COUR SUPREME DU MALI REPUBLIQUE DU MALI
SECTION JUDICIAIREUn Peuple - Un But - Une Foi
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Chambres Réunies
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ARRET N°19 DU 31 JANVIER 2005.
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NATURE: Rabat d'arrêt.
LA COUR SUPREME DU MALI:
A, en son audience publique ordinaire du lundi trente un janvier de l'an deux mil cinq, à laquelle siégeaient:
Mme BOUNDY Henriette DIABATE, Présidente de la Chambre Criminelle, Président;
M. Fakary DEMBELE, Conseiller à la Cour, Membre;
M. Sidi SINENTA, conseiller à la Cour, Membre;
M. Oumar SENOU, Conseiller à la Cour, Membre;
M. Etienne KENE, Conseiller à la Cour, Membre;
M.Baïla BAH, Conseiller à la Cour, Membre;
Mme DIARRA Afoussatou THIERO, Conseiller à la Cour, Membre ;
M.Elie KEÏTA, Conseiller à la Cour, Membre;
M. David SAGARA, Conseiller à la Cour, Membre;
En présence de l'Avocat Général Ab Ai Y occupant le banc du Ministère Public ;
Avec l'assistance de Maître SAMAKE Fatoumata Z. KEÏTA, Greffier;
Rendu l'arrêt dont la teneur suit:
Sur la requête de Maître Aliou DIARRA, avocat à la Cour agissant au nom et pour le compte de Ah Af Aj Ap, d'une part ;
Contre Aj Ap B représenté par les héritiers de feu Ac B ayant pour conseil Maîtres Ag Z C et Ae B, tous Avocats à la Cour, défendeurs, d'autre part;
Sur le rapport du conseiller Fakary DEMBELE et les conclusions écrite et orale des Avocats Généraux Ab Ai Y et Aa AG ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi.
EN LA FORME:
Par acte n°130 du 20 avril 2000, Maître Aliou DIARRA Avocat à la Cour, agissant au nom et pour le compte de Ah Af Aj Ap a déclaré se pourvoir en cassation contre l'arrêt n°198 du 19 avril 2000 de la Chambre Civile de la Cour d'appel de Bamako dans une instance en annulation de donation contre Aj Ap B;
Le mémorant a consigné et produit dans les forme et délai requis un mémoire ampliatif lequel, notifié au défendeur, a fait l'objet de réplique par l'organe du Cabinet DIOP - DIALLO;
Pour avoir satisfait aux exigences de la loi, le pourvoi est recevable en l forme;
AU FOND:
FAITS ET PROCEDURE:
Suivant requête non datée, Maître Badian HAGGE, Avocat à la Cour, agissant au nom et pour le compte des héritiers de feu Ac B sollicitait du tribunal Civil de la Section IV détachée du Tribunal de Première Instance de Bamako l'annulation de la donation faite par leur auteur et époux au profit du sieur Ah Af Aj Ap. Par jugement n°274 du 28 juillet 1995, la juridiction saisie: « dit n'y avoir lieu à prononcer l'annulation sollicitée, déboute en outre les demandeurs de toutes autres demandes». Sur appel du sieur Aj Ap B, la Cour d'Appel de Bamako, par arrêt n°102 en date du 13 mars 1996, a confirmé le jugement entrepris;
Sur pourvoi de Maître Badian HAGGE avocat à la Cour agissant au nom et pour le compte de Aj Ap B, la 2ème Chambre Civile de la Section Judiciaire de la Cour Suprême a, par arrêt n°316 en date du 08 septembre 1998, cassé et annulé l'arrêt déféré, renvoyé la cause et les parties devant la Cour d'Appel de Bamako autrement composée;
La Cour d'Appel de Bamako, par arrêt n°189 du 29 avril 2000, a prononcé l'annulation de la donation intervenue entre Ac B et Ah Af Aj Ap portant sur la concession objet du permis d'occuper n°040-E5-03, constaté cependant la mutation du titre de propriété au nom de l'intimé et déclaré par conséquent irrecevable en l'état toutes les autres demandes présentées par les héritiers de feu Ac B;
C'est cette dernière décision qui est déférée à la censure de la Cour Suprême par acte n°130 du 20 avril 2000 de Maître Aliou DIARRA avocat à l Cour, agissant au nom et pour le compte de Ah Af Aj Ap;p;
AH Moyens de cassation:
L'affaire revenant pour la deuxième fois devant la Cour Suprême, il convient d'observer que le premier pourvoi formé contre l'arrêt n°102 du 13 mars 1996 de la Cour d'appel de Bamako soulève comme moyen unique de cassation tiré de la violation de l'article 913 du Code civil en ce que la Cour d'Appel de Bamako dans cet arrêt a motivé sa décision en se basant sur l'article 905 du même Code en prenant soin d'occulter l'article 913 dudit code qui se trouve d'ailleurs être le cheval de bataille du mémorant;
Sous la plume de son conseil Maître Mahamadou SIDIBE, Avocat à la Cour, le demandeur au pourvoi soulève l'unique moyen de cassation tiré de la violation de la loi en 2 branches:
- Première branche: violation de l'article 913 du Code civil:
En ce que l'arrêt querellé a annulé la donation intervenue entre Ac B et Ah Af Aj Ap au motif que celle - ci n'a pas respecté les dispositions de l'article 913 du Code Civil alors que cette disposition a été faite et le permis d'occuper transféré au nom du donataire après accomplissement de toutes les formalités légales; que la Cour d'Appel de Bamako a, dans son arrêt n°189 du 19 avril 2000, estimé que Ac B de son vivant n'avait d'autre bien que la concession qui fait l'objet du litige et cela en se basant sur les arguments présentés par Aj Ap B sous la plume de son conseil; que cet argumentaire est très loin de la vérité car Ac B possède, outre la concession litigieuse, une autre maison à Dakar ( République du Sénégal ) qui peut être estimée à soixante millions ( 60.000.000 ) de francs Cfa; que pour parvenir à une connaissance réelle des biens de Ac B, la Cour d'Appel de Bamako se devait d'accéder nécessairement à la demande d'inventaire successoral de celui - ci pour faire application de l'article 913 du Code Civil; que ne l'ayant pas fait, la Cour a manifestement violé l'article 913 du Code Civil au lieu de l'appliquer comme elle pense.
- Deuxième branche: violation des articles 165 et 166 du Décret n °99-254/P RM du 15 septembre 1999 portant nouveau Code de Procédure Civile, Commerciale et Sociale:
En ce que la Cour d'Appel de Bamako a annulé la donation intervenue entre le mémorant et Ac B en se basant sur le fait que ce dernier a fait, la donation du seul bien qu'il avait et qui est constitué par une concession objet du P/O n°040 S5 - 03 sise à Lafiabougou - Bamako; que cela est très loin de la vérité car Ac B avait d'autres biens notamment une villa à Dakar acquise avant celle de Lafiabougou; que le mémorant avait vainement demandé à la Cour d'Appel de Bamako sous la plume de Maître Harouna TOUREH un inventaire successoral pour savoir si oui ou non le donateur n'avait que ce seul bien; que pour recevoir l'argument selon lequel Ac B n'avait que ce seul bien, il aurait fallu à la Cour clarifier au préalable la situation en ordonnant un inventaire successoral comme l'avait demandé le mémorant; que cette attitude de la Cour constitue une violation des articles 165 et 166 au niveau Code de procédure Civile, Commerciale et Sociale qui disposent: article 165 « les faits dont dépend la solution du litige peuvent, à la demande des parties ou d'office, être l'objet de toute mesure d'instruction légalement admise»; article 166 « les mesures d'instruction peuvent être ordonnées en tout état de cause dès lors que les juges ne disposent pas d'éléments suffisants pour statuer»; que ne l'ayant pas fait, les juges du fond ont manifestement violé les articles conçus supra et que l'arrêt déféré mérite la censure de la Cour Suprême.
ANALYSE DES MOYENS:
Attendu qu'en raison de leur interférence les deux branches peuvent être examinées ensemble et s'analyser donc en violation de la loi;
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt déféré d'avoir violé les articles 913 du Code Civil, 165 et 166 du Code de Procédure Civile, commerciale et Sociale qui disposent que:
- Article 913 du Code Civil: « les libéralités, soit par actes entre vifs, soit par testament, ne pourront excéder la moitié des biens du déposant, s'il ne laisse à son décès qu'un enfant; le tiers, s'il laisse deux enfants; le quart s'il en laisse trois ou un plus grand nombre; Sans qu'il y ait lieu de distinguer entre les enfants légitimes et les enfants naturels, hormis le cas de l'article915»:
- Article 165 du Code de Procédure Civile, Commerciale et Sociale: « les faits dont dépend la solution du litige peuvent, à la demande des parties ou d'office, être l'objet de toute mesure d'instruction légalement admise»;
- Article 166 du Code de Procédure Civile, Commerciale et Sociale: « les mesures d'instruction peuvent être ordonnées en tout état de cause dès lors que les juges ne disposent pas d'éléments suffisants pour statuer»;
Attendu qu'il y a violation de la loi lorsqu'il appert à partir de faits matériellement établis, correctement qualifiés; que les juges du fond ont fait une mauvaise application de la loi au prix d'une erreur le plus souvent grossière soit qu'ils aient ajouté à la loi une condition qu'elle ne pose pas, soit qu'ils aient refusé d'en faire application à une situation qui manifestement rentrait dans son champ d'application ( cf. la technique de cassation de Am An Ak Aq et Ad Aq P. 138 et 147 );
Attendu que le problème de droit posé tant devant le juge d'instance que devant les juges d'appel était la validité de la donation faite pas Ac B à Ah Af Aj Ap et portant sur la concession objet du permis d'occuper identifié sous le n°040 - E5 - 03 sis à Al Ao;
Que la Cour Suprême dans son arrêt n°316 du 07 septembre 1998 avait cassé et annulé l'arrêt n°102 du 13 mars 1996 de la Cour d'Appel de Bamako pour refus d'appliquer les dispositions de l'article 913 du Code Civil; que sur renvoi, la Cour d'Appel de Bamako a, par arrêt n°189 du 19 avril 200 admis qu'il est de principe que les juridictions inférieures doivent observer les avis de la Cour Suprême sur les points de droit par elle déjà tranchés et prononcé l'annulation de la donation intervenue entre Ac B et Ah Af Aj Ap au motif qu'il résulte des pièces du dossier que le disposant ne possédait que la seule concession litigieuse et qu'il a laissé à son décès une veuve et plus de trois enfants;
Attendu par ailleurs qu'aucune mesure d'instruction relative à un inventaire successoral n' a été soumise à l'appréciation des juges du fond le mémorant dans ses conclusions en cause d'appel s'étant borné, après d'amples développements sur la quantité disponible et la réserve à demander l'inapplicabilité de l'article 913 du Code Civil au cas d'espèce et la confirmation du jugement d'instance au motif que l'étendue de la masse successorale du de cujus est ignorée; qu'au demeurant, aucun élément n'a été apporté au dossier pour convaincre les juges du fond de l'existence d'autres bien propres au disposant; que par ailleurs il est de jurisprudence constante que les juges du fond déterminent librement les éléments de fait qui leur sont nécessaires pour fonder leur conviction et apprécient souverainement l'utilité des mesures d'instruction sollicitées par les parties ( civ. 10 - 1 - 1927; 9 - 1 - 69 )que le fait de ne donner aucune suite à une telle demande ne saurait constituer un moyen de cassation; qu'il s'ensuit que le moyen est pas opérant et qu'il échet rejeter le pourvoi.
PAR CES MOTIFS:
En la forme: Reçoit le pourvoi;
Au fond: le rejette comme étant mal fondé;
Ordonne la confiscation de l'amende de consignation;
Met les dépens à la charge du demandeur.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement les jour, mois et an que dessus.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER./.