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25/10/2004 | MALI | N°144

Mali | Mali, Cour suprême, Section judiciaire, 25 octobre 2004, 144


Texte (pseudonymisé)
COUR SUPREME DU MALI REPUBLIQUE DU MALI
SECTION JUDICIAIRE Un Peuple - Un But - Une Foi
2EME CHAMBRE CIVILE -----------------
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POURVOI N°25 DU 04 JUIN 2003
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ARRET N° 144 DU 25 OCTOBRE 2004
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NATURE: Réclamation de pêcheries.

LA COUR SUPREME DU MALI

A, en son audience publique ordinaire du lundi vingt cinq octobre de l'an deux mil quatre, à laquelle siégeaient Messieurs :

Diadié Issa MAIG

A, Président de la 2ème Chambre Civile, Président;

Fakary DEMBELE, Conseiller à la Cour, membre;

Madame BO...

COUR SUPREME DU MALI REPUBLIQUE DU MALI
SECTION JUDICIAIRE Un Peuple - Un But - Une Foi
2EME CHAMBRE CIVILE -----------------
------------------

POURVOI N°25 DU 04 JUIN 2003
---------------------------------------
ARRET N° 144 DU 25 OCTOBRE 2004
----------------------------------

NATURE: Réclamation de pêcheries.

LA COUR SUPREME DU MALI

A, en son audience publique ordinaire du lundi vingt cinq octobre de l'an deux mil quatre, à laquelle siégeaient Messieurs :

Diadié Issa MAIGA, Président de la 2ème Chambre Civile, Président;

Fakary DEMBELE, Conseiller à la Cour, membre;

Madame BOUNDY Henriette DIABATE, Conseiller à la Cour, Membre;

En présence de Monsieur Mahamadou BOUARE, Avocat Général près ladite Cour occupant le banc du Ministère Public;
Et de Messieurs Mody TRAORE et Ibrahima WADE, Assesseurs coutumiers complétant la Cour;

Avec l'assistance de Maître TRAORE Adama SOW, Greffier;
Rendu l'arrêt dont la teneur suit:

SUR LE POURVOI de Maître Simon LOUGUE, Avocat à la Cour, agissant au nom et pour le compte des sieurs Aa B et As Y, d'une part ;

CONTRE: Ak A et Ab A, ayant pour conseil Maître Hamadoun DICKO, Avocat à la Cour, défendeurs, d'autre part;

Sur le rapport du Conseiller Fakary DEMBELE et les conclusions écrite et orale de l'avocat Général Mahamadou BOUARE ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi:

EN LA FORME:

Par acte n°25 du greffe en date du 04 juin 2003, Maître Simon LOUGUE, Avocat à la Cour, agissant au nom et pour le compte des sieurs Aa B et As Y, a déclaré se pourvoir en cassation contre l'arrêt n°37 du 04 juin 2003 rendu par la Chambre Civile de la Cour d'Appel de Mopti dans une instance en réclamation de pêcheries opposant ses clients à Ak A et Ab A;

Suivant certificat de dépôt n°02 du 05 janvier 2004, les demandeurs ont acquitté l'amende de consignation;

Par l'organe de leurs conseils, ils ont produit mémoire ampliatif qui a été notifié aux défendeurS qui, par le truchement de leur conseil, ont conclu au rejet du pourvoi;

Pour avoir satisfait aux exigences de la loi, le pourvoi est recevable en la forme;

AU FOND:

EXPOSE DES MOYENS:

Sous la plume de leurs conseils Maître Simon LOUGUE et Maître Alassane DIOP, les demandeurs présentent les moyens de cassation suivants:

- Premier moyen tiré du défaut de base légale et de l'absence de motifs:

En ce que la Cour d'Appel de Mopti dans son analyse juridique fonde sa conviction sur:

- Les autorisations administratives de pêche délivrées par les services techniques en date du 30 mai 1989 et du 30 mai 1994;

- Les autorisations de barrage en date du 22 octobre 1993 ainsi que les différentes mises en défens délivrées curieusement tantôt aux demandeurs tantôt aux défendeurs;

- Un « tarik» versé par les défendeurs au pourvoi pour attester leur statut de fondateurs des villages Joux tant les mares litigieuses;
- Un procès verbal de bons offices en date du 26 avril 2000 constatant un règlement amiable entre les parties;

- Que cependant les mémorants ont également produit au dossier de la cause un jugement du Tribunal de 1er degré de Mopti de statut coutumier présidé par Monsieur Am administrateur Colonial émérite assisté de ses assesseurs en date du 1er janvier 1920 et relatif aux huit (8) mares qui garnissent leur domaine coutumier; qu'il n'y a jamais eu de règlement amiable et qu'il y a lieu de distinguer sur la valeur probante de ces pièces quant à la propriété des mares litigieuses; que les autorisations dont s'agit ne sont guère des titres de propriété bien au contraire, de simples autorisations comme leurs noms l'indiquent, qui sont délivrées à n'importe quel usager jouissant d'une possession paisible et apparente; qu'en matière coutumière, cette possession paisible et même non équivoque est loin d'être synonyme de propriété des lieux qui peuvent être prêtés des années durant à de simples voisins; que mieux les dates relatives aux dites autorisations sont plutôt récentes (1983 pour la plus ancienne) et ne peuvent aucunement constituer une propriété coutumière réservée uniquement aux plus anciens occupants connus; qu'en l'espèce, il ne fait l'ombre d'aucun doute que les ancêtre des demandeurs B et Y X Ao sont les premiers à installer sur les lieux et à autoriser d'autres arrivants à en faire de même; que c'est ainsi que les A ici défendeurs ont été autorisés à s'installer dans les environs du village de Téké qui est le plus ancien des villages, à créer leur hameau (AiC et naturellement à exploiter surtout du temps de l'abondance les mares de Al, Au et Af sur lesquelles les B exerçaient leurs droits coutumiers; que cet état de fait a été corroboré par les témoignages au procès (cf. notes d'audience); qu'en outre le Tarik versé au dossier bien que récusable pour irrégularités de fond et de forme dit tout simplement que les ancêtres des défendeurs sont les fondateurs des villages qu'ils occupent encore ce jour, ce qui ne pose aucun problème en l'espèce mais est tout à fait muet sur l'antériorité des Bozos dans toute la région, ce qui est tout à fait indiscutable; qu'en matière coutumière, on peut créer un Hameau sur des terres appartenant aux autochtones résidant dans la zone avec leur permission; qu'en l'espèce c'est exactement ce qui s'est passé; qu'en se basant sur les autorisation administratives, un prétendu tarik écrit sur une banale feuille d'écolier, un procès verbal de conciliation ainsi que la proximité du village des défendeurs par rapport aux lieux litigieux pour asseoir sa conviction, la Cour d'Appel de Mopti a procédé à la dénaturation des pièces et propos tenus à la barre; que d'autre part la même cour rejette d'un revers de la main sans aucun examen minutieux une pièce essentielle produite par les demandeurs au pourvoi, l'original du dispositif d'un jugement de la période coloniale plus ancien que toutes les autres pièces versées au dossier; qu'au lieu de vérifier par elle même l'authenticité de ladite pièce, la cour s'est bornée à suivre les dénégations de la partie adverse et pousse l'absurdité jusqu'à dire que le jugement de 1920 n'est qu'une simple décision émanant de l'administration coloniale qui met à la disposition des B les mares objet du litige; que pire, elle affirme plus tard que la décision ainsi libellée « avons mis à la disposition des sieurs B etc...» exclut la possibilité d'attribuer la propriété desdites mares aux demandeurs bénéficiaires de la décision; qu'or il est aisé de constater qu'il s'agit bel et bien d'un jugement rendu par le tribunal de statut coutumier de 1er degré de Mopti le 1er janvier 1920 tel qu'il est mentionné sur ladite pièce; que l'administration coloniale qui, du fait de la conquête militaire s'est appropriée toutes les terres, ne peut en conséquence que mettre à la disposition des propriétaires coutumiers leurs terres désormais acquises pour simple jouissance; que cette décision irréprochable de l'Administration coloniale doit servir de jurisprudence et primer sur toutes les autres pièces versées au dossier; qu'en disposant du contraire, l'arrêt querellé manque de base légale et ne ressort nullement de motifs suffisants pour infirmer le jugement d'instance; que sur ce point l'arrêt encourt la censure de la Cour Suprême.

- Deuxième moyen tiré de la violation de la loi notamment de l'article 9 du Code de Procédure civile, Commerciale et Sociale et de la coutume en deux branches:

Première branche: la violation de la coutume:

Qu'en droit, la coutume joue un rôle de premier plan en matière de propriété foncière en milieu rural; qu'en l'espèce à Mopti milieu Bozo, seules le familles Bozos sont des propriétaires coutumiers des points de pêche et ont le droit d'organiser les parties de pêche en donnant les premiers coups symboliques de filets; que pour le cas qui nous concerne, c'est le village de Téké qui est de loin le plus ancien et organise les parties de pêche; que cet état de fait est absolu et reconnu non seulement par les honorables assesseurs qui ont assisté le commandant Am lors du jugement de 1920 mais aussi et plus récemment par l'ensemble des témoins produits dont certains par la partie adverse elle - même; qu'en faisant délibérément fi de ces faits et surtout en s'accrochant désespérément au procès verbal d'une prétendue mission de bons offices, la Cour d'Appel de Mopti a violé les règles conservatrices de nos coutumes ancestrales au lieu de les consacrer et consolider; que pour cette raison, l'arrêt déféré mérite la cassation;

Deuxième branche: violation de l'article 9 du Code de Procédure Civile, Commerciale et Sociale:

Que l'article 9 stipule « il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention»; qu'en matière coutumière les témoignages gardent tout leur sens; qu'un témoin non moins important produit par les défendeurs en la personne de Aa B a reconnu sous la foi du serment que les points de pêche sont la propriété de Téké; que l'ensemble des témoins produits par Téké ont confirmé l'antériorité de ce village par rapport au voisinage et tire de cette préséance son droit coutumier conformément à nos usage; qu'une simple autorisation administrative ne saurait alors dépouiller un jugement de sa force obligatoire; que pour toutes ces violations, l'arrêt encourt la cassation;

ANALYSE DES MOYENS:

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt déféré d'avoir procédé par défaut de motifs et de base légale, violation de la loi notamment la coutume et l'article 9 du Code de Procédure civile, Commerciale et Sociale;

Attendu, eu égard à leur interférence et à leur connexité, que les deux moyens peuvent être examinés ensemble;

Attendu que le défaut de motifs correspond à une absence totale de toute motivation tandis que le défaut de base légale est constitué par une insuffisance de motivation de la décision attaquée qui ne permet pas à la Cour Suprême de contrôler la régularité de la décision ou plus précisément de vérifier que les juges du fond ont fait une application correcte de la règle de droit; il y a violation de la loi lorsqu'il appert à partir de faits matériellement établis, correctement qualifiés, les juges du fond ont fait une mauvaise application de la loi au prix d'une erreur le plus souvent grossière soit qu'ils aient ajouté à la loi une condition qu'elle ne pose pas, soit qu'ils aient refusé d'en faire une application à une situation qui manifestement rentrait dans son champs d'application (cf. la Technique de cassation de Ah Ar Ap Av et Aq Av P.147 et 138);

Attendu que les mémorants reprochent à l'arrêt déféré d'avoir bâti sa motivation sur les mises en défens, la commission de bons offices, pour ensuite mettre en exergue le dispositif d'un jugement rendu le premier janvier 1920 par le tribunal de premier degré de Mopti de statut coutumier;

Attendu que l'arrêt déféré dans ses différents considérants, après avoir écarté les témoignages partisans et le document produit en photocopie par le mémorant comme étant le dispositif d'un jugement intervenu en la cause en 1920, puise sa motivation dans: les autorisations administratives de pêche délivrées généralement par les services techniques aux chefs coutumiers qui à leur tour organisent la pêche conformément à la coutume;

- Les autorisations administratives de barrages de pêche accordées aux défendeurs au pourvoi sur le cours d'eau alimentant les mares contestées en spécifiant leur qualité de propriétaires de droits coutumiers sur ces mares;

- Les mises en défens qui sont les véritables mesures conservatoires et provisoires prises à l'égard de toutes les parties pour permettre aux mares d'être plus poissonneuses et préserver l'ordre public et qui étaient opérées sous la surveillance de Ak A; que ces pièces administratives sont la preuve que c'est bien Ag qui était le gestionnaire et propriétaire coutumier de ces mares; qu'ensuite du Tarick versé au dossier et de la proximité des mares litigieuses avec Ai village affilié à Ag, la mission de bons offices composée de notables et de chefs de 26 villages censés être des personnes crédibles maîtrisant les possessions coutumières des deux parties s'est rendu à Ag le 26 avril 2003 et après avoir reconnu la propriété coutumière des pêcheries au village de Ag An - Maya, a fait des recommandations au village de Téké à l'effet de se conformer à la coutume en acceptant de suivre celui - ci dans les activités de gestion des eaux notamment la surveillance des eaux ou l'organisation de la prêche collective, la fixation des dates de pêche etc.; que contrairement aux assertions des mémorants, un jugement n'est pas intervenu en 1920 pour reconnaître leur propriété sur les mares; que cette décision qui émane de l'Administration coloniale de Mopti est ainsi libellé: « Avons mis à la disposition de messieurs KONTAO, Ad et Ae les marigots dont les noms suivent: Af, Ac, Au, Aj, At, Téké - Pagou, Tépah, Pah - Boron»; qu'il n'est pas sérieux d'affirmer que cette décision a, par son contenu, attribué les mares Al, Af et Manga au village de Téké; qu'il appert des éléments qui précèdent que la propriété coutumière du village de Ag et de Tondougou sur les mares de Al, Au et Af ne fat l'ombre d'aucun doute;

Attendu que les juges du fond sont souverains pour apprécier la force probante des preuves et qu'ils sont même dispensés de préciser les raisons pour lesquelles ils retiennent ou écartent un élément de preuve; qu'il est admis que lorsque l'écrit n'est qu'un simple élément de preuve, il est soumis à la libre appréciation du juge du fond ; de même le juge du fond apprécie souverainement le crédit; qu'il y a lieu de faire à un document produit en photocopie comme c'est le cas d'espèce; que par ailleurs la règle coutumière n'étant pas écrite par définition, un large pouvoir d'appréciation est laissé aux juges du fond qui en l'occurrence étaient complétés par les assesseurs de la coutume des parties; qu'il ne saurait dès lors être reproché à l'arrêt entrepris une absence de motifs , un défaut de base légale et une violation de la loi notamment de la coutume et de l'article 9 du Code de Procédure Civile, Commerciale et Sociale;

Attendu qu'il échet de rejeter le pourvoi;

PAR CES MOTIFS:

En la forme: Reçoit le pourvoi;
Au fond: Le rejette mal fondé;
Ordonne la confiscation de l'amende de consignation;
Met les dépens à la charge des demandeurs;

Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement, les jour, mois et an que dessus./.

ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER./.


Synthèse
Formation : Section judiciaire
Numéro d'arrêt : 144
Date de la décision : 25/10/2004
2e chambre civile

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ml;cour.supreme;arret;2004-10-25;144 ?
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