20040823128
COUR SUPREME DU MALI SECTION JUDICIAIRE
2ème CHAMBRE CIVILE
POURVOI N°239 DU 07 AOUT 2003 ARRET N°128 DU 23 AOÙT 2004
CONFIRMATION DE DROIT - ANTÉRIORITÉ DES DROITS COUTUMIERS PAR RAPPORT À L'IMMATRICULATION- PURGE DES DROITS COUTUMIERS AVANT LA CRÉATION DU TITRE ADMINISTRATIF-CONSTRUCTIONS ÉDIFIÉES DE BONNE FOI - DÉMOLITION DE CONSTRUCTIONS.
En constatant l'existence d'un titre foncier sur un terrain, on ne saurait reprocher à la Cour d'Appel d'avoir exclu le carnet de famille comme un titre et l'occupation prolongée comme acquisitive sur ledit terrain.
Lorsque les constructions ont été édifiées sans titre ni droit, on ne peut également reprocher à la Cour d'Appel d'avoir exclut le bénéfice de la bonne foi pour permettre l'application de l'article 555 du Code civil qui stipule « si les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers évincé qui n'aurait pas été condamné, en raison de sa bonne foi, à la restitution des fruits, le propriétaire ne pourra exiger la suppression desdits ouvrages, constructions et plantations, mais aura le choix de rembourser au tiers, l'une ou l'autre des sommes versées à l'alinéa précédent ».
La Cour :
Après en avoir délibéré conformément à la loi.
EN LA FORME :
Par acte n°239 fait au greffe le 07 août 2003 Maître Boh CISSE, Avocat à la Cour, agissant au nom et pour le compte de Aa Ab et autres, a déclaré se pourvoir en cassation contre l'arrêt n°345 rendu le 06 août 2003 par la Chambre Civile de la Cour d'Appel de Bamako dans une instance en confirmation de propriété opposant ses clients à la Mairie de la Commune VI ;
Suivant certificat de dépôt n°10 du 12 janvier 2004: les demandeurs ont acquitté l'amende de consignation ; ils ont en outre produit un mémoire ampliatif qui notifié au défendeur, n'a pas fait l'objet de réplique ; Pour avoir satisfait aux exigences de la loi, le pourvoi est recevable.
AU FOND : Présentation des moyens
Sous la plume de leur conseil, les demandeurs exposent deux moyens de cassation :
A) violation de la loi en deux branches
Première branche tirée de la violation des articles 43 du Code Domanial et Foncier et l'article 68 du Décret n°01 040-PRM du 02 février 2001, portant détermination des conditions d'attribution des terrains du Domaine Privé immobilier de l'Etat.
a) L'article 43 du Code Domanial et Foncier stipule Que : « les droits coutumiers exercés collectivement ou individuellement sur les terres non encore immatriculées sont confirmés » et dans sa correspondance n°798 du 07 septembre 1988 le Gouverneur du District de Bamako, écrivait « en ce qui concerne les maisons d'habitation spontanée, elles seront toutes réhabilitées ou recasées dans les zones réservées à cet effet dans le même lotissement. La réhabilitation et le recasement se feront concession pour concession (1 concession = 1 concession) » ; qu'il est constant que Aa Ab et autres habitent depuis des décennies dans cette zone et qu'ils ont fait l'objet de recensement des autorités municipales qui ont ensuite entrepris courant 1992, des opérations de viabilisation non suivies d'effet; que dans ces conditions, les juges du fond ne sauraient tirer argument de la lettre du Gouverneur en adoptant les dispositions de l'article 169 du Code Domanial et Foncier pendant que la même correspondance, reconnaît et confirme expressément les droits coutumiers des mémorants; que mieux en occultant cette réalité juridique, sans au préalable, s'assurer de l'obligatoire purge des dits droits avant la création de tout titre foncier, l'arrêt querellé viole l'article visé et mérite la censure.
b) L'article 67 du Décret n°01-040 dispose que « l'affectation se fait par Décret pris en conseil des Ministres sur présentation du Ministre chargé des Domaines à la suite d'une demande écrite du Ministre de Tutelle du service bénéficiaire » que l'article 68 précise que « si le terrain demandé est l'objet de droits coutumiers, l'affectation ne peut intervenir qu'après la purge de ces droits conformément à la loi », or la zone litigieuse objet du titre 11239 est la propriété du District de Bamako que ni le District ni la Marie de la Commune VI, n'apporte la preuve ni de l'appartenance, ni de l'affectation de ce titre à celle-ci ; que dans ces conditions les prétentions de la Mairie de la Commune VI tendant à la démolition sont mal fondées, sa qualité de propriétaire n'étant pas établie ;
Deuxième branche tirée de la violation de l'article 555 du Code Civil al4 qui stipule « si les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers évincé qui n'aurait pas été condamné, en raison de sa bonne foi, à la restitution des fruits, le propriétaire ne pourra exiger la suppression desdits ouvrages, constructions et plantations mais il aura le choix de rembourser au tiers, l'une ou l'autre des sommes versées à l'alinéa précédent » ; que ce texte oblige les juges du fond à se prononcer avant d'ordonner toute démolition sur la bonne foi des mémorants qu'en ordonnant donc la démolition des constructions malgré la bonne foi résultant de la correspondance du 07 septembre 1985, l'arrêt querellé viole l'article 555 al4 et encourt la cassation.
B) Insuffisance de motifs
En ce que les juges d'Appel adoptent des motivations inconsistantes ; d'abord il a été clairement établi que les droits coutumiers de Aa Ab et autres avaient été reconnus, préservés et confirmés (lettres du 07 septembre 1988) ; qu'ensuite la parcelle de 102 ha Sa 92 ca objet du titre n°11.239 n'appartient pas à la mairie de la Commune VI et qu'enfin la démolition a été ordonnée en violation de l'article 555 al4 du Code Civil ; que l'arrêt souffre d'une carence de motivation et viole l'article 463 du Code de Procédure Civile, Commerciale et Sociale encourt ainsi la cassation.
ANALYSE DES MOYENS :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt déféré d'avoir procédé par violation de la loi et défaut de base légale ;
Attendu sur la violation de l'article 43 du Code Domanial et Foncier; que cet article pose essentiellement le problème de l'antériorité des droits coutumiers par rapport à l'immatriculation ; qu'en l'espèce le carnet de famille le plus ancien est de 1991 alors que la lettre du Gouverneur ayant sollicité et obtenu l'affectation est de septembre 1988 ; que le point de savoir si les mémorants sont concernés par la lettre du Gouverneur, relève de l'appréciation souveraine des juges du fond et échappe au contrôle de la Haute Juridiction que par rapport aux articles 67 et 68 du Décret n°01-040 PRM du 02 février 2001, il échet d'observer qu'une décision n°004/M-CVI. D.B du 03 février 2002 du Maire de la Commune VI a reparti la zone entre différentes personnes, laissant ainsi présumer l'affectation faite à la Commune ; d'où le grief relatif à la propriété est mal fondé ;
Attendu par rapport à l'article 555 al4 du Code civil, la Cour d'Appel en relevant que : « ces constructions ont été édifiées sans titre, ni droit.. », exclut justement le bénéfice de la bonne foi aux mémorants, or la bonne foi est la condition sine qua non de l'application du texte visé.
Attendu donc, le premier moyen ne peut prospérer ;
Attendu donc, que le deuxième moyen est relatif à une insuffisance de motifs ; qu'à cet égard la Cour d'Appel après avoir constaté l'existence d'un titre foncier, exclut le carnet de famille comme un titre et l'occupation prolongée comme acquisitive, a suffisamment motivé sa décision ; que ce moyen n'est pas plus heureux que le premier.
PAR CES MOTIFS :
En la forme : reçoit le pourvoi ; Au fond : le rejette comme mal fondé ; Ordonne la confiscation de l'amende de consignation ; Met les dépens à la charge des demandeurs.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement les jour, mois et an que dessus.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER