La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/07/2000 | MALI | N°38

Mali | Mali, Cour suprême, Section judiciaire, 10 juillet 2000, 38


Texte (pseudonymisé)
2000071038
COUR SUPRÊME DU MALI ********* SECTION JUDICIAIRE
Chambre Sociale
POURVOI N° 88 DU 03 NOVEMBRE 1998
ARRET N° 38 DU 10 JUILLET 2000
Instance en réclamation de droits - Dommages intérêts - Immunité de juridiction - Etat étranger - Décret n° 3 du 11 janvier 1968.
Attendu qu'il résulte de l'arrêt critiqué d'une part que l'employeur est la Fédération des Etats-Unis d'Amérique et non l'Ambassade dépourvue de personnalité juridique et d'autre part que le dit arrêt a retenu que les Etats étrangers et organismes qui agissent par leur ordre ou pour

leur compte bénéficient de l'immunité de juridiction autant que l'acte qui donne lieu...

2000071038
COUR SUPRÊME DU MALI ********* SECTION JUDICIAIRE
Chambre Sociale
POURVOI N° 88 DU 03 NOVEMBRE 1998
ARRET N° 38 DU 10 JUILLET 2000
Instance en réclamation de droits - Dommages intérêts - Immunité de juridiction - Etat étranger - Décret n° 3 du 11 janvier 1968.
Attendu qu'il résulte de l'arrêt critiqué d'une part que l'employeur est la Fédération des Etats-Unis d'Amérique et non l'Ambassade dépourvue de personnalité juridique et d'autre part que le dit arrêt a retenu que les Etats étrangers et organismes qui agissent par leur ordre ou pour leur compte bénéficient de l'immunité de juridiction autant que l'acte qui donne lieu au litige constitue un acte de Puissance Publique qui a été accompli dans l'intérêt d'un service public ; qu'un litige impliquant la Fédération des Etats-Unis d'Amérique ne sauraient être connu de la juridiction malienne en vertu de l'immunité de juridiction dont bénéficie ladite Fédération ; qu'en attente d'une éventuelle dénonciation desdits accords et conventions par la partie malienne les juges maliens ne peuvent avoir une autre lecture du Décret n° 3 du 11 janvier 1968.
La Cour :
Après en avoir délibéré conformément à la loi :
En la forme :
Par actes n° 89 reçu le 03 novembre 1997 au greffe de la Cour d'appel de Bamako, Me Bakary Séméga, Avocat à la Cour, agissant au nom et pour le compte de Aa Ac épouse Ab, a déclaré se pourvoir en cassation contre l'arrêt social n° 113 rendu le 30 octobre 1997 par ladite Cour d'appel dans une instance en réclamation de droits et dommages-intérêts opposant sa cliente à l'Ambassade des Etats-Unis d'Amérique à Bamako ;
La demanderesse, dispensée de consignation aux termes de la loi (article L.202 du Code du travail et 667 du nouveau CPCSS) a produit un mémoire ampliatif sous la plume de maître Issoufou Diallo ;
Ledit mémoire a été notifié à la défenderesse qui y a répliqué sur les écritures de son conseil Me Harouna Toureh et a conclu au rejet du pourvoi comme étant mal fondé ;
Le mémoire en défense a été à son tour notifié à la demanderesse conformément à la loi ;
Le pourvoi ayant ainsi satisfait à toutes les exigences est recevable en la forme.
AU FOND
En cet état, la cause présentait à juger les points de droits et moyens de cassation soulevés par les parties.
MOYENS DE CASSATION DE LA DEMANDERESSE
A l'appui de son recours, la demanderesse sous les écritures de son conseil Me Issoufou Diallo avocat à la Cour a soulevé deux moyens : défaut de motifs en deux branches et manque de base légale.
1° Du premier moyen pris du défaut de motifs :
Dans son premier moyen pris du défaut de motifs en deux branches, la demanderesse reproche à l'arrêt querellé :
a° Défaut de réponse aux conclusions d'une partie :
En ce que dans cette première branche du moyen, il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué de n'avoir pas donné réponse aux conclusions de la mémorante dame Ab Aa Ac ;
Qu'il est important de rappeler qu'un jugement ou arrêt contentieux suppose la présence de deux parties aux intérêts divergents ; qu'à cet effet, les parties au soutien de leurs prétentions exposent les arguments devant la juridiction saisie qui a l'obligation d'examiner tous les arguments soumis à son attention pour en définitive expliquer en quoi elle a préféré tels arguments aux autres ;
Que cette démarche fait défaut à l'arrêt querellé ; que tout se passe comme si ce sont les prétentions de l'Ambassade qui méritent attention ; que les conclusions de la mémorante après l'exposé des prétentions respectives ont été ignorées alors que lesdites conclusions par rapport à l'identification de l'employeur de Mme Ab renvoyaient aux dispositions des article L alinéa 2 et 3 du Code du travail pour soutenir que celle-ci était employée par l'Ambassade des Etats-Unis ; que concernant l'immunité diplomatique de la Fédération des Etats-Unis, elle renvoyaient au principe de la réciprocité en rappelant que les Etats-Unis dans leur constitution n'accordent cette faveur à aucun autre Etat ;
Qu'en outre, cette réciprocité, l'immunité au terme de l'article 4 du Décret n° 3 du 11 janvier 1968 ne concerne que les agents diplomatiques et consulaires, personnes physiques à l'exclusion des missions et représentations diplomatiques ;
Qu'au vu du dispositif entrepris on se rend compte que les arguments ci-dessus ont pu être suivis ;
Qu'en refusant de donner une réponse aux conclusions en question la Cour d'Appel expose son arrêt à la censure.
b° Contradiction entre motif et le dispositif :
Dans cette seconde branche du premier moyen, la mémorante soutient que dans les motifs de l'arrêt querellé la Fédération des Etats-Unis bénéficie de l'immunité alors que l'Ambassade est dépourvue de personnalité juridique d'où la mise hors cause ; que cependant dans
le dispositif Mme Ab a été déboutée de son action comme mal fondée que la mise hors cause de la défenderesse au pourvoi ne peut se justifier que par le recours à une fin de non recevoir qui dans ce cas empêche d'examiner le fond ; que contrairement aux motifs le dispositif laisse apparaître qu'il y a eu examen du fond ; qu'en raison de cette contradiction il y a lieu de censurer l'arrêt.
2° Du deuxième moyen pris du manque de base légale :
En ce que la Cour d'Appel a évoqué un arrêt n° 1156/94 de la Cour d'appel de FORT-DE-France et des règles du droit International Public alors que l'arrêt en cause est inopérant et les règles de droit international public sans consistance.
a° Inopérance de l'arrêt n° 1156/94
En ce que l'arrêt susvisé conclut à l'incompétence de la juridiction française à connaître le litige qui opposait les parties aux motifs pris de ce que celle-ci ne peut apprécier une mesure de licenciement ayant pour cause la suppression d'un service public étranger, cette décision étant un acte de souveraineté ;
Que le cas du mémorant ne peut s'assimiler à cette situation ; qu'en effet , Mme Ab, embauchée par l'Ambassade américaine a été frappée intuitu personae par une mesure de licenciement dont son employeur doit répondre ;
Que l'arrêt visé est inopérant dans le cas d'espèce ce qui fait une base légale de moins par l'arrêt du 30 octobre 1997.
b° Imprécision du droit international public
En ce que la Cour d'appel de Bamako pour affirmer que l'Ambassade des U.S.A n'est pas dotée de la personnalité juridique se réfère aux règles de droit international public ; que la mise hors de cause de la Fédération des U.S.A pour cause d'immunité a ainsi lieu en vertu des règles du droit international sans précisions ; que la convention soumise à la Cour comme élément d'appréciation sur les relations diplomatiques a été par elle occultée ;
Qu'en se référant à des règles qu'elle s'abstient de préciser la Cour d'appel de Bamako n'a pas assuré de base légale à sa décision qui de ce fait mérite la censure.
ANALYSE ET EXAMEN DES MOYENS
1° Du premier moyen tiré du défaut de motifs :
a° Du défaut de réponse aux conclusions d'une partie :
Attendu que cette branche du moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir occulté les conclusions de la mémorante relatives à l'identification de l'employeur de Mme Ab et celles ayant trait au principe de la réciprocité en matière d'immunité surtout qu'il s'agit des USA qui refusent dans leur constitution d'accorder cette faveur à un autre Etat ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt critiqué d'une part que l'employeur est la Fédération des Etats-Unis d'Amérique et non l'Ambassade dépourvue de personnalité juridique et d'autre part que le dit arrêt a retenu que les Etats étrangers et organismes agissent par leur ordre ou pour leur compte bénéficient de l'immunité de juridiction autant que l'acte qui donne lieu au litige constitue un acte de Puissance Publique qui a été accompli dans l'intérêt d'un service public ;
Qu'un litige impliquant la Fédération des Etats-Unis d'Amérique ne sauraient être connu de la juridiction malienne en vertu de l'immunité de juridiction dont bénéficie ladite Fédération ; qu'en attente d'une éventuelle dénonciation desdits accords et conventions par la partie malienne les juges maliens ne peuvent avoir une autre lecture du Décret n° 3 du 11 janvier 1968.
Qu'en conséquence, cette branche n'est pas fondée et doit être rejetée.
b° De la contradiction entre les motifs et le dispositif :
Attendu que la mémorante dame Ab reproche à l'arrêt attaqué une contradiction entre les motifs et le dispositif en ce qu'après avoir jugé l'action de Mme Ab irrecevable en raison de l'immunité de juridiction de l'Ambassade a, dans son dispositif, débouté celle-ci ;
Attendu qu'il n'existe en l'espèce aucune contradiction au sens juridique du terme ;
Qu'en effet, tout au long de l'arrêt querellé, il n'a été question que de l'irrecevabilité de la demande et jamais la Cour n'a entendu examiner le fond ;
Que la logique de l'arrêt est et ne peut être que l'irrecevabilité ; ce qui, du reste, a été l'aboutissement de l'affaire que l'expression déboute Mme Ab Aa Ac de ses demandes n'est qu'une erreur matérielle ou inexactitude de terme, n'ayant en l'espèce aucune influence avec la solution donnée au litige ;
Attendu que le législateur a prévu la rectification de telles mentions erreur ou inexactitude dans les dispositions des articles 467 et 470 du Code de procédure civile, (articles 434 et 437 de l'ancien CPCCS) ;
Attendu que de telles mentions sont assimilables à de simples erreurs matérielles ne donnant pas lieu à ouverture à la cassation mais rectifiables dans les conditions prévues aux dispositions citées ci-dessus ; qu'il s'ensuit donc que cette autre branche du moyen est à rejeter.
2° Du second moyen tiré du manque de base légale :
Attendu qu'il est fait grief à la Cour d'appel de Bamako d'avoir d'une part fait référence à l'arrêt 1156/94 rendu le 20 mars 1994 dans l'instance Etat Fédéral des Etats-Unis d'Amérique contre dame. A son employée et d'autre part fondé sa décision sur les règles de droit international alors que selon la demanderesse, ni la jurisprudence de FORT DE France du fait de la non similitude avec le cas d'espèce et ni l'expression règles de droit international compte tenu de son imprécision ne pouvait suffire comme fondement ; qu'en procédant ainsi, l'arrêt infirmatif attaqué pêcherait par manque de base légale ;
Attendu que l'arrêt sus référencé contrairement aux allégations de la mémorante est similaire à tous égard au cas d'espèce ;
Qu'ainsi, dame A étant au moment de son licenciement employée au service des visas au Consulat Général des U.S.A. à FORT DE France (Martinique) comme l'était dame Ab au Consulat général de ce même pays à Bamako.
-Que les fonctions de délivrance des visas sont à l'évidence exercées dans l'intérêt d'un service public étranger ; qu'à cet égard, les relations des employés avec le consulat du pays accréditaire qu'il s'agisse du Mali ou de la France, pays dont la jurisprudence et la doctrine nous inspirent ;
Que c'est donc à bon droit que la Cour d'appel de Bamako a fait référence à cette jurisprudence connue sur l'appellation Arrêt A -
Qu'en ce qui concerne l'imprécision de la règle de droit international public appliquée par la Cour d'appel de Bamako n'a fait que se référer à un principe général ; ce qui constitue une règle universelle reconnue en droit judiciaire ;
Attendu qu'il était permis au juge, sans faire référence à un texte précis de fonder sa décision sur un principe général ou une règle générale de droit ;
Attendu que toutes les fois que la règle française (qui nous inspire et nous sert de jurisprudence) de solution des conflits de juridiction n'attribue pas compétence exclusive aux tribunaux français, le Tribunal étranger doit être reconnu compétent, si le litige se rattache d'une manière caractérisée au pays dont le juge a été saisi et si le choix de la juridiction n'a pas été fructueux ;
Attendu que sur la base de ces principes généraux de la jurisprudence de la Cour de la cassation française, dame Ab Aa Ac reste autorisée à saisir la juridiction américaine compétente ;
Que dès lors, l'on ne saurait reprocher à l'arrêt querellé d'avoir manqué de base légale.
PAR CES MOTIFS :
En la forme : Reçoit le pourvoi comme étant régulier ; Au fond : Le rejette comme étant mal fondé ; Met les dépens à la charge du Trésor Public ; Ainsi fait, jugé et prononce publiquement les jour, moi et an que dessus.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER


Synthèse
Formation : Section judiciaire
Numéro d'arrêt : 38
Date de la décision : 10/07/2000
Chambre sociale

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ml;cour.supreme;arret;2000-07-10;38 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award