COUR SUPREME DU MALI REPUBLIQUE DU MALI
SECTION JUDICIAIRE Un Peuple - Un But - Une Foi
2ème CHAMBRE CIVILE -----------------
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POURVOI N°184 DU 02 JUILLET 2003
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ARRET N°012 DU 24 JANVIER 2005
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NATURE: Annulation de procuration.
LA COUR SUPREME DU MALI
A, en son audience publique ordinaire du lundi vingt quatre janvier de l'an deux mil cinq, à laquelle siégeaient:
Monsieur Diadié Issa MAIGA, Président de la 2ème Chambre Civile, Président;
Madame BOUNDY Henriette DIABATE, Conseiller à la Cour, membre;
Monsieur Fakary DEMBELE, Conseiller à la Cour, Membre;
En présence de Monsieur Moussa Balla KEÏTA, Avocat Général près ladite Cour occupant le banc du Ministère Public;
Avec l'assistance de Maître SAMAKE Fatoumata Z. KEÏTA, Greffier;
Rendu l'arrêt dont la teneur suit:
SUR LE POURVOI de Maître Soyata Maïga, Avocat à la Cour, agissant au nom et pour le compte de Ab B, Aa C, d'une part ;
CONTRE: Ac C, ayant pour conseil Maître Ousmane Mama TRAORE, Avocat à la Cour, défendeur, d'autre part;
Sur le rapport du Conseiller Fakary DEMBELE et les conclusions écrite et orale de l'avocat Général Moussa Balla KEÏTA ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi:
EN LA FORME:
Par acte n°184 du greffe de la Cour d'Appel de Bamako en date du 02 juillet 2003, A Soyata MAÏGA, Avocat à la Cour, agissant au nom et pour le compte de Ab B et Aa C, a déclaré se pourvoir en cassation contre l'arrêt n°305 du 02 juillet 2003 rendu par la Chambre Civile de ladite Cour dans l'instance en annulation de procuration opposant ses clients à Ac C;
Suivant certificat de dépôt n°138 du 09 juillet 2004, l'amende de consignation a été acquittée;
Par l'organe de leur conseil, les demandeurs ont produit mémoire ampliatif qui notifié au défendeur a fait l'objet de réplique;
Pour avoir satisfait aux exigences de la loi, le pourvoi est recevable en la forme;
AU FOND:
EXPOSE DU MOYEN:
Les mémorants sous la plume de leur conseil Maître Soyata MAÏGA exposent un moyen unique de cassation tiré de la violation de la loi en ce que le Tribunal de la Commune II a été saisi par Ac C d'une procédure en annulation d'un acte notarié au motif qu'il a été établi sur la base d'une pièce d'identité périmée lui appartenant; qu'il a en outre ajouté que sa signature a été imitée; qu'en infirmant le jugement ayant débouté Ac C de son action, la Cour d'Appel a violé les dispositions de l'article 271 de la loi fixant le Régime Général des Obligations qui dispose que « l'acte authentique fait pleinement foi à l'égard de tous et jusqu'à inscription de faux de ce que l'officier public a fait ou constate personnellement conformément à ses fonctions»; que dans le cas d'espèce, les énonciations portées à la carte d'identité après investigation auprès du commissariat de Police qui l'a délivrée se sont avérées conformes à celles figurant sur l'acte de naissance de l'intéressé; qu'il est contant que du contenu de l'acte notarié établi sur la base des différentes pièces dont la carte d'identité querellée, aucun autre élément n' a fait l'objet de contestation de la part des autres contractants; que dès lors l'acte notarié doit faire pleinement foi à l'égard de tous; que la contestation élevée par Ac C ne peut entamer la foi de l'acte soumis à l'authenticité de l'officier ministériel qu'en ce qu'il déclare que sa signature a été imitée; que la vérification du bien fondé de cette déclaration n'est pas rapportée; qu'elle ne saurait être du ressort des juges du fond, mais sur ce point, la loi impose que soit initiée une procédure préalable en inscription de faux contre l'acte authentique; qu'il s'agit là d'une condition impérative édictée par l'article 271 dont la non observation doit être soumise à la censure de la haute cour; que pour écarter l'application de la règle de droit, les juges du fond s'en sont tenus à la non validité de la carte d'identité qui, selon eux, ne peut produire d'effet; que la Cour doit contrôler à la fois l'application et l'interprétation de la loi sous certaines conditions; qu'elle doit Veiller à ce que ses normes soient effectivement appliquées et leur caractère obligatoire respecte; que sur ces points, elle ne peut s'en remettre à l'appréciation souveraine des juges d'appel; que dans ces conditions, la cassation est largement justifiée.
ANALYSE DU MOYEN:
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt entrepris a violation de la loi notamment de l'article 271 de la loi fixant le Régime Général des Obligations;
Attendu qu'il y a violation de la loi lorsqu'il appert à partir de faits matériellement établis, correctement qualifiés, les juges du fond ont fait une mauvaise appréciation de la loi au prix d'une erreur le plus souvent grossière, soit qu'ils aient ajouté à la loi une condition qu'elle ne pose pas, soit qu'ils aient refusé d'en faire application à une situation qui manifestement rentrait dans son champ d'application ;
Attendu que l'acte notarié est un acte authentique que l'article 270 de la loi n°87-31/ANRM du 29 août 1987 fixant le Régime Général des Obligations définit comme « celui qui a été reçu par un officier public ayant le droit d'instrumenter dans les formes requises par la loi.
L'acte qui ne remplit pas ces conditions vaut comme acte sous seing privé s'il a été signé par les parties»;
L'article 271 de la même loi dont la violation est arguée dispose que « l'acte authentique fait pleinement foi de la convention qu'il renferme entre les parties contractantes et leurs héritiers ou ayants cause. Il fait pleine foi à l'égard de tous et jusqu'à inscription de faux de ce que l'officier a fait ou constate personnellement conformément à ses fonctions. Pour le surplus l'acte fait foi seulement jusqu'à preuve contraire»;
Attendu que pour annuler la procuration objet de l'acte notarié du 30 avril 1999 établi par Maître Tidiani DEME, l'arrêt entrepris motive « considérant que dans le cas d'espèce, l'utilisation de la carte d'identité périmée de l'appelant pour soutenir l'acte authentique est reconnue par les deux parties est le fondement du litige; que la carte d'identité est une pièce administrative comme l'indique son ^nom;que sa validité est un critère essentiel; que faute de sa validité déterminée à 3 ans, elle n' a aucun effet et ne peut en conséquence en produire; que pour ces raisons, il ne peut être le soutien d'un quelconque acte, fut-il, un acte notarié»;
Attendu qu'il résulte abondamment des pièces du dossier que la procuration annulée par les juges d'appel est un acte authentique passé devant un officier public; qu'aux termes de l'article 271 de la loi n°87-31/ANRM du 29 août 1987 fixant le Régie Général des Obligations, un tel acte fait pleine foi à l'égard de tous et jusqu'à inscription de faux de ce que l'officier public a fait ou constaté personnellement conformément à ses fonctions;
Attendu que par ailleurs les articles 47 et 48 de la loi n°96-023/ANRM du 21 février 1996 portant statut des notaires en République du Mali confortent ce caractère probant des actes notariés en disposant que:
Article 47 « tout acte notarié fait foi en justice et est exécutoire sur toute l'étendue de la République»;
Article 48 « Néanmoins en cas de plainte en faux principal l'exécution de l'acte argué de faux sera suspendue par une ordonnance du juge d'Instruction saisie de l'affaire; les Tribunaux saisis peuvent suivant la gravité des circonstances, suspendre provisoirement l'exécution de l'acte argué de faux»;
Qu'en annulant un tel acte sans s'assurer qu'une procédure en faux principal contre ledit acte a été épuisée avec succès, les juges d'appel ont manifestement violé les prescriptions de l'article 271 de la loi n°87-31/ANRM du 29 août 1987 fixant le Régime Général des Obligations; qu'il s'ensuit que de tout ce qui précède le moyen est pertinent et doit être accueilli;
Attendu qu'en application de l'article 651 du Code de Procédure Civile, Commerciale et *Sociale, la Cour Suprême peut casser sans renvoi lorsque la cassation n'implique pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, le jugement d'instance procédant d'une bonne et saisie application de la loi;
PAR CES MOTIFS:
En la forme: reçoit le pourvoi;
Au fond: casse et annule l'arrêt déféré ;
Dit qu'il n'y a pas lieu à renvoi;
Ordonne la restitution de l'amende de consignation;
Met les dépens à la charge du Trésor Public.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement les jour, mois et an que dessus.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER./.