COUR SUPREME DU MALI REPUBLIQUE DU MALI
SECTION JUDICIAIRE Un Peuple - Un But - Une Foi
2ème CHAMBRE CIVILE -----------------
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POURVOI N°48 DU 17 SEPTEMBRE 2003
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ARRET N°014 DU 24 JANVIER 2005
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NATURE: Rétractation d'ordonnance.
LA COUR SUPREME DU MALI
A, en son audience publique ordinaire du lundi vingt quatre janvier de l'an deux mil cinq, à laquelle siégeaient:
Monsieur Diadié Issa MAIGA, Président de la 2ème Chambre Civile, Président;
Madame BOUNDY Henriette DIABATE, Conseiller à la Cour, membre;
Monsieur Fakary DEMBELE, Conseiller à la Cour, Membre;
En présence de Monsieur Moussa Balla KEÏTA, Avocat Général près ladite Cour occupant le banc du Ministère Public;
Avec l'assistance de Maître SAMAKE Fatoumata Z. KEÏTA, Greffier;
Rendu l'arrêt dont la teneur suit:
SUR LE POURVOI de Maître Alhousseyni Mohamed MAÏGA, Avocat à la Cour, agissant au nom et pour le compte de Aa B, d'une part ;
CONTRE: Héritiers de feu Ab A, ayant pour conseil Maître Hamadoun DICKO, Avocat à la Cour, défendeurs, d'autre part;
Sur le rapport du Président Diaidé Issa MAÏGA et les conclusions écrite et orale des avocats Généraux Mahamadou BOUARE et Moussa Balla KEÏTA ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi:
EN LA FORME:
Par acte n°48 fait au greffe le 17 septembre 2003 Maître Alhousseyni Mohamed MAÏGA, Avocat à la Cour, agissant au nom et pour le compte de Aa B, a déclaré se pourvoir en cassation contre l'arrêt n°71 du 17 décembre 2003 rendu par la Chambre Civile de la cour d'Appel de Mopti dans une instance en rétractation d'ordonnance opposant son client aux héritiers de feu Ab A.
Suivant certificat de dépôt n°28 du 11 février 2004, le demandeur a acquitté» l'amende de consignation et a par l'organe de son conseil produit mémoire ampliatif qui notifié au défendeur a fait l'objet de réplique.
Pour avoir satisfait aux exigences de la loi, le pourvoi est recevable.
AU FOND:
I- Présentation des moyens:
1- Moyen tiré de la violation de la loi 87-31/AN-RM du 29 août 1987 par refus d'application de l'article 56 réglementant la cause dans les contrats entraînant un défaut de réponse aux conclusions soulevées de ce chef, en ce que l'article 56 stipule que « le contrat est nul pour cause immorale ou illicite lorsque le motif déterminant la volonté des parties est contraire à l'ordre public ou aux bonnes mours;
Le caractère déterminant du motif est établi lorsqu'il résulte des circonstance de formation du contrat que les parties ne pouvaient en ignorer la cause»; or l'attestation du 26 janvier 1973 renferme des clauses illicites ou immorales se traduisant par les stipulations du genre « passé ce délai de 40 jours; les trois maisons de Monsieur Aa B reviennent à Monsieur Ab A»; que priver le véritable propriétaire de ses trois maisons pour non respect de ses engagements et attribuer ainsi automatiquement les maisons à son créancier est contraire à l'ordre public et aux bonnes mours de notre pays; qu'en refusant ou en s'abstenant de répondre aux concluions sur le caractère illicite et immorale de l'attestation, les juges d'appel ont violé l'article visé d'où il suit que leur décision encourt la cassation;
2- Moyen tiré de la violation et dénaturation de l'article 2078 du Code Civil Réglementant la gage en ce que aux termes de ce texte « le créancier ne peut à défaut de paiement disposer du gage sauf à lui à faire ordonner en justice que ce gage lui demeurera en paiement et jusqu'à due concurrence d'après une estimation faite par expert ou qu'il sera vendu aux enchères.
Toute clause qui autoriserait le créancier à s'approprier le gage ou à en disposer sans les formalités ci dessus est nulle» or la Cour d'Appel a soutenu que « c'est la clause qui est nulle et non la convention» et aurait dû dès lors procéder à l'annulation de l'attribution des trois maisons sur la base de cette clause contraire à l'article 2078 du Code Civil; d'où la violation dudit texte faisant encourir la cassation.
3- Moyen tiré de l'insuffisance de motifs tirée du procès verbal de conciliation du 29 novembre 1974, en ce que les juges d'appel ne peuvent asseoir leur décision sur la base d'un prétendu protocole de conciliation non signé des parties; non homologué par le Tribunal pour acquérir force exécutoire et qui ne peut en aucun cas faire disparaître le caractère illicite et immoral de la convention.
4- Moyen tiré du défaut et contradiction de motifs, manque de base légale quant à la qualification des deux ordonnances attribuant la propriété des concessions de feu Ab A, en ce que les deux ordonnances gracieuses ont tranché une question de droit portant sur la propriété relative aux concessions en indiquant clairement que les trois maisons du mémorant appartiennent désormais à Ab A par les expressions « nouvel acquéreur» et « par ces motifs»; que pour avoir tranché une question de droit relative à la propriété, relevant de la compétence des juges du fond, les ordonnances gracieuses en courent la rétractation; que mieux la Cour d'Appel s'est fourvoyée dans des contradictions en indiquant que le Président du Tribunal de Gao dans ses ordonnances, ne formulait que de simples requêtes à l'Administration alors qu'il s'agit de véritables injonctions faites à l'autorité Administrative de procéder à la mutation des permis relatifs aux concessions et portent atteinte à la séparation des pouvoirs;
Que pour avoir ignoré que le Président du Tribunal a commis un excès de pouvoir, l'arrêt encourt la cassation.
ANALYSE DES MOYENS:
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt déféré d'avoir procédé par violation de la loi, insuffisance de motifs et contradiction de motifs;
Attendu que les moyens interfèrent et peuvent être analysés ensemble; qu'en effet ils sont tous relatifs à l'illicéite de la cause et au fait que dans ses ordonnances, le Président du tribunal n'a pas observé les formalités prévues par l'article 2078 du Code civil;
Attendu, par rapport à ces moyens, il est manifeste qu'en se referant aux termes du contrat qu'il s'agit de gage;
Qu'à cet égard l'article visé au moyen interdit à tout créancier de disposer du gage à défaut de paiement sauf à lui faire ordonner en justice que ce gage lui demeurera en paiement et jusqu'à concurrence d'après une estimation faite par expert ou qu'il sera vendu aux enchères;
Qu'aux termes du même texte « toute clause qui autorisait le créancier à s'approprier le gage ou à en disposer sans les formalités ci dessus est nulle»; qu'il s'ensuit que la cour d'Appel en infirmant le jugement d'instance bien que reconnaissant la nullité de la clause a manifestement violé l'article visé au moyen par fausse application;qu'il échet par conséquent d'accueillir le moyen;
Et, attendu qu'en application de l'article 651 du Code de Procédure civile, Commerciale et Sociale, la Cour Suprême peut, mettre fin au litige en cassant sans renvoi lorsque les faits tels qu'ils ont été souverainement constatés et appréciés par les juges du fond, lui permettent d'appliquer la règle de droit appropriée;
Que dans le cas de figure, il appert que le juge d'instance a fait une bonne appréciation des faits et une saine application de la loi; qu'il échet donc de faire application de l'article sus-visé.
PAR CES MOTIFS:
En la forme: reçoit le pourvoi;
Au fond: casse et annule l'arrêt déféré;
Dit qu'il n'y a pas lieu à renvoi;
Ordonne la restitution de l'amende de consignation;
Met les dépens à la charge du Trésor Public.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement les jour, mois et an que dessus.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER./.