COUR SUPREME DU MALI REPUBLIQUE DU MALI
SECTION JUDICIAIRE Un Peuple - Un But - Une Foi
-------------------------------
Chambre Sociale
--------------
POURVOI N°04 DU 08 JUIN 2002
------------------------
ARRET N°10 DU 14 JUIN 2004
-------------------------
NATURE: Constat d'illégalité de grève.
LA COUR SUPREME DU MALI
A, en son audience publique ordinaire du lundi quatorze juin de l'an deux mille quatre, à laquelle siégeaient :
Madame Niamoye TOURE, Présidente de la Chambre Sociale, Président;
Monsieur Boubacar DIALLO, Conseiller à la Cour, Membre;
Monsieur Ousmane TRAORE, Conseiller à la Cour, Membre;
En présence de Monsieur Mahamadou BOIRE, avocat général près ladite Cour, occupant le banc du Ministère Public;
Avec l'assistance de Maître TRAORE Adama SOW, Greffier;
Rendu l'arrêt dont la teneur suit:
SUR LE POURVOI du sieur Aa A agissant nom et pour le compte du Comité Syndical de Ab Ae Ac ayant pour conseil Maître Abdoulaye Bourou CISSE, Avocat à la Cour, d'une part;
CONTRE: Ab Ae Ac ayant pour conseil Maître Mamadou B. DEMBELE, Avocat à la Cour, défendeur, d'autre part;
Sur le rapport du Conseiller Ousmane TRAORE et les conclusions écrites et orales de l'avocat général Mahamadou BOIRE.
Après en avoir délibéré conformément à la loi:
EN LA FORME:
Par acte n°04 du 08 juin 2002 du greffe de la Cour d'Appel de Kayes, sieur Aa A représentant du Comité Syndical de Ab Ae Ac a, au nom et pour le comte dudit Comité, déclaré se pourvoir en cassation contre l'arrêt n°08 rendu le 07 juin 2002 par la Chambre Sociale de ladite Cour dans une instance en constat d'illégalité de grève;
La procédure étant gratuite en matière sociale, le pourvoyant par le biais de son conseil a produit mémoire ampliatif qui a été notifié à Ab Ae Ac qui n'a pas au devoir répliquer;
Le pourvoi satisfaisant ainsi aux exigences de la loi est recevable;
II/ AU FOND:
Attendu qu'au soutien de son pourvoi, le mémorant invoque les moyens de cassation suivants:
A- Moyen tiré de la dénaturation des faits:
En ce que l'arrêt à la page 3 paraphe 3, a prêté à Aa A Secrétaire Général du Comité Ad Ac des propos qu'il n'a pas tenus en énonçant que « Aa A a allégué qu'il avait entamé des négociations avec leur employeur dans le but d'aligner les travailleurs de Yatéla sur ceux de Sadiola sur tous les plans ( salaires, primes, catégories professionnelle)»;
Qu'or dans ses écritures successives en appel des 10 avril 2002 et 24 avril de la même année ainsi que lors des débats du 26 avril 2002 le mémorant au nom de ses paris a clairement dit et écrit que le point de revendication que l'employeur refuse de satisfaire et qui est la cause de leur grève est le reclassement des travailleurs de Yatéla à la catégorie C pour compter du démarrage de l'exploitation soit le 28 février 2001 comme promis par la Direction; que cette revendication est différente de l'alignement systématique de la situation des mémorants sur celle de leurs camarades de Sadiola;
Que cette dénaturation des faits étant patente, la cassation est encourue par l'arrêt attaqué;
B- Moyen tiré du défaut de réponse aux conclusions des mémorants:
En ce que dans leurs concluions du 10 avril 2002 les mémorants ont spécialement attiré l'attention de la Cour sur le fait grave que le premier juge avait totalement ignoré l'accord de conciliation intervenu et signé entre les parties le 03 octobre 2001, soit trois mois avant sa décision qui est datée du 31 décembre 2001 et qui prévoit expressément le maintien de l'ensemble des travailleurs dans leurs emplois, la réouverture de la mine pour compter du 04 octobre 2001 et le retrait de la requête introduite par Ab Ae Ac SA contre eux; tout cela conformément à l'article 77 de la loi du 29 août 1987 portant Régime Général des Obligations au Mali;
Que la Cour d'Appel n'a pas daigné répondre à cette partie des conclusions exposant ainsi sa décision à la censure de la haute juridiction;
C- Moyen tiré de la fausse application de la loi notamment en ses articles 219 et suivants du Code de Travail et de la fausse appréciation des faits:
En ce qu'il n'est prouvé nulle part dans le dossier que la procédure de conciliation était déjà enclenchée au moment du dépôt du préavis de grève du 18 septembre 2001;
Que l'arrêt querellé a fait une confusion entre pourparlers entre les parties et la procédure de conciliation prévue à l'article 219 et suivants du Code de Travail;
Qu'à la date du 24 septembre 2001 il n'y avait aucune saisine de l'inspecteur du travail; que manifestement donc celui ci ne pouvait convoquer les parties ou leurs représentants et dresser, dans les six jours, un procès verbal constatant l'accord intervenu ou l'échec de la conciliation ( article 220 et 221 du Code de Travail );
Que la Cour d'Appel, en adoptant les motifs du premier juge a faussement apprécié les faits de la cause et faussement appliqué les textes visés au moyen, ce qui expose son arrêt à la censure de la Cour Suprême;
D- Moyen tiré de la violation de l'article L 34 du Code du Travail, de l'article 126 de la loi du 29 août 1987 et du principe du caractère personnel de la sanction (peine):
En ce que l'article L 34 du Code de Travail ne cite pas parmi les causes de suspension du contrat de travail la grève;
Qu'aucun motif n'est clairement articulé dans la décision de suspension des mémorants; qu'il est simplement indiqué que celle ci est prise « en fonction de l'accord de conciliation signé le 03 octobre 2001»;
Que l'accord du 03 octobre 2001 comporte deux clauses illégales, celle relative à la suspension des salaires des mémorants pour les jours non travaillés pour fait de grève et celle relative à la suspension des mémorants jusqu'à nouvel ordre;
Que la suspension d'un travailleur ne peut pas être conventionnelle ( confère article 59 du Code de Travail);
Que certains travailleurs étaient en congé au moment de la grève mais néanmoins qui ont été concernés par la mesure;
Que la violation de ces différents textes exposent l'arrêt déféré à la cassation);
Moyen tiré de la violation de l'article 2 de la constitution du Mali:
En ce que la mesure de suspension décidé le 04 octobre 2001 et la demande de rupture de contrats déposée au tribunal de travail de Kayes par Ab Ae Ac B ne concerne que Aa A et ses 18 camarades du Comité Syndical de Yatéla or la grève des 24, 25 et 26 septembre 2001, a été observée par le chef du personnel, le superviseur magasinier, l'assistant comptable et le chef de la sécurité; maiscurieusement qui n'ont pas été frappés par les mêmes mesures;
Que cette manière de procéder de l'employeur est une violation des 2, 20 et 21 de la constitution qui garantit le droit de grève, la liberté syndicale et l'égalité de tous les citoyens devant la loi; cette entorse à la loi fondamentale expose l'arrêt querellé à la censure de la haute juridiction;
ANALYSE DES MOYENS:
Attendu que les griefs articulés par le mémorant contre l'arrêt recherché peuvent être, eu égard à leur similitude, regroupés en trois moyens et analysés comme suit:
Moyens pris de la dénaturation des faits;
Moyen pris du défaut de réponse aux conclusions;
Violation de la loi en différentes branches.
A/ Du moyen tiré de la dénaturation des faits:
Attendu que le mémorant reproche à l'arrêt recherché n°08 du 07 juin 2002 de la Cour d'Appel de Kayes d'avoir dénaturé les faits à la page 3, paragraphe 3 en énonçant en substance « Considérant que le sieur Aa A Secrétaire Général du Comité Syndical d'entreprise assisté de son conseil Maître Abdoulaye Bourou CISSE Allègue qu'il avait entamé des négociations avec leur employeur dans le but d'aligner les travailleurs de Yatéla sur ceux de Sadiola sur tous les plans ( salaires, primes, catégories professionnelles );
Attendu que cette énonciation de l'arrêt est tirée de la relation des faits transcrites dans les écritures en appel du conseil des mémorants en date du 10 avril 2002 en page 2 « les concluants, à travers leur comité Syndical ( dont le secrétaire Général est Monsieur Aa A, ont adressé plusieurs requêtes à leur employeur pour réclamer leur traitement sur le même pied d'égalité que les travailleurs de Sadiola»;
Attendu que ce point de fait n'est,en rien contraire aux assertions de l'arrêt incriminé;
Qu'il y a dès lors lieu de dire que ce moyen ne peut prospérer et qu'il faille le rejeter;
B/ Du moyen tiré du défaut de réponse aux conclusions:
Attendu que les mémorants dans leurs conclusions en cause d'appel qui est datée du 10 avril 2002, ont expressément invoqué en la page 6 du document l'accord de conciliation du 03 octobre 2001;
Attendu que cet accord, s'il était prouvé, donnerait une autre solution au litige posé;
Que l'arrêt recherché ayant gardé un mutisme absolu autour de cette demande des concluants, s'expose à la censure de la haute juridictionau regard des dispositions de l'article 463 du Code de Procédure Civile, Commerciale et Sociale ;
Attendu que la cassation étant encourue, il est superfétatoire d'examiner le dernier moyen.
PAR CES MOTIFS:
En la forme: reçoit le pourvoi;
Au fond: casse et annule l'arrêt déféré;
Renvoie la cause et les parties devant la Cour d'Appel de Bamako;
Met les dépens à la charge du Trésor Public.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement les jour, mois et an que dessus.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER./.