COUR SUPREME DU MALI REPUBLIQUE DU MALI
SECTION JUDICIAIRE Un Peuple - Un But - Une Foi
----------------------------------
Chambre Criminelle
------------------
POURVOI N° DU SEPTEMBRE 2002
----------------------------------
ARRET N°44 DU 1er NOVEMBRE 2004
----------------------------------
NATURE:Escroquerie, magie et charlatanisme.
LA COUR SUPREME
A, en son audience publique ordinaire du lundi premier novembre de l'an deux mille quatre à la quelle siégeaient :
Madame BOUNDY Henriette DIABATE, Présidente de la chambre Criminelle, Président;
Monsieur Sidi SINENTA, Conseiller à la Cour, membre;
Monsieur Fakary DEMBELE, Conseiller à la Cour, membre;
En présence de l'Avocat Général Ab Af B;
Avec l'assistance de Maître SAMAKE Fatoumata Zahara KEÏTA, Greffier;
Rendu l'arrêt dont la teneur suit:
SUR LE POURVOI: de Maître Tiéssolo KONARE, Avocat à la Cour agissant au nom et pour le compte de la Ai Ad Ag A, d'une part;
CONTRE: Ministère Public et Ah Z ayant pour conseil Maîtres Aj C et Ae Y, tous Avocats à la Cour, défendeur, d'autre part;
Sur le rapport du Conseiller Sidi SINENTA et les réquisitions écrite et orale du Procureur Général et de l'Avocat Général Ab Af B ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
EN LA FORME:
Par acte n°50 du 08 septembre 2000, Maître Tiessolo KONARE, Avocat à la Cour agissant au nom et pour le compte de Ai Ad Ag A, s'est pourvu en cassation contre l'arrêt n°86 du 03 juillet 2000 rendu par la Chambre Correctionnelle de ladite Cour dans l'affaire Ministère Public et Ah Z contre Ai Ad Ag A;
Le demandeur au pourvoi est dispensé du paiement de l'amende de consignation mais il a produit mémoire ampliatif sous la plume de son conseil Ac AG dans le délai légal;
Le pourvoi est donc recevable en la forme;
AU FOND:
Le demandeur au pourvoi présente au moyen unique basé sur la violation de la loi;
violation de la loi par fausse interprétation de la loi:
En ce que l'infraction pénale, pour être constituée suppose la preuve et la réunion de trois éléments: légal, matériel et intentionnel;
Qu'en l'espèce, même s'il y a un élément légal, sur la base du quel des poursuites ont été engagées contre le mémorant, il est clair que les éléments matériel et intentionnel font défaut;
Que l'article 207 qui réprime l'escroquerie, vise des actes matériels; qu'aucun des actes prévus par les dispositions sus-visées ne peut être reproché au mémorant;
Qu'en l'absence de tout élément matériel pouvant caractériser l'infraction poursuivie, la cour ne pouvait légalement condamner Ai M. Aa A;
Que le mémorant a été condamné sur la base des simples déclarations de Ah Z, partie civile;
Que même les perquisitions effectuées au domicile de Ai M.B. CISSE n'ont permis de découvrir de simples indices;
violation de la loi par fausse application ou refus d'appliquer la loi:
1- Violation de l'article 465 ( nouveau) du Code de Procédure Pénale:
En ce qu'il ressort de l'arrêt attaqué que Ai Ad Ag A a été cité à sa personne le 10 avril 2000 à comparaître à l'audience du 24 avril 2000; que le mémorant n'a déposé que de 14 jours contrairement aux dispositions de l'article 465 nouveau du Code de Procédure Pénale qui dit « le délai entre le jour où la citation est délivre et le jour fixé pour la comparution de la personne citée devant le Tribunal correctionnel ou de simple police est d'au moins 15 jours si elle réside au siège de la juridiction..»;
Qu'en admettant que cette citation est régulière pour avoir été faite à sa personne, la Cour d'Appel a violé la loi en refusant d'appliquer la loi;
2- Violation de l'article 466 du Code de Procédure Pénale:
En ce que l'article 466 dispose « les délais ci -dessus prescrits n'ont pas été observés; les dispositions ci - après sont applicables1) dans le cas où la partie citée ne se présente pas, la citation doit être déclarée nulle par le Tribunal»;
Qu'ayant refusé de déclarer nulle la citation en date du 10 avril 20000 conformément à l'article 466 du Code de Procédure Pénale, l'arrêt a violé la loi en refusant de l'appliquer;
3- Violation de l'article 471 du Code de Procédure Pénale:
En ce que l'article 471 dispose « pendant les délais de recours en cassation et s'il y a eu recours, jusqu'au prononcé de l'arrêt de la cour Suprême, il est sursis à l'exécution de l'arrêt de la Cour sauf en ce qui concerne les condamnations civiles»;
Qu'en exécutant le 10 juillet 2003 le mandat d'arrêt qui a été décerné contre le mémorant par l'arrêt n°86 du 03 juillet 2000 malgré le pourvoi, la Cour a violé la loi;
4- Violation de l'article 459 du Code de Procédure Pénale:
En ce que l'article 460 dispose: « la citation énonce le fait poursuivi et vise le texte de loi qui le réprime»;
Que la citation en date du 10 avril 2000 n'énonce pas le fait poursuivi et ne vise pas le texte de loi qui le réprime;
5- Violation de l'article 508 du Code de Procédure Civile, Commerciale et Sociale:
Que cet article énonce « les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu'après leur avoir été notifiés.»;
Qu'en l'espèce, l'arrêt n°86 du 03 juillet 2000 n'a jamais été notifié au mémorant;
Qu'en exécutant le mandat d'arrêt en date du 03 juillet 2003 malgré le pourvoi et en l'absence de toute notification la Cour a violé la loi;
Le mémorant conclut à la cassation sans renvoi d l'arrêt incriminé;
Le mémoire a été notifié aux conseils de Ah Z qui ont répliqué;
Le Ministère Public sous la plume de l'Avocat Général a requis la cassation sans renvoi;
ANALYSE DES MOYENS:
Moyen basé sur la fausse interprétation de la loi:
Attendu que si l'appréciation des faits échappe à la Cour Suprême, la haute juridiction conserve tout de même le droit de vérifier si la qualification retenue s'applique bien aux faits déclarés constant par les juges du fond d'une part, et autre part si les faits constatés supportent et la qualification donnée et les conséquences légales qui en ont été tirées;
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt attaqué une fausse interprétation de la loi en ce que Ai Ad Ag A a été condamné sur la base de l'article 207 du Code Pénal ( 275 CP nouveau) qui réprime l'escroquerie alors que les faits sur lesquels reposent les poursuites n'ont pas été prouvés et relevant des seules déclarations de la partie civile;
Attendu que l'arrêt querellé pour arriver à la condamnation de Ai Ag X de la motivation suivantes: «considérant qu'il résulte des faits tels que relatés par Ah Z»;
Que ces arguments ne sont étayés par aucune autre preuve concrète ou témoignage; que seule l'absence de Ai Ad Ag A crédibilise selon l'arrêt, les déclarations de la partie civile;
Qu'il est constant que si les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve et que le juge décide selon son intime conviction ( article 412 du Code de Procédure) encore faut - il que des preuves lui soient présentées;
L'article 412 du Code de Procédure Pénale dispose: « le juge ne peut fonder sa décision que sur des preuves qui lui sont apportées au cours des débats et contradictoirement discutées devant lui»;
Qu'en l'espèce il n'y a eu ni débat, ni preuve à discuter.;
Qu'en procédant comme elle la fait la Cour d'Appel de Bamako a violé la loi par fausse interprétation de la loi et défaut de motif découlant d'une insuffisance de constatation des faits;
L'arrêt querellé mérite donc d'être censuré;
Violation de la loi par fausse application ou refus d'appliquer la loi:
Violation des articles 465 du Code de Procédure Pénale:
Attendu qu'il ressort de l'arrêt incriminé que le Procureur Général près la cour d'Appel de Bamako a fait servir à la personne du prévenu une citation à comparaître à l'audience du 24 avril 2000; qu'à cette date le prévenu Ai Ad Ag A n'a pas comparu c'est pourquoi la Cour a fait application de l'article 350 (nouveau) Code de Procédure Pénale ainsi libellé;
« le prévenu régulièrement cité a personne doit comparaître, à moins qu'il ne fournisse une excuse reconnue valable.»;
Il ressort du dossier que la citation servie au prévenu a accordé 14 jours et non 15 jours comme exigée par l'article 465 (nouveau) du Code de Procédure Pénale et c'est donc là que la régularité prescrite par l'article 350 est entachée;
Que dès lors les juges d'appel devraient appliquer les dispositions prévues par l'article 366 du code de Procédure Pénale et déclarer nulle la citation servie au prévenu;
Que n'ayant pas procédé ainsi mais plutôt en jugement par arrêt réputé contradictoirement, les juges du fond ont manifestement violé la loi en refusant de l'appliquer;
Leur décision doit donc être censurée;
La cassation étant encouru il est donc superfétatoire d'analyser les autres branches du moyens.
PAR CES MOTIFS:
En la forme: reçoit le pourvoi;
Au fond: casse et annule l'arrêt déféré;
Renvoie la cause et les parties devant la Cour d'Appel de Bamako autrement composée;
Met les dépens à la charge du Trésor Public.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement les jour, mois et an que dessus.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER./.