COUR SUPREME DU MALI REPUBLIQUE DU MALI
SECTION JUDICIAIRE Un Peuple- Un But- Une Foi
2ème CHAMBRE CIVILE __________
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POURVOI N° 51 DU 3 SEPTEMBRE 1999 d des terres
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ARRET N° 153 DU 27 AOUT 2001
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LA COUR SUPREME DU MALI
lundi vingt sept août deux mille un et jours suivants, à A, en son audience publique de vacations du laquelle siégeaient;
Madame NIAMOYE TOURE, Présidente par intérim de la 2ème Chambre civile, Président;
Madame BOUNDY Henriette DIABATE, Conseiller à la Cour, Membre;
Monsieur Ousmane TRAORE, Conseiller à la Cour, Membre;
En présence de Monsieur Mahamadou BOIRE, avocat général près ladite Cour, occupant le banc du Ministère Public;
Messieurs El Hadji Djibril SIDIBE et Békaye KEITA, assesseurs complétant la cour;
Avec l'assistance de Maître TRAORE Adama SOW, Greffier;
Rendu l'arrêt dont la teneur suit:
SUR LE POURVOI de Maître Hamadoun DICKO, avocat à la Cour, agissant au nom et pour le compte de Ad Ah, demandeur,
D'UNE PART.
CONTRE:Sidi El Aa Ag Ai Ab représentant le village de Kel Foudoukoye, ayant pour conseils Maître Sidiki SAMPANA, Békaye N'DIAYE, Beydi TRAORE, défendeur ;
D'AUTRE PART;
Sur le rapport de la Présidente Niamoye TOURE et les conclusions écrites et orales de l'avocat général Mahamadou BOIRE.
Après en avoir délibéré conformément à la loi:
EN LA FORME:
Par acte du greffe N°51 du 3 septembre 1999,Maître Hamadoun Dicko avocat à la Cour, agissant au nom et pour le compte de Ad Ah , a déclaré se pourvoir en cassation contre l'arrêt N°81 rendu le 2 septembre 1999 par la chambre civile de la Cour d'Appel de Mopti dans une instance en réclamation de droits d'exploiter des terres qui oppose son client à Ai X Aa B Ag Ai représentant de Kel Ac;c;
Suivant certificat de dépôt N°145/2000 du 17 mai 2000, l'amende de consignation a été acquittée par le demandeur;
Par l'organe de son conseil, il a produit mémoire ampliatif qui a été notifié au défendeur qui a répliqué par le truchement de son conseil en concluant au rejet de l'action;
Pour avoir observé les prescriptions de la loi, le pourvoi est recevable en la forme.
AU FOND:
PRESENTATION DES MOYENS DE CASSATION:
Sous la plume de ses conseils, le mémorant présente à l'appui de sa demande les moyens de cassation ci-après:
I- Moyens présentés par Maître Hamadoun Dicko:
Les moyens soulèvés par ce conseil sont les suivants:
- Premier moyen basé sur la violation par fausse application:
En que la Cour d'appel fondant sa décision sur le procès-verbal de conciliation du 20 juillet 1982 relatif à la rencontre entre la population de Ae composée d'agriculteurs et celle de la fraction de Sidi El Moctar essentiellement constitué d'éleveurs, et, qui a arrêté que Ai X Aa C à Af et assurera une surveillance stricte de ses animaux et est tenu responsable de tout dégât et évitera toute coupe et défrichement anarchiques sous peine de poursuite conformément à la législation forestière, et que les paysans de Ae assureront de leur côté une surveillance de leurs champ tout en conduisant les animaux en divagation, au niveau de l'autorité administrative, sans recourir au coup de force; qu'il résulte clairement que ce procès-verbal ne consacre aucun droit de la fraction de Sidi El Moctar sur les terres de Kabaïca- Qu'il s'ensuit que la Cour d'Appel a systématiquement violé la loi et en même temps manqué de fondement juridique-
- deuxième moyen tiré du défaut de base légale:
En ce que l'arrêt querellé, en statuant d'une part que l'occupation des terres par la fraction résulte d'une autorisation du service des Eaux et Forêts, des responsables administratifs du cercle de Diré, des localités de Haïbongo et de Ae, et, d'autre part, qu'en l'absence de l'écrit, les droits de fraction se manifestent par une occupation de fait, paisible, continue et sans équivoque, alors qu'il existe là une véritable incertitude quant au fondement juridique de la décision, est-ce l'écrit des autorités sus-visées ou l'occupation paisible des terres par la fraction qui a déterminé les juges dans la prise de décision, manque de certitude quant au fondement juridique; Que de tout ce qui précède, il convient de casser et annuler l'arrêt attaqué.
II- Moyens présentés par la SCP Doumbia Tounkara
Les moyens présentés à l'appui de la demande de cassation par ce cabinet d'avocats sont les suivants:
- Premier moyen tiré de la violation de la loi:
En ce que l'arrêt entrepris pour parvenir à la confirmation du jugement d'instance a statué que: «. sur l'action en revendication des terres, en vertu des dispositions de l'article 3 alinéa 2 du code de procédure civile, commerciale et sociale, les procès - verbaux de conciliation dûment établie ont force exécutoire; qu'en l'espèce, il résulte du dossier copie d'un procès-verbal de conciliation établi par le Commandant de Cercle de Diré à la date du 20 juillet 1982, période où l'autorité administrative, suivant une jurisprudence établie, était habilité à connaître tous litiges fonciers», alors que d'une part, la compétence d'attribution ne saurait procéder, en droit, de la jurisprudence, et, d'autre part, la tenue coutumière du sol était régie, jusqu'à l'avènement du Code Domanial et Foncier par le décret N°55-588 du 20 mai 1955 et sur décret d'application du 10 juillet 1959 qui donnaient expressément compétence au Tribunal de droit local du second degré pour statuer sur les litiges s'élevant à propos de la contestation des droits fonciers coutumiers, l'autorité administrative se devait uniquement de procéder à une enquête et d'adresser le procès-verbal au tribunal local;
Que se faisant, la Cour d'Appel en n'examinant pas le litige sous l'angle du décret N°55-580 du 20 mai 1955 et en faisant référence à une jurisprudence qui n'est que vue de l'esprit, expose sa décision à la censure de la Cour Suprême.
- deuxième moyen basé sur le défaut de motifs par contradiction de motifs
En ce que l'arrêt querellé ne pouvait en même temps être motivé par « la force exécutoire d'un procès verbal de conciliation» et confirmer le jugement d'instance qui a eu à statuer sur le fond; Que la Cour, dans sa propre logique, devait annuler le jugement dont appel et non le confirmer; Qu'en fait, par sa décision confirmative, elle méconnaît elle-même le caractère exécutoire du procès verbal portant fondement de sa décision; que la contradiction est manifeste et la décision mérite d'être censurée;
Attendu que l'affaire revient devant la Cour Suprême après une première cassation avec renvoi (CF arrêt N°31 du 24 février 1998)
Que s'il est constant qu'il s'agit de la même affaire, entre les mêmes parties procédant en la même qualité, il demeure que les moyens soulevés à l'appui du pourvoi du 11 avril 1996 contre l'arrêt N°33 du 10 avril 1996 à savoir la dénaturation des faits et violation du principe de l'immortalité du litige, et, la violation de la loi notamment la violation des articles 535, 452 et 14 du code de procédure civile commerciale et sociale et qui ont droits à la cassation sont totalement différents des moyens soulevés à l'appui du présent pourvoi et qui portent sur la violation de la loi par refus d'application de la loi en l'occurrence le refus d'appliquer le décret N°55- 588 du 20 mai 1955 le défaut de base légale et la contradiction de motifs équivalent à un défaut;
Qu'il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu à l'application de l'article 652 du Code de Procédure Civile Commerciale et Sociale c'est à dire la saisine des chambres réunies, la chambre ordinaire demeurant compétente.
ANALYSE DES MOYENS
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt recherché d'avoir procédé par refus d'appliquer la loi, le défaut de base légale, la violation de la loi et la contradiction de motif équivalent à un défaut de motifs;
Attendu, sur la violation de la loi par refus d'application de la loi, aucune précision n'est donnée quant au texte de loi dont la violation est arguée;
Qu 'or, il est de jurisprudence constante que doit être déclaré révocable le moyen qui ne précise pas la prescription qu'il invoque et n'indique pas le texte législatif qui aurait été violé ( cass. Soc.12 mai 1966,Bull CV-IV, N°44);
Attendu, sur le défaut de base légale, que le défaut de base légale est constitué par une insuffisance de motivation de la décision, attaqué qui ne permet pas à la Cour Suprême le de contrôler la régularité de la décision ou plus précisément de vérifier que les juges du fond ont fait une application correcte de la règle de droit;
Attendu que les énonciations de l'arrêt arguées comme un défaut de base légale ne constituent qu'une constatation de faits résultant du procès verbal et la réalité de l'occupation du lieu litigieux depuis le 15 juillet 1973; Qu'en statuant que «qu'il apparaît des énonciations du procès-verbal établi par l'autorité administrative compétente à l'époque de l'installation de la fraction Kel Foundoukoye sur les terres qu'elle occupe actuellement a fait l'objet d'une autorisation de la part des services des Eaux et Forêts, des responsables administratifs du cercle de Diré, des localités de Haïbongo et de Kabaïca.», pour ensuite tirer les conséquences juridiques sur le fondement des articles 3,452,510,603 et 610 du code de procédure civile commerciale et sociale, les juges d'appel ont donné une motivation suffisante à leur décision, et ont fait une application correcte de la règle de droit;
Qu'il s'ensuit que le moyen n'est pas plus opérant que le précédant et doit être rejeté;
Attendu, sur la violation des dispositions du décret N°55- 588 du 20 mai 1955, il convient de rappeler que malgré l'existence de ce texte le législateur malien a entendu instituer la procédure de conciliation dans les litiges par l'adoption de la loi 61-101 / AN - RM du 18 août 1961 qui en son article 3 donne aux chefs de circonscriptions administratives faculté de tenter la conciliation des parties et dispose que « la conciliation est constatée par un procès verbal qui a force exécutoire»; Que par ailleurs l'organisation judiciaire intervenue à l'accession de la souveraineté nationale de la République Mali abrogé les tribunaux de droit local institué par le colonisateur pour les indigènes; Qu'il est enfin indiscutable que selon la pratique courante jusqu'à l'adoption du Code Domanial et Foncier, les litiges fonciers relevant du droit coutumier étaient réglés par les autorités administratives;
.Qu'il s'ensuit qu'il ne peut être reproché aux juges d'appel de n'avoir pas examiné sous l'angle du décret sus- référencé;
Attendu, sur la contradiction de motifs équivalant à un défaut de motifs, pour que le moyen prospère, il faut l'existence de motifs contradictoires qui « se détruisent et s'annihilent réciproquement» de telle sorte qu'aucun d'eux ne peut alors être retenu comme fondement de la décision;
Attendu que dans la mesure où il est établi l'existence d'un procès- verbal de conciliation daté du 20 juillet 1982 aux termes duquel les parties se sont mises d'accord sur le règlement de l'occupation des terres en délimitant elles-mêmes les lieux d'installation, donc en réglant le fond du litige, il ne peut être reproché à l'arrêt querellé une quelconque contradiction en confirmant un jugement d'instance qui n'a fait que reprendre les énonciations du procès-verbal de conciliation et tirer les conséquences juridiques que l'accord intervenu entre les parties en précisant les droits d'exploitation de chacune des parties;
Que par ailleurs, en affirmant que le procès-verbal de conciliation dûment établi a force exécutoire, les juges d'appel ont parfaitement énoncé les dispositions de l'alinéa 2 de l'article 3 du code de procédure civile commerciale et sociale; Qu'enfin, étant donné que le procès-verbal de conciliation du 20 juillet 1982 ayant déjà réglé le litige, le jugement d'instance lorsqu'il est adopté dans toutes ses dispositions comme c'est le cas dans le cas d'espèce, ne pouvait plus être annulé;
Qu'il s'ensuit que ce moyen doit être rejeté.
PAR CES MOTIFS
EN LA FORME: Reçoit le pourvoi comme régulier;
AU FOND: Le rejette comme mal fondé. Ordonne la confiscation de l'amende de consignation. Met les dépens à la charge du demandeur.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement les jour, mois et an que dessus.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER./.