COUR SUPREME DU MALI REPUBLIQUE DU MALI
SECTION JUDICIAIRE Un Peuple - Un But - Une Foi
2EME CHAMBRE CIVILE -----------------
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POURVOI N°70 DU 06 DECEMBRE 2000
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ARRET N°59 DU 24 MAI 2004
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NATURE: revendication de champ.
LA COUR SUPREME DU MALI
A, en son audience publique ordinaire du lundi vingt quatre mai de l'an deux mille quatre, à laquelle siégeaient Messieurs :
Sidi SINENTA, Conseiller à la 2ème Chambre Civile, Président;
Abdoulaye Issoufi TOURE, Conseiller à la Cour, Membre;
Fakary DEMBELE, Conseiller à la Cour, membre;
En présence de Monsieur Moussa Balla KEÏTA, Avocat Général près ladite Cour occupant le banc du Ministère Public;
Messieurs Mody TRAORE et Ibrahima WADE, Assesseurs, complétant la Cour;
Avec l'assistance de Maître SAMAKE Fatoumata Z. KEÏTA, Greffier;
Rendu l'arrêt dont la teneur suit:
SUR LE POURVOI du sieur Ac B agissant au nom et pour le compte de Ab C, ayant pour conseil Maître Mauricette Potier DIALLO, Avocat à la Cour, d'une part ;
CONTRE: Aa A ayant pour conseil Maître Idrissa Bacar MAÏGA, Avocat à la Cour, défendeur, d'autre part;
Sur le rapport du Conseiller Abdoulaye Issoufi TOURE et les conclusions écrite et orale de l'Avocat Général Moussa Balla KEÏTA ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi.
EN LA FORME:
Par acte n°70 du greffe en date du 06 décembre 2000, le sieur Ac B agissant au nom et pour le compte de Ab C, a déclaré se pourvoir en cassation contre l'arrêt n°99 rendu le même jour par la Cour d'Appel de Mopti dans l'instance en revendication de champ qui oppose sa mandate ) Aa A;
Suivant certificat de dépôt n°184 du 11 août 2003, l'amende de consignation a été acquittée;
Par l'organe de son conseil, le demandeur a produit mémoire ampliatif qui a été notifié au défendeur qui a répliqué par le truchement de son avocat en concluant au rejet de l'action;
Pour avoir satisfait aux exigences de la loi, le pourvoi est recevable en la forme;
AU FOND:
Présentation des moyen de cassation:
Sous la plume de son conseil, le mémorant soulève à l'appui de sa demande les moyens de cassation ci - après:
Premier moyen basé sur la violation de la loi:
Le mémorant subdivise ce moyen en deux branches suivantes:
Premier branche tirée de la violation de l'article 234 du Code de Procédure civile, Commerciale et Sociale et de l'article 285 du Code des Obligations:
En ce que le premier article cité mentionne la présence des parties et fait obligation des mentions des noms, prénoms professions etc. des personnes entendues et indique si la personne entendue a signé ou non le procès verbal et le second article offre la possibilité de récusation des témoins par les parties;
Qu'or, le procès - verbal d'enquête établi par le chef de l'arrondissement central d'Ansongo en exécution du jugement avant dire droit ne permet pas l'identification de témoins entendus et ne comporte pas les mentions exigées par la loi;
Qu'en fondant sa décision sur le dit procès - verbal sans vérifier sa régularité, la Cour d'Appel a violé la loi et porté atteinte aux droits de la défense et sa décision mérite la cassation;
Deuxième branche basée sur la violation des articles 43 et suivants du Code Domanial et Foncier:
En ce que l'arrêt attaqué a infirmé le jugement d'instance au motif qu'un étranger ou une femme ne peut être titulaire de droits coutumiers violant ainsi l'article sus-visé qui dispose que « les droits coutumiers exercés collectivement ou individuellement sur les terres non immatriculées sont confirmées» et qui ne retient ni le critère de nationalité ou celui de sexe, et s'expose à la censure de la Cour Suprême;
- Deuxième moyen du défaut de base légale:
En ce que le défaut de base légale s'analyse en une absence de motif ou de motif erroné ou inexact sur lequel le juge repose sa décision;
Qu'or il résulte des énonciations de l'arrêt querellé que nonobstant la concision du rapport de l'enquête du Chef d'Arrondissement, les dépositions des témoins n'apparaissent pas et le principe du contradictoire n'ayant pas été observé par l'enquête l'identité des témoins et leurs déclarations sont ignorées du mémorant, d'autre part, se référant à sa propre jurisprudence, la Cour d'Appel a soutenu qu'une femme héritière, ne peut réclamer la propriété des droits coutumiers sur une parcelle en violation des règles relatives à la succession qui indiquent que tant en droit positif que dans la coutume la femme hérite même s'il s'agit de biens immobiliers;
Que de tout ce qui précède, il y a non seulement insuffisance de motivation, mais aussi une motivation erronée s'analysant en défaut de base légale exposant l'arrêt attaqué à la cassation;
ANALYSE DES MOYENS:
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt querellé d'avoir procédé par violation de la loi notamment la violation de l'article 234 du Code de Procédure civile, Commerciale et Sociale, de l'article 285 du Code des obligations et des articles 43 et suivants du Code Domanial et Foncier, et par défaut de base légale;
Attendu que les moyens interfèrent et peuvent de ce fait être examinés ensemble;
Attendu que la violation de la loi suppose qu'à partir de faits matériellement établis, correctement qualifiés, les juges du fond ont fait une mauvaise application de la loi au pris d'une erreur le plus souvent grossière soit qu'ils aient ajouté à la loi une condition qu'elle ne pose pas, soit qu'ils aient refusé d'en faire application à une situation qui manifestement rentrait dans on champ d'application, tandis que le défaut de base légale est constitué par une insuffisance de motivation de la décision attaquée qui ne permet pas à la Cour Suprême de contrôler la régularité de la décision ou plus précisément de vérifier que les juges du fond ont fait une application correcte de la règle de droit;
Attendu à cet égard dans a mesure où il est établi de manière incontestable que d'une part la pourvoyante est titulaire de carnet de famille n°29 du 17 mars 1953 recensant la parcelle litigieuse en son nom, d'autre part, que cet acte administratif ayant une valeur juridique certaine et reconnue e n7èmre Région comme preuve de droits fonciers coutumiers, et qu'il résulte des pièces du dossier notamment du témoignage du conseil du village (côte 4) que la preuve du prêt argué n'a pas été apportée et, enfin que contrairement aux assertions de la Cour d'appel la preuve en matière domaniale et foncière peut être par les règles de droit commun et le code domanial et foncier;
Que, par ailleurs, en se fondant sur un rapport qui a imparfaitement exécuté les missions assignées par leur arrêt avant dire droit n°12 du 27 janvier 1994 ( points 1 à 3, côte 4 ), et, en statuant que «..lorsqu'une contestation s'élève à propos d'un droit coutumier, l'on ne saurait se contenter de constater uniquement d'un recensement pour faire échec aux prétentions de l'une des parties. et, en ajoutant que «.. qu'une l'espèce, c'est le champ de l'appelant qui a été frauduleusement recensé.», alors qu'il résulte à suffisance des pièces du dossier que le recensement a été fait contradictoirement et que en droit l'article 9 du Code de Procédure Civile, Commerciale te Sociale exige de chaque d'apporter la preuve de ses prétentions, et que si une mesure d'instruction est ordonnée comme dans le cas d'espèce et qu'un procès verbal doit sanctionner son exécution, ledit procès - verbal doit respecter les prescriptions légales relativement aux mentions édictées, les juges d'appel ont manifestement violé la loi et ne donnent aucune base légale à leur décision;
PAR CES MOTIFS:
En la forme: reçoit le pourvoi;
Au fond: casse et annule l'arrêt déféré;
Renvoie la cause te les parties devant la Cour d'Appel de Bamako;
Met les dépens à la charge du Trésor public;
Ordonne la restitution de l'amende de consignation.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement les jour, mois et an que dessus.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER./.