2004062894
COUR SUPREME DU MALI SECTION JUDICIAIRE
2ème CHAMBRE CIVILE
POURVOI N°209 DU 16 AOUT 2002 ARRET N° 94 DU 28 JUIN 2004
REVENDICATION DE CONCESSION-EXPULSION- PLAIDEURS SE PRÉVALANT CHACUN D'UN TITRE ADMINISTRATIF-COMPÉTENCE DU JUGE CIVIL DÈS LORS QU'IL N'EST PAS STATUÉ SUR LA VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS
Les droits d'usage et d'habitation sont des droits dont la reconnaissance et la protection relèvent de la compétence du juge civil. Un litige entre particuliers, en dehors de toute intervention de l'administration, ne saurait être qualifié de contentieux administratif.
Si les contestations relatives à l'acte de concession sont soumises à la juridiction administrative, celles entre le concessionnaire et les tiers à l'exclusion de toute intervention de l'administration sont du ressort de la juridiction civile.
En conséquence, il n'y a pas lieu à cassation dès lors que l'arrêt déféré n'a nullement statué sur la validité des actes administratifs produits par les parties mais a retenu sa compétence pour expulser Ae Ab B d'un lot qu'il occupe sans titre et ce, après avoir constaté que le lot vendu par C Ad à Ae Ab B est bel et bien le lot n° 74-I alors que le lot 71-J est celui vendu par Ah X à Aa Ac.
La Cour :
Après en avoir délibéré conformément à la loi.
EN LA FORME :
Par acte n°209 du 16 août 2002, le Cabinet TOUREH et associés, agissant au nom et pour e compte de Ae Ab B, a déclaré se pourvoir en cassation contre l'arrêt n°298 du 14 août 2002 rendu par la Chambre Civile de la Cour d'Appel de Bamako dans une instance en revendication de concession et d'expulsion opposant leur client à Aa Ac ;
Suivant certificat de dépôt n°222 du 15 octobre 2003, la consignation a été acquittée; le demandeur a en outre produit mémoire ampliatif qui, notifié au défendeur, a fait l'objet de réplique.
Le pourvoi ayant satisfait aux exigences de la loi est recevable en la forme.
AU FOND :
Exposé des moyens
Le demandeur au pourvoi sous la plume de son conseil présente deux moyens :
-Premier moyen tiré de l'incompétence du Tribunal Civil
En ce que d'une part le sieur Aa Ac se prévaut d'un certificat administratif pour revendiquer la propriété sur la parcelle litigieuse et que d'autre part lui -même au soutien de sa revendication se prévaut d'un permis d'habiter sur la même parcelle; que ces deux actes tous administratifs ont été délivrés par les autorités administratives de la Commune de Ségou que le juge civil avant d'ordonner son expulsion de la parcelle n°71-J devait s'assurer que la question préjudicielle relative à la propriété de la parcelle litigieuse a été définitivement tranchée par le Tribunal Administratif ; que cette question préjudicielle n'étant pas tranchée, le juge civil en toute logique devrait se déclarer incompétent en l'état ou surseoir à statuer jusqu'à la décision définitive des Tribunaux administratifs ; que le permis d'habiter relatif au lot 71-J à lui délivré par le Maire de Ségou suivant décision n°055/ C -Ségou DOM du 25 janvier 2000 n'a fait l'objet d'aucune annulation, ni de retrait par les juridictions administratives ou les autorités administratives ; qu'au regard de tout ce qui précède, le juge civil devait se déclarer incompétent en l'état actuel de la procédure et renvoyer Aa Ac à mieux se pourvoir; qu'en tranchant l'affaire comme elle l'a fait sans soulever d'office son incompétence relative à la question préjudicielle précitée, la Cour d'Appel a violé les dispositions de l'article 96 du code de Procédure Civile, Commerciale et Sociale ;
-Deuxième moyen tiré du défaut de base légale par dénaturation des faits
En ce qu'il est suffisamment prouvé qu'il est titulaire d'un permis d'Habiter sur le lot 71-J et non sur la parcelle 74-l que pour le débouter la Cour d'Appel a estimé qu'il avait plutôt obtenu un permis d'habiter sur le lot n°74-I et qu'en fait le lot n°71-J qu'il occupait était la propriété de Aa Ac qu'en procédant ainsi, la Cour d'Appel a dénaturé les faits et du coup n'a pas donné à sa décision une base légale.
ANALYSE DES MOYENS :
-Premier moyen tiré de l'incompétence du Tribunal Civil
Attendu que le mémorant fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir violé les dispositions de l'article 96 du Code de Procédure civile, Commerciale et Sociale en ce que la Cour d'Appel de Bamako a retenu sa compétence alors que les deux parties se prévalaient toutes d'un acte administratif ;
Attendu que l'article 96 du Code de Procédure Civile, Commerciale et Sociale dispose : « l'incompétence peut être prononcée d'office en cas de violation d'une règle de compétence d'attribution lorsque cette règle est d'ordre public ou lorsque le défendeur ne comparait pas. Elle ne peut l'être qu'en ces cas. Devant la Cour d'Appel et devant la Cour Suprême cette incompétence ne peut être relevée d'office que si l'affaire relève de la compétence d'une juridiction répressive ou administrative ou échappe à la connaissance des juridictions nationales » ;
Attendu que par requête en date du 14 mars 2000, Aa Ac a saisi le Tribunal Administratif de Bamako aux fins de réclamation du lot n°71-J sis à Bagadadji-Coura Commune de Ségou occupé illégalement selon lui par Ae Ab B ;
Attendu que par jugement n°51 du 29 juin 2001, le Tribunal administratif de Bamako s'est déclaré incompétent au motif qu'un litige entre deux particuliers à l'exception de toute intervention de l'administration ne saurait être qualifié de contentieux administratif; que si les contestations relatives à l'acte de concession sont soumises à la juridiction administratives, celles entre le concessionnaire et les tiers à l'exclusion de toute intervention de l'administration sont du ressort de la juridiction civile ; que c'est à tort que le Tribunal Civil a cru bon renvoyer le requérant devant le Tribunal administratif; que suite à cette décision, Aa Ac a saisi le Tribunal civil de Ségou le 1er août 2001 d'une action en réclamation et en expulsion contre Ae Ab B ;
Attendu que les droits d'usage et d'habitation sont des droits réels dont la reconnaissance et la protection relèvent de la compétence du juge civil ; que contrairement aux assertions du mémorant l'arrêt déféré en confirmant le jugement d'instance en toutes ses dispositions n'a nullement statué sur la validité des actes administratifs produits par les parties mais a seulement constaté que le lot vendu par C Ad à Ae Ab B est bel et bien le lot n°74-I Objet de la lettre d'attribution n°258190/CSG-DOM du 07 juin 1990 comme l'atteste l'acte d'achat signé par les parties et des témoins alors que le lot n°71-J est celui vendu par Ah X à Aa Ac suivant certificat administratif du 1er octobre 1981 du maire de la Commune de Ségou ; qu'en retenant sa compétence pour expulser Ae Ab B d'un lot qu'il occupe sans titre, la Cour d'Appel de Bamako n'a nullement violé les dispositions de l'article 96 du Code de Procédure Civile, Commerciale et Sociale ; qu'il s'ensuit que le moyen est inopérant et doit être rejeté ;
-Deuxième moyen tiré du défaut de base légale par dénaturation des faits
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt déféré le défaut de base légale par dénaturation des faits ;
Attendu que le défaut de base légale est constitué par une insuffisance de motivation de la décision attaquée qui ne permet pas à la Cour Suprême de contrôler la régularité de la décision ou plus précisément de vérifier que les juges du fond ont fait une application correcte de la règle de droit ;
Attendu que la dénaturation est la méconnaissance par le juge du fond du sens clair et précis d'un écrit ;
Attendu que l'arrêt querellé motive « considérant que par lettre n°96-076 du 02 mai 1996 adressée au Président du Tribunal Civil de Ségou, le Maire de la Commune de Ségou atteste que le lot n°71-J est bien la propriété de Aa Ac Qu'Abdourahamane Ab B est détenteur du permis d'habiter n°128192/C.SGIDOM du 20 septembre 1992 du lot 74-l ; qu'Abdourahamane Ab B a produit un duplicata qui ne repose sur aucune base légale en ce qu'il n'a versé aucun document administratif attestant que la parcelle litigieuse n°71-J était initialement établie au nom de C Ad; que la décision n°0551C Af Ag sans date visée dans ledit duplicata n'a pas été produite ; qu'il est constant que Ae Ab B occupe une parcelle autre que celle qu'il prétend avoir payée avec C Ad
; qu'il n'est jamais parvenu à prouver sa propriété sur le lot N°71-J qu'il occupe et dont Aa A est le vrai propriétaire » ; que partant, il ne peut être relevé un manque de base légale par dénaturation des faits à l'encontre de cet arrêt qui a simplement constaté que le lot vendu par C Ad à Ae Ab B est le lot n°74-l objet de la lettre d'attribution n°258/90/C. 5G -DOM du 07 juin 1990 comme l'atteste l'acte de vente signé par eux et le témoin ne peut pas être le lot n°71-J vendu par Ah X à Aa Ac suivant certificat administratif du 1er octobre 1981 du maire de la commune de Ségou qu'il s'ensuit que le moyen n'est pas plus heureux que le premier et doit être rejeté.
PAR CES MOTIFS :
En la forme : reçoit le pourvoi ; Au fond : le rejette ; Confisque l'amende de consignation ; Met les dépens à la charge du demandeur.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement les jour, et an que dessus.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER