20020318038
COUR SUPREME DU MALI
SECTION JUDICIAIRE
1ère CHAMBRE CIVILE
POURVOI N°46, N°50 ET N°51 ARRET N°038 DU 18 MARS 2002
HOMOLOGATION DE PARTAGE SUCCESSORAL - VIOLATION DES ARTICLES 837 ET 827 DU CODE CIVIL
Article 837 du code civil « Si dans les opérations renvoyées devant le notaire, il relève des contestations, le notaire dressera procès-verbal des difficultés et des dires respectifs le renverra devant le commissaire nommé pour le partage, et au surplus, il sera procédé suivant les formes prescrites par la loi sur la procédure. »
Article 827 « si les immeubles ne peuvent être commodément partagés ou attribués dans les conditions prévues par le présent code, il doit être procédé à la vente par licitation devant le tribunal. »
Par ailleurs l'article 838 précise que « si tous les cohéritiers ne sont pas présents, le partage doit être fait en justice, suivant les règles des articles 819 et 837 que l'héritier qui s'abstient volontairement de comparaître à l'acte de partage n'est pas fondé à se prévaloir du bénéfice de l'article 838.
La Cour :
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
EN LA FORME :
Par actes n°46, n°50 et n°51 au greffe de la Cour d'Appel de Mopti, Me Hamidou KONE, Me Arandane TOURE et Maître TOUREH et Associés, tous Avocats à la Cour ont déclaré faire pourvoi au nom et pour le compte de leur client la dame Ac B contre l'arrêt n°64 du 26 juin 1998 de la Chambre Civile de la Cour d'Appel de Mopti dans une instance en homologation de partage successoral l'opposant au sieur Ae A ;
La mémorante a versé l'amende de consignation et produit mémoire ampliatif par l'organe de son conseil Me Sidi HAÏDARA du Cabinet Hamidou KONE ;
Les Cabinets de Me TOUREH et Me Arandane TOURE, bien que régulièrement avisés par le greffier en Chef n'ont pas produit de mémoire ampliatif ;
Le pourvoi est donc recevable en la forme.
AU FOND :
I-FAITS ET PROCEDURES :
Par requête en date du 01 janvier 1989 la dame Ac B et ses enfants
Af et Ab ont demandé la liquidation de la succession de feu Ad A et le Tribunal de Première Instance de la Commune Il de Bamako a dans son jugement n°113 procédé au partage entre les différents héritiers et ordonné qu'en cas de vente de la concession, Ae A a un droit préférentiel sur les autres héritiers ;
Par ordonnance n°508 du 28 décembre 1990 du Président de la Section Il du Tribunal de Première Instance de Bamako, Me Ahmadou TOURE notaire, fut désigné à l'effet de procéder au partage et ce dernier dans une lettre en date du 02 février 1991 servit par Maître Ibrahim BERTHE Huissier de Justice a convoqué pour le 09 février 1991 à 10 heures, les héritiers pour procéder au partage ; mais au jour indiqué, seul Ae A et Madame Ag se sont présentés et ont approuvé le procès verbal de partage qui leur a été soumis ; projet de partage qui affecte la concession à Monsieur Ae A conformément à la décision du Tribunal et aux difficultés pratiques de son partage selon le notaire ;
Le projet de partage, communiqué au président de la Section Il détachée du Tribunal de Bamako a été homologué par le jugement n°17 du 15 janvier 1992 ;
Cette décision n°17 a été frappée d'appel par la dame Aa B et la Cour d'Appel dans son arrêt n°102 du 10 février 1993 a infirmé le jugement d'instance et ordonné le partage en deux parties égales de la concession avec paiement de soulte s'il y a lieu ;
L'arrêt n°102 sus-cité a aussi été frappé de pourvoi par Me Kassim TAPO pour le compte de Ae A et fut cassé et annulé par l'arrêt n°38 du 31 mars 1994 de la Cour Suprême et renvoyé devant la Cour d'Appel de Bamako, pour la simple raison que la Cour d'Appel n'a pas respecté l'effet dévolutif de l'appel et a excédé ses pouvoirs ;
La nouvelle composition de la Cour d'Appel de Bamako dans un arrêt n°580 du 16 novembre 1994 tranche dans le même sens que les précédents juges d'appel ; Encore une fois Me Kassim TAPO pour le compte de son client a déclaré se pourvoir en cassation contre l'arrêt n°580 de la Cour d'Appel de Bamako ;
En application des dispositions de l'article 608 du code de Procédure Civile, Commerciale et Sociale il a été donc ordonné la saisine des Chambres Réunies et cette formation a par son arrêt n°127 du 07 octobre 1996 cassé et annulé l'arrêt de la Cour de renvoi (arrêt 50) et dit que la cause sera jugée en fait et en droit par elle-même ; Mais la nouvelle loi organique de la Cour Suprême qui ne reconnaît plus cette vocation à la Cour amena l'instance suprême à déclarer son incompétence pour juger en fait et droit dans son arrêt n°298 du 17 novembre 1997 et l'affaire fut renvoyée devant la Cour d'Appel de Mopti qui a dans son arrêt n°64 du 24 juin 1998 confirmé le jugement entrepris dans toutes ses dispositions et c'est cette décision qui est soumise à la censure de la Cour Suprême.
II-MOYENS DE CASSATION :
La mémorante par l'intermédiaire de son conseil Me Sidi HAÏDARA (Cabinet Hamidou KONE) soulève deux moyens de cassation.
Premier moyen tiré du manque de base légale
En ce que pour confirmer le jugement n°17 du 15 janvier 1992 du Tribunal Civil de la Commune Il de Bamako dans une instance en homologation de partage de succession la Cour
d'Appel de Mopti pour admettre que le premier juge a fait une bonne appréciation et confirmer sa décision, considère que : « Les investigations menées en 1ère instance ainsi qu'il ressort des pièces du dossier notamment celles d'exécution de jugement avant dire droit n°187 du 04 juillet 1991 ont établi que le partage physique n'est pas possible en violation du décret n°90-370 du 04 septembre 1996 portant approbation du schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme de Bamako à 300 m2 ;
Considérant que les appelantes ne peuvent se prévaloir du partage de fait de la concession en deux parties ; Que de même la Cour d'Appel avec son pouvoir d'évocation ne peut faire fi dudit texte réglementaire encore moins ignorer le jugement définitif n°113 du 30 mars 1990 qui s'impose à elle et aux deux parties sur la base duquel le projet de partage a été fait ;
Considérant que le procès-verbal de partage du Notaire a été régulièrement établi conformément audit jugement définitif n°113 du 30 mars 1990 ainsi que le lui a ordonné l'Ordonnance n°908 du 28 décembre 1990 du Président du Tribunal » ;
Que la Cour d'Appel de Mopti n'a pas donné de base légale à sa décision et a dénaturé les faits ;
Que le jugement n°17 du 15 janvier 1992 rendu par le Tribunal Civil de la Commune Il de Bamako en même temps que l'arrêt confirmatif n'ont donné aucune base légale ayant homologué le partage de succession entre la mémorante et le sieur Ae A.
Que les mémorants n'ayant jamais donné leur consentement pour le projet en partage de succession et l'ayant contesté dès son établissement, il s'ensuit que la procédure d'homologation qui consiste à constater par l'office du juge une convention dressée par deux parties, ne pouvait légalement intervenir ;
Deuxième moyen tiré de la violation des articles 837 et 827 du Code Civil
Article 837 Code civil : « Si dans les opérations renvoyées devant notaire, il relève des contestations, le notaire dressera procès-verbal des difficultés et des dires respectifs, les renverra devant le Commissaire nommé pour le partage, et au surplus, il sera procédé suivant les formes prescrites par la loi sur la procédure » ;
Attendu que de cette disposition légale impérative, il résulte que l'accord préalable des cohéritiers est obligatoire lors de l'instance en homologation d'un partage de succession (Civ 1er, 29 mars1976 BulI. 1, n°129 p103) ;
Que le procès-verbal dressé par ce dernier en plus de sa violation des dispositions légales impératives, n'a jamais été accepté par eux, il s'ensuit que le notaire commis devrait simplement dresser le procès verbal des difficultés et des dires respectifs des parties et les renvoyer devant le commissaire ;
Que le procès verbal de Me TOURE ne saurait être légalement homologué conformément à l'article 837 du code civil ;
Que pour rejeter la demande en partage physique l'arrêt querellé ainsi que le jugement d'instance se sont basés de façon partielle sur la lettre n°904 du Gouverneur du District de Bamako; Que cette correspondance n'interdit pas le partage physique ;
Que le partage fait par le décujus n'a porté aucun préjudice à l'usage ou à la jouissance des bâtiments ainsi qu'il résulte du procès verbal de constat dressé par Me Mamadou BAH Huissier de Justice ; Le mémorant conclut donc à la cassation de l'arrêt ;
Me Kassim TAPO conseil de Ae A n'a pas produit de réponse.
ANALYSE DES MOYENS :
Attendu que les deux moyens en raison de leur interférence peuvent être analysés ensemble ;
Attendu que le mémorant reproche à l'arrêt d'avoir épousé les arguments du jugement n°17 du 15 janvier 1992 du Tribunal de la Commune Il de Bamako qui s'est basé sur le Décret n°90-370 du 04 septembre 1996 portant approbation du Schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme de Bamako ; Que le mémorant s'appuie sur le partage fait par le décujus ; mais il faut souligner qu'il s'agissait là d'une répartition des membres de la famille qui étaient obligés de l'accepter comme telle, en tout cas, du vivant de Ad A ;
La Cour d'Appel de Mopti en retenant les investigations menées en Première Instance et les pièces du dossier a souverainement apprécié en tant que juge du fond et le fait de se rapporter au décret n°90-370 du 04 septembre 1996 illustre parfaitement que sa décision n'est pas prise ex nihilo ;
Ce moyen ne saurait donc convaincre la Cour Suprême ;
Aussi le mémorant reproche à l'arrêt d'avoir homologué le projet de partage établi par le notaire et violé ainsi les articles 837 et 827 du Code Civil ; Attendu que ces textes de loi susvisés disposent ainsi :
Article 837 : « si dans les opérations renvoyées devant le notaire, il relève des contestations, le notaire dressera procès-verbal des difficultés et des dires respectifs, le renverra devant le commissaire nommé pour le partage, et au surplus, il sera procédé suivant les formes prescrites par la loi sur la procédure» ;
Article 827 : « Si les immeubles ne peuvent être commodément partagés ou attribués dans les conditions prévues par le présent code, il doit être procédé à la vente par licitation devant le Tribunal » ;
Attendu que selon le demandeur au pourvoi, il n'a pas participé au partage qui ne devrait pas être homologué par le Tribunal ;
Mais Attendu qu'il résulte de l'analyse de l'article 837 visé par le mémorant que le moyen tiré de l'inobservation par le notaire des formalités prévues par l'article 837 ne constitue pas une
juges ne peut être annulée (civ. 1er 16 juillet 1997, RuIl dv. I, n°252 : voir homologation judiciaire des actes juridiques : BALENSI, RTD CIV 1978).
Par ailleurs l'article 838 précise que « si tous les cohéritiers ne sont pas présents, le partage doit être fait en justice, suivant les règles des articles 819 et 837 » et le commentaire de cet article nous apprend que l'héritier qui s'abstient volontairement de comparaître à l'acte de partage n'est pas fondé à se prévaloir du bénéfice de l'article 838 ;
Dans le cas présent, la dame Aa B n'ayant jamais attaqué le jugement n°113 du Tribunal de la Commune Il qui est devenu définitif, et a acquis autorité de chose jugée, bien que régulièrement invitée par le notaire désigné par le Tribunal à participer aux opérations de partage, s'est volontairement abstenue; dès lors la Cour d'Appel de Mopti en confirmant le jugement d'homologation du Tribunal de la Commune Il, a jugé à bon droit ;
Qu'il y a lieu de rejeter le pourvoi comme mal fondé.
PAR CES MOTIFS :
En la forme : reçoit le pourvoi relevé par la dame Aa B ; Au fond : le rejette comme étant mal fondé ; Ordonne la confiscation de l'amende de consignation ; Met les dépens à la charge de la demanderesse.
Ainsi fait jugé, et prononcé publiquement les jour, mois et an que dessus.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER