2004051750
COUR SUPREME DU MALI SECTION JUDICIAIRE
CHAMBRE CIVILE
POURVOI N°04 DU 25 AOUT 2003 ARRET N°50 DU 17 MAI 2004
CONFIRMATION DE DROITS-ANNULATION DE VENTE D'UN TERRAIN OBJET D'UNE LETTRE D'ATTRIBUTION- LITIGE ENTRE PARTICULIERS -COMPÉTENCE DU JUGE JUDICIAIRE
Si l'appréciation de la validité des titres délivrés par l'administration échappe à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire, il n'en demeure pas moins que le litige entre les particuliers et en dehors de toute intervention de l'administration au sujet de la cession d'un titre, d'un permis d'habiter, d'une parcelle du domaine public notamment, peut être jugé par les tribunaux judiciaires.
La présente décision de la Cour Suprême à travers cet Arrêt n° 50 du 17 mai 2004 reprend et confirme sa jurisprudence en la matière depuis son arrêt n° 03 du 21 février 1996.
La Cour :
Après en avoir délibéré conformément à la loi.
EN LA FORME :
Par acte n°04 du 25 août 2003 du greffe de la Cour Suprême suivant lettre n°450/PG-CS du 25 août 2003, le Procureur Général près la Cour Suprême a, au nom et pour le compte du Ministre de la Justice Garde des Sceaux, formé pourvoi contre l'arrêt n°264 du 08 mai 2002 rendu par la Cour d'Appel de Bamako dans l'instance en confirmation de droits qui oppose les héritiers de feu Aa B aux héritiers de feu Ab A ;
Attendu que la SCP DOUMBIA-TOUNKARA a conclu au rejet du pourvoi ;
Attendu que le recours formé conformément aux dispositions de l'article 628 du Code de Procédure civile, et Sociale est recevable en la forme ;
AU FOND :
Attendu qu'au soutien de son pourvoi, le mémorant soulève un moyen unique de cassation tiré de la violation de la loi ou plutôt de l'excès de pouvoir ;
En ce que la demande initiale des héritiers de feu Aa B tendant à confirmer leurs droits sur la parcelle A/20 du lotissement de Sogoninko commerciale ne devrait s'analyser que comme une contestation de droits sur une parcelle objet d'une lettre d'attribution laquelle est un titre administratif assimilé par la loi au permis d'habiter ;
Que la loi dispose que toutes contestations, excepté celles relatives à la mise en gage du permis d'habiter, sont de la compétence de la juridiction administrative ;
Que les différentes instances, toutes civiles, ont ignoré les règles de compétence des juridictions selon la matière qu'elles auraient dû se déclarer incompétentes ; Que ne l'ayant pas fait elles ont manifestement violé la loi et excédé leurs pouvoirs ;
Que l'arrêt définitif n°269 du 08 mai 2002 de la cour d'appel de Bamako querellé mérite la censure de la haute de juridiction ;
ANALYSE DU MOYEN :
Attendu qu'il est fait grief aux juridictions de l'ordre judiciaire de n'avoir pas décliné leur compétence au profit de celles de l'ordre administratif pour la résolution du litige opposant les héritiers de feu Aa B à ceux de feu Ab A ;
Mais attendu que pour une meilleure compréhension des faits de la cause, il n'est pas superflu d'en donner le déroulement sommaire, avant l'analyse proprement dite ; Attendu que de son vivant, le nommé Aa B était attributaire d'un terrain nu sis dans la zone commerciale de Sogoninko suivant lettre d'attribution n°290/DB en date du 08 août 1981 et identifié sous le n°A/20 ;
Que par acte sous seing privé du 23 novembre 1981 et devant témoins indiqués sur l'acte, il a vendu cette parcelle au nommé Ab A à la somme de 6.000.000 Francs maliens ;
Que l'acheteur auquel le vendeur avait déjà remis la lettre d'attribution et un plan de construction des lieux procéda au branchement en eau de la parcelle et confectionna des briques en vue de la réalisation du plan de construction ; Que les deux cocontractants entreprirent des démarches nécessaires pour le transfert du terrain au nom de l'acheteur ; Que malheureusement avant la fin des opérations, le vendeur aussi bien que l'acheteur moururent en laissant ainsi cette situation à leurs héritiers ; Que sur ces entrefaits, l'administration a rectifié le schéma de lotissement de la zone mais a néanmoins conservé le terrain aux héritiers de feu KONE ; Que mettant à profit cette situation, les héritiers ont demandé l'annulation de la vente dont l'aboutissement judiciaire fut l'arrêt dont pourvoi d'ordre ;
Attendu que l'arrêt n°269 du 08 /052002 de la Cour d'Appel de Bamako a été rendu suivant indications de la Cour Suprême qui avait cassé un premier arrêt ;
Attendu que les héritiers de feu Aa B, dans leur requête initiale ont clairement sollicité du Tribunal nonobstant le vocable « confirmation de droit » d' « annuler l'acte de vente sous seing privé en date du 23 novembre 1987 établi entre Aa B et Ab A » que plus loin dans la même requête ils écrivent « qu'il y a lieu de constater que la vente passée entre les auteurs des deux protagonistes est nulle et de nul effet pour la simple raison que les formalités substantielles relatives à une telle opération de vente de parcelle n'ont pas été respectées ».
Cependant qu'aux termes des articles 4 et 12 du Code de Procédure Civile, Commerciale et Sociale, le juge ne peut pas se substituer à la partie requérante ;
Article 4 du Code de Procédure civile, Commerciale et Sociale:
« L'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. -ces prétentions sont fixées par la requête introductive d'instance et par les conclusions en
défense ; -toutefois l'objet du litige peut être modifié par les demandes incidentes lorsque celles-ci
se rattachent aux prétentions originelles par un lien suffisant » ;
Article 12 du Code de Procédure Civile, Commerciale et Sociale :
« Le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée. Il peut relever d'office les moyens de pur droit quel que soit le fondement juridique invoqué par les parties » ;
Attendu que dans le cas d'espèce, il est indiscutable que l'annulation d'un acte de vente sous seing privé, établi entre particuliers ne saurait relever du juge administratif même si l'objet de la vente est une parcelle; qu'il en est de même des baux à usage d'habitation ; d'expulsion ou de recouvrement de loyers... ;
Attendu en outre que dans le cas d'espèce, aucun acte administratif n'a été véritablement attaqué devant les Tribunaux civils et en plus aucune autorité administrative n'est partie au procès ;
Attendu en fin que la haute juridiction depuis fort longtemps a fixé sa jurisprudence en la matière (confère arrêt n°03 du 21 février 1966) en ces termes :
« Si l'appréciation de la validité des titres délivrés par l'administration échappe à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire, il n'en demeure pas moins que le litige entre les tiers et en dehors de toute intervention de l'administration au sujet de la cession d'un titre, d'un permis d'habiter, d'une parcelle du domaine public notamment, peut être jugé par les tribunaux judiciaires... »;
Attendu en conséquence que l'annulation de la vente étant le fondement de la requête, l'on ne saurait même d'ordre du Ministre de la Justice, anéantir l'arrêt recherché pour excès de pouvoir; qu'il échet en conséquence de déclarer le moyen inopérant.
PAR CES MOTIFS :
En la forme : reçoit la requête;
Au fond : la rejette comme mal fondé ; Met les dépens à la charge du Trésor public.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement les jour, mois et an que dessus.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER./.