COUR SUPREME DU MALI REPUBLIQUE DU MALI
SECTION JUDICIAIREUN PEUPLE - UN BUT - UNE FOI
Chambre Commerciale --------------------
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POURVOI N°346 ET 354 DES 08 ET 09 DECEMBRE 1999
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ARRET N° 33 DU 13 SEPTEMBRE 2004
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NATURE : Reddition de compte et compensation
LA COUR SUPREME DU MALI
A, en son audience publique ordinaire du lundi treize septembre de l'an deux mille quatre à laquelle siégeaient Messieurs:
Ab B: Président de la Chambre Commerciale, Président;
Abdoulaye Issoufi TOURE: Conseiller à la Cour membre;
Madame Y Ac X : Conseiller à la Cour, membre;
En présence du Monsieur Moussa Balla KEÏTA, Avocat Général près ladite Cour ;
Avec l'assistance de Maître SAMAKE Fatoumata Zahara KEITA, greffier;
Rendu l'arrêt dont la teneur suit:
SUR LE POURVOI de Maître Abdoul Wahab BERTHE, Avocat à la cour et le Cabinet d'Avocats TAPO agissant r au nom et pour le compte de la B.I.M.- SA, d'une part;
CONTRE: Ad C ayant pour conseil SCP DOUMBIA - TOUNKARA, Cabinet d'Avocats et associés, d'autre part;
Sur le rapport du Conseiller Abdoulaye Issoufi TOURE et les conclusions écrites et orales du Procureur Général Aa A etde l'Avocat Général Moussa Balla KEÏTA ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi:
EN LA FORME:
Par actes n°346 et 354 du greffe de la Cour d'Appel de Bamako en date des 08 et 09 décembre 1999 le Cabinet TAPO et Maître Abdoul Wahab BERTHE, tous conseils de la B.I.M. - S.A. ont déclaré se pourvoir en cassation contre l'arrêt n°478 du 08 décembre 1999 rendu par la Chambre Civile de la Cour d'appel de Bamako dans l'instance en reddition de compte et en compensation opposant leur cliente à Ad C.
Suivant certificat de dépôt n°174/2000 du 08/08/2000 la B.I.M. - S.A. a acquitté l'amende de consignation; elle a en outre par l'organe d'un de ses conseils produit mémoire ampliatif qui notifié au défendeur, a fait l'objet de mémoire en réponse, dans les forme et délai de la loi. Le recours est donc recevable.
AU FOND:
I- Exposé des moyens:
Sous la plume de son conseil Maître Abdoul Wahab BERTHE, la demanderesse présente un moyen unique de cassation tiré de la violation de la loi en trois branches:
- Première branche: violation des articles 211 et 212 du Régime Général des Obligations par fausse application: en ce que l'arrêt querellé expose que la dation en paiement n'aurait produit aucun effet en l'absence de toute mutation du titre foncier offert et du fait de l'échange de correspondances intervenu entre les parties au-delà du délai de réméré alors qu'il ressort de l'article 211 précité que la dation en paiement est une convention qui « emportetransfert de la propriété dans les conditions de droit commun», c'est - à - dire dès l'échange des consentements, à la signature du protocole; que l'obligation de livrer la chose est parfaite par le seul consentement des parties et rend le créancier propriétaire ( civ 1ère 27/01/1993 ); que la mutation du titre, une formalité purement administrative ne peut nullement préjudicier à la qualité de propriétaire de la B.I.M. - S.A.; que la jurisprudence citée conforte les effets légaux de la dation en ce que l'opération a un double effet:
elle éteint le rapport obligataire entre le créancier et le débiteur;
elle transfère la propriété du bien du patrimoine du débiteur à celui du créancier et ce dès la signature de l'acte constatant la dation;
Que dès lors les échanges de correspondances au delà du délai du réméré ne sauraient rendre caduque cette opération en l'absence de vices, de renonciation expresse des parties, de l'effet de la loi ou d'un jugement; d'où l'arrêt querellé encourt la cassation.
- deuxième branche: Violation de l'article 234 du Régime Général des Obligations par fausse application: en ce que l'arrêt querellé a ordonné la compensation alors que les condItions légales ne sont pas remplies; qu'en effet aux termes du texte visé au moyen, pour qu'il ait compensation il faut que les deux personnes soient créancière et débitrice l'une de l'autre, or en l'espèce la B.I.M. - S.A. n'est pas créancière de Ad C, la créance étant éteinte par la dation en paiement, d'où la censure.
- Troisième branche: Violation de l'article 503 du Code de Procédure Civile, Commerciale et Sociale, 569 du Code de Procédure Civile, Commerciale et Sociale de 1994, 613 Nouveau du Code de Procédure civile, Commerciale et Sociale: en ce que l'ordonnance N°001 du 19/08/1998 du Premier Président a été rapportée sur tierce - opposition de la SNTP par une autre du 25/02/1999 du Président du Tribunal de la Commune III; or aux termes de l'article 613 du Code de Procédure Civile, Commerciale et Sociale, la chose jugée sur tierce - opposition l'est à l'égard de toutes les parties appelées à l'instance; d'où l'arrêt déféré encourt la cassation.
ANALYSE DES MOYENS:
Attendu que par la première branche, il est reproché à l'arrêt déféré d'avoir violé les articles 211 et 212 du Régime Général des Obligations.
Attendu que les articles suscités sont ainsi conçus:
Article 211: « le créancier ne peut être contraint de recevoir autre chose que ce qui lui est dû, mais il peut convenir avec le débiteur d'une prestation de remplacement»
Article 212: « cette convention emporte transfert de la propriété dans les conditions de droit commun.
A défaut d'exécution de la convention, le créancier peut obtenir l'exécution forcée de l'obligation primitive ou de la prestation de remplacement.»
Attendu que manifestement, aux termes de l'article 212, c'est la convention elle-même qui emporte le transfert suivant les formalités traditionnelles en matière de donations ( une fois acceptées elles sont parfaites et la propriété est transférée sans qu'il soit nécessaire que les biens soient remis immédiatement au donataire ); que l'arrêt déféré en se referant à une doctrine elle même relative à des textes différents de ceux ci - dessus cités, a posé des conditions suspensives au transfert violant ainsi la lettre de l'article visé.
Attendu que le même article 212 in fine donne la possibilité au créancier d'opter, sans fixer aucun délai, entre l'exécution forcée de l'obligation primitive et de la prestation de remplacement; que dès lors les échanges de correspondances après le délai de réméré, ne sauraient être considérés comme une renonciation à la dation en paiement de la part du créancier.
Attendu donc que ce moyen est opérant et fait encourir la cassation.
Attendu que la deuxième branche, relative à l'article 234 du Régime Général des Obligations, interfère largement avec la première; qu'en effet dès l'instant où la validité de la dation est reconnue, la compensation ne peut être appliquée, la B.I.M. - S.A. n'étant plus créancière de Ad C.
Attendu par rapport à la troisième branche, il y a lieu d'observer que tant l'article 509 de l'ancien Code que l'article 613 du nouveau indiquent que « la décision qui fait droit à la tierce - opposition ne rétracte ou ne reforme le jugement attaqué que sur les chefs préjudiciables au tiers - opposant. Le jugement primitif conserve ses effets entre les parties même sur les chefs annulés»; d'où la rétractation obtenue en faveur de la SNTP n'a aucune influence sur les points tranchés entre les parties à ce pourvoi; que ce moyen n'est pas heureux.
Attendu qu'il échet casser l'arrêt querellé.
PAR CES MOTIFS:
En la forme: reçoit le pourvoi;
Au fond: casse et annule l'arrêt attaqué;
Renvoie la cause et les parties devant la Cour d'Appel de Bamako autrement composée;
Ordonne la restitution de l'amende de consignation;
Met les dépens à la charge du Trésor Public.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement les jour, mois et an que dessus.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER./.