2000041766
COUR SUPREME DU MALI ********* SECTION JUDICIAIRE *********
Chambre civile :
POURVOI N° 16 DU 17 FEVRIER 1999
ARRET N° 66 DU 17 AVRIL 2000
Garde d'enfant - Intérêt de l'enfant
Le Code du mariage et de la tutelle dispose en son article 87 in fine « lorsque la personne à laquelle est confiée la garde de l'enfant n'aura pas rempli ses obligations vis-à-vis de celui-ci, l'un des parents ou le Ministère Public pourra demander la modification de la garde sur requête adressée au Président du Tribunal. »
Cette disposition ne fait aucune distinction entre les personnes auxquelles l'enfant aura été confié et qui n'auraient pas rempli leurs obligations ;
Dès lors, la Cour d'Appel est mal venue à déclarer l'action du demandeur irrecevable.
La Cour :
Après en avoir délibéré conformément à la loi.
En la forme :
Maîtres Ab et Aa Ac, tous avocats à la Cour, ont déclaré se pourvoir en cassation contre l'arrêt n° 36 du 04 août 1999 de la Chambre civile de la Cour d'appel de Kayes, au nom et pour le compte de A.N, suivant acte n° 16 du 06 août 1999 du greffe de ladite juridiction.
Le demandeur a consigné suivant acte n° 162/99 du 1er octobre 1999 du greffe de céans et a produit mémoire ampliatif. Celui-ci, notifié à la défenderesse n'a pas fait l'objet de réponse.
Le recours obéissant aux conditions légales prescrites est donc recevable.
Au fond :
-EXPOSE DU MOYEN UNIQUE DU POURVOI : tiré de la violation de l'article 86 du Code du Mariage et de la Tutelle par fausse interprétation de celui-ci :
En ce que pour parvenir à l'infirmation du jugement d'instance, l'arrêt attaqué est ainsi motivé : « Considérant que si l'article 86 du Code du Mariage permet au Tribunal au moment du divorce, sur la demande de la famille, après des renseignements, de confier des enfants à une tierce personne, rien ne permet à une tierce personne d'ester en justice contre le parent survivant exerçant la garde sur décision de justice. » ;
Que cette motivation procède d'une fausse interprétation de l'article 86 du Code du Mariage et de la Tutelle ; que si lors de la procédure en divorce la famille peut demander à ce que la garde de l'enfant soit confiée à telle personne, qu'elle estime convenable, comment peut-on nier à la même famille le droit de demander la modification de la garde ;
Que c'est oublier qu'en la matière, le législateur a tenu à sauvegarder les intérêts de l'enfant ; qu'il est de jurisprudence constante que « les diverses personnes ou autorités qui ont qualité pour saisir les juges du fond de l'attribution de la garde de l'enfant au moment du divorce, peuvent également leur demander toutes modifications de cette garde qui leur paraît utiles ; qu'ainsi les mesures nécessaires peuvent être requises par les époux, par les membres de la famille, par le Ministère public ; qu'elles peuvent même être ordonnées d'office par le Tribunal (cf. répertoire Dalloz de droit civil P 228 n° 1711 document annexe) ; que l'arrêt attaqué, en contestant cette qualité de demandeur aux membres de la famille, encourt la cassation ;
Qu'il échet dès lors de casser sans renvoi conformément à l'article 607 du Code de procédure civile, commerciale et sociale.
ANALYSE DU MOYEN :
L'arrêt attaqué a retenu la violation des articles 86 et 103 du Code du Mariage et de la Tutelle et 90 du Code de la parenté ;
L'article 86 du Code du Mariage et de la Tutelle traite de la garde des enfants lors de la procédure de divorce, tel n'est pas le cas d'espèce ;
L'article 103 a trait à la tutelle des enfants mineurs et non émancipés après la dissolution du mariage par la mort de l'un des époux. Dans la présente procédure, le mariage n'a pas été dissout par le décès d'un des époux, mais par décision de justice. L'article 103 du code du Mariage et de la Tutelle confère cependant au survivant des père et mère le droit d'être tuteur légal de ses enfants mineurs ;
S'agissant de l'article 90 du Code de la parenté, il indique clairement que la puissance paternelle est exercée par le parent survivant du mineur. Or sur la personne de l'enfant, la puissance paternelle comporte entre autres le droit de garde, de direction, de surveillance et de correction (article 84 de la parenté) ;
Cependant, le Code du mariage et de la tutelle dispose en son article 87 in fine : « lorsque la personne à laquelle est confiée la garde de l'enfant n'aura pas rempli ses obligations vis-à-vis de celui-ci, l'un des parents ou le Ministère public pourra demander la modification de la garde sur requête adressée au Président du Tribunal » ;
Cette disposition ne fait aucune distinction entre les personnes auxquelles l'enfant aura été confié et qui n'aurait pas rempli les obligations ;
Dès lors, la Cour d'appel est mal venue à déclarer l'action du demandeur irrecevable contre K.D, quand bien même qu'elle soit la mère de l'enfant.
De ce qui précède, il appert que le moyen est pertinent et doit être reçu.
PAR CES MOTIFS : LA COUR : En la forme : Reçoit le pourvoi ; Au fond : Casse et annule l'arrêt déféré ; Ordonne le renvoi de l'affaire et des parties devant la Cour d'appel de Bamako ; Ordonne la restitution de l'amende de consignation ; Met les dépens à la charge du Trésor Public. Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement les jour, mois et an que dessus.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER