2004062174
COUR SUPREME DU MALI SECTION JUDICIAIRE
1ère CHAMBRE CIVILE
POURVOI N°36 DU 05 DECEMBRE 2001 ARRET N°74 DU 21 JUIN 2004
DIVORCE - DEVOIR DE COHABITATION - ABANDON DE DOMICILE CONJUGAL -
Le devoir de cohabitation ne saurait être imposé à une épouse par son mari dès lors que mariés sous le régime monogamique, celui-ci rompt cet engagement et fait occuper le domicile conjugal par ''l'intruse''. que l'épouse légitime dans ces conditions, ayant bénéficié d'une permission de son conjoint pour se rendre chez ses parents, n'est pas en abandon de domicile conjugal dès lors qu'elle subordonne son retour au foyer au renvoi de la concubine par le mari infidèle.
La Cour :
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
EN LA FORME :
Par acte n°36 du 05 décembre 2001 du greffe de la Cour d'Appel de Kayes, Maître Massaman BAGAYOKO, Avocat à la Cour a au nom et pour le compte de A.T déclaré se pourvoir en cassation contre l'arrêt n°70 du 05 décembre 2001 rendu contradictoirement par la Chambre Civile de ladite Cour dans une instance en divorce opposant son client à la dame A.D ;
Attendu que suivant certificat de dépôt n°127 du 03 juillet 2003 du greffier en Chef de la Cour Suprême du Mali, A.T s'est acquitté l'amende de consignation et a produit mémoire ampliatif qui a été notifié au conseil de la défenderesse qui a conclu au rejet du pourvoi, dans son mémoire en réplique ;
AU FOND :
Attendu qu'au soutien de son pourvoi, le pourvoyant excipe des moyens suivants :
A) Le manque de base légale
En ce que pour débouter l'époux A.T de sa demande de divorce, l'arrêt incriminé se contente simplement d'affirmer que « la Cour a estimé qu'après avoir autorisé sa femme à rejoindre ses parents pour introduire illégalement une femme dans son foyer et l'inviter à revenir vivre cette situation illégale obligatoirement ; que le refus de celle -ci de venir subir de telle violence ne s'analysera ou s'interprétera en abandon de domicile conjugal » que la preuve de cette illégalité n' a jamais été rapportée ni devant le premier juge ni en cause d'appel, qu'en fondant sa décision sur ce seul argument pour soustraire la dame D de ses obligations de cohabitation, la Cour d'Appel de Kayes manque indubitablement de justes motifs et de base légale ;
Qu'en outre l'arrêt querellé ni dans l'analyse de ses moyens juridiques ni dans son dispositif n'a fait cas ou référence à un texte de loi nonobstant les dispositions de l'article 463 du Code de Procédure civile, Commerciale et Sociale ;
Que la bigamie dont fait état l'arrêt querellé ne se présume pas mais se prouve ; Qu'en statuant comme il l'a fait, l'arrêt déféré encourt la sanction de la haute juridiction ;
B) La Violation de la loi
En ce que l'arrêt recherché a violé le principe sacro saint posé par l'article 34 -3 de la loi n°62-17AN-RM du 03 février 1962 portant Code du Mariage et de la Tutelle disant en substance que la femme est obligée d'habiter avec le mari et celui-ci est tenu de la recevoir; qu'en effet une bigamie présumée ne saurait dispenser la femme légitime de ses obligations d'épouse (cohabitation et autres) ; que le comportement de dame A.D assimilable à un abandon de domicile conjugal ne saurait prévaloir sur le droit ; que la Cour, en gardant silence sur son attitude blâmable a violé l'article 34 -3 de la loi précitée ;
Qu'il s'ensuit alors que l'arrêt incriminé encourt la cassation ;
ANALYSE DES MOYENS :
Attendu que le mémorant invoque au soutien de son pourvoi deux moyens de cassation à savoir le manque de base légale et la violation de la loi ;
1er moyen tiré du défaut de base légale :
Attendu que le défaut de base légale est constitué chaque fois que la décision incriminée souffre d'une insuffisance de motivation telle que la Cour Suprême est dans l'impossibilité d'exercer son pouvoir de contrôle de la régularité de celle -ci ou plus précisément de vérifier que les juges du fond ont fait une application correcte de la règle de droit ;
Attendu que dans l'arrêt recherché, il est énoncé dans le premier considérant que les époux T se sont mariés sous le régime monogamique le 31 décembre 1981 (confère acte de mariage n°245/Reg lIl du centre d'état civil de Aa Ac) ;
Que dans le même considérant il est expressément mentionné que le pourvoyant T.A a violé le régime monogamique en épousant une seconde femme sans l'accord expresse de sa conjointe légale et légitime, la défenderesse A.D (confère P.V de tentative de conciliation sans date TPI de Ab cote 9 du dossier d'instance) ;
Attendu qu'il appert du P.V ci dessus visé que la dame a toujours posé comme préalable à son retour au foyer, le renvoi par son époux de cette dame qui occupe illégalement son foyer dont le mari s'est toujours gardé de réfuter ou acquiescer la présence dans le ménage ;
Attendu que les juges du fond tirant la conséquence de l'attitude du sieur A.T, en ont déduit que la situation conjugale, était insupportable pour la dame que le mari voulait encore soumettre à un autre supplice, celui de venir cohabiter avec une coépouse illégale et illégitime ;
Attendu que cette analyse des juges du fond, résultant des différentes pièces du dossier, donne une large base de légalité à leur décision de débouté du demandeur en divorce ;
Qu'il s'ensuit dès lors que le moyen est inopérant et doit être rejeté ;
2ème moyen tiré de la violation de la loi
Attendu que le mémorant fait grief à l'arrêt recherché de n'avoir pas accédé à sa requête de divorce sur la base de la violation par son épouse des dispositions de l'article 34 -3 de la loi n°62-17 AN-RM du 03 février 1962 portant Code de Mariage et de la Tutelle ;
Attendu que le devoir de cohabitation ne saurait être imposé à une épouse par son mari dès lors que marié sous le régime monogamique, celui-ci rompt cet engagement et fait occuper le domicile conjugal par «l'intruse» ;
Attendu, par ailleurs que l'épouse légitime dans ces conditions, ayant bénéficié d'une permission de son conjoint pour se rendre chez ses parents, n'est pas en abandon de domicile conjugal, dès lors qu'elle subordonne son retour au foyer au renvoi de la concubine par le mari infidèle ; Qu'il s'ensuit que ce moyen n'est pas plus heureux que le premier ; qu'il y a lieu de le rejeter ;
PAR CES MOTIFS
En la forme : Reçoit le pourvoi ; Au fond : Le rejette comme mal fondé ; Met les dépens à la charge du demandeur.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement les jour, mois et an que dessus.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET GREFFIER./.