant pas été soumise au principe du contradictoire ; que c'est donc à bon droit que la Cour n'a pas tenu compte dudit jugement dont seul le dispositif lui avait été communiqué ; qu'il appert donc que le moyen est mal fondé et doit être rejeté.
2° Du moyen pris de la violation de la loi, développé en deux branches :
a°Du moyen pris de la méconnaissance de la procédure d'excès de pouvoir par la Cour d'Appel
Attendu qu'il est fait grief à la Cour d'Appel d'avoir outrepassé sa compétence aux termes des dispositions de l'article 125 du Code domanial et foncier selon lesquelles « toutes les contestations exceptées celles relatives à la mise en gage du permis d'habiter, sont de la compétence de la juridiction administrative de droit commun ».
Que l'article 8 de la loi n° 94-006 du 18 mars 1994 portant organisation et fonctionnement des tribunaux administratifs, donne compétence au Tribunal Administratif de Bamako en matière d'annulation de permis d'occuper pour excès de pouvoir ;
Qu'aux termes de l'article L 1 de la loi précitée, les décisions des Tribunaux administratifs sont exécutoires contre les parties privées ; Que Ad Ag a eu connaissance de la procédure administrative et qu'il lui appartenait donc de faire une intervention, s'il le désirait ; Que c'est donc en méconnaissance de la procédure d'excès de pouvoir que les juges d'Appel ont fait grief aux mémorants de ne pas assigner Ad Ag devant le Tribunal administratif ;
Attendu que quand bien même, le Tribunal Administratif de droit commun serait compétent pour connaître de toute contestation en matière de permis d'habiter hormis la mise en gage de celui-ci, il convient de rappeler que le juge judiciaire n'était pas saisi d'une contestation sur le permis d'occuper mais plutôt des droits que confère celui-ci ; qu'en outre, en application de l'article 80 du décret n° 99-254/P-RM du 15 septembre 1999 portant Code de Procédure Civile, Commerciale et Sociale « les exceptions doivent à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de recevoir. Il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l'exception seraient d'ordre public. » ; qu'il appert de ce qui précède que les demandeurs sont mal venus à soulever pour la première fois cette incompétence devant la Cour Suprême.
Attendu que s'agissant de la non intervention de Ad Ag dans la procédure pendante devant le Tribunal administratif, il échet de rappeler que cette intervention était encore possible en Appel et qu'il avait également la voie de la tierce opposition à sa disposition ; qu'il importe de souligner comme ci-dessus développé qu'au moment où la Cour d'Appel statuait ces voies de recours n'étaient pas encore épuisées et qu'on ne pouvait pas lui tenir rigueur de ne pas les avoir utilisées ; qu'il appert donc que cette branche du moyen est mal fondée et doit être rejetée ;
b° De la seconde branche du moyen tirée de l'interprétation erronée de l'article 271 du Code des obligations :
Attendu que les mémorants reprochent à l'arrêt attaqué de n'avoir pas tiré les conséquences de l'annulation du permis d'occuper n° 2 CS-08 du 10 août 1966 et d'avoir déclaré qu'en fonction de cet acte authentique et en application de l'article 271 du Code de obligations, Ad Ag demeure le propriétaire du permis d'occuper ci-dessus référencé ;
Attendu qu'au moment où la Cour d'appel statuait, le jugement du Tribunal Administratif n'était pas définitif et que juridiquement, on ne pouvait rien en tirer en faveur des mémorants tant que les voies de recours n'étaient pas épuisées ; que c'est donc à bon droit que la Cour d'appel n'a pas tenu compte d'une telle décision ;
Qu'il échet donc de rejeter cette seconde branche du moyen non plus heureuse que la première.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR : En la forme : Reçoit le pourvoi ;
Au fond : Le rejette comme étant mal fondé ;
Ordonne la confiscation de l'amende de consignation ;
Met les dépens à la charge des demandeurs ;
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement les jour, mois et an que dessus ;
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER.