COUR SUPREME DU MALI REPUBLIQUE DU MALI
SECTION JUDICIAIRE Un Peuple - Un But - Une Foi
2ème CHAMBRE CIVILE -----------------
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POURVOI S/N°DU 05 NOVEMBRE 2003
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ARRET N°94 DU 25 AVRIL 2005
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NATURE: Réclamation de terre.
LA COUR SUPREME DU MALI
A, en son audience publique ordinaire du lundi vingt cinq avril de l'an deux mil cinq, à laquelle siégeaient:
Monsieur Diadié Issa MAIGA, Président de la 2ème Chambre Civile, Président;
Monsieur Fakary DEMBELE, Conseiller à la Cour, membre;
Madame BOUNDY Henriette DIABATE, Conseiller à la Cour, Membre;
En présence de Monsieur Mahamadou BOIRE, Avocat Général près ladite Cour occupant le banc du Ministère Public;
Messieurs Mody TRAORE et Ibrahima WADE, Assesseurs, complétant la cour;
Avec l'assistance de Maître SAMAKE Fatoumata Z. KEÏTA, Greffier;
Rendu l'arrêt dont la teneur suit:
SUR LE POURVOI de Maître Mah Mamadou KONE, Avocat à la Cour agissant au nom et pour le compte de Ae Ac B, d'une part ;
CONTRE: Ab B ayant pour conseil Maître Youssouf DIAMOUTENE, Avocat à la Cour, défendeur, d'autre part;
Sur le rapport du Conseiller Fakary DEMBELE et les conclusions écrite et orale de l'avocat Général Mahamadou BOIRE ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi:
EN LA FORME:
Par lettre sans numéro en date du 05 novembre 2003 reçue au greffe de la cour d'Appel de Bamako par acte n°370 du 31 mars 2004, Maître Mah Mamadou KONE, Avocat à la Cour, agissant au nom et pour le compte de Ae Ac B et autres, a déclaré se pourvoir en cassation contre l'arrêt n°534 du 05 novembre 2003 rendu par la Chambre Civile de la dite Cour dans l'instance en réclamation de terre opposant ses clients à Ab B;
Par certificat de dépôt n°227 du 25 octobre 2004 les demandeurs ont acquitté l'amende de consignation et produit par l'organe de leur conseil mémoire ampliatif auquel il a été répliqué;
Pour avoir satisfait aux exigences de la loi, le pourvoi est recevable en la forme;
AU FOND:
Exposé des moyens:
Sous la plume de leur conseil les mémorants soulèvent un moyen unique de cassation tiré de la violation de la loi notamment de l'article 245 du code de Procédure Civile, Commerciale et Sociale qui dispose que « le juge peut commettre toute personne de son choix pour l'éclairer par des constations, par une consultation ou par une expertise sur une question de fait qui requiert les lumières d'un technicien»; qu'or en l'espèce il s'agissait bien d'une question technique pour le juge, ce qui l'obligeait à recourir au service d'un technicien pour se faire éclairer; qu'en procédant comme il l'a fait le juge a violé l'article susvisé et son rapport caduc ne peut servir de motivation à la solution du présent litige; qu'en ce qui concerne l'argument tiré de la gestion des terres par le chef de village de Ag, il y a là encore violation de la loi; qu'en effet les juges du fond ont confondu la gestion avec le droit de propriété coutumière car en l'espèce le litige porte sur la propriété coutumière et non sur la gestion; qu'en décidant ainsi les juges du fond ont violé là le droit de la propriété coutumière notamment l'article 43 du code Domanial et foncier; qu'en outre la question de limites administratives entre entités voisines ne relève pas de la compétence du juge civil et les juges du fond ne pouvaient, sans violer la loi décider que les limites administratives confèrent le droit de propriété; que nul texte ne précise que les citoyens maliens ne peuvent détenir ni exploiter des terres situées en dehors de leurs limites administratives; que la parcelle dite Colossikè sur laquelle la famille du défendeur a installé les étrangers ( les A et les TANGARA) dans ce procès n'a jamais fait l'objet de contestation entre les deux familles DEMBELE des deux villages en cause et le mémorant ne conteste pas les droit du défendeur sur cet espace; que par contre les champs du mémorant sont voisins à cette parcelle et séparés par un nuisseau dont le site se nommeNimana Af qui est bien distinct de colossikè; que pourtant par ignorance, le juge de Bla a dressé lui-même un croquis sur lequel n'apparaissent pas les terres du mémorant; que manifestement le recours à un technicien s'avérait impératif pour la manifestation de la vérité et même pour une bonne administration de la justice; qu'il résulte de tout ce qui précède que les juges du fond ont fait une mauvaise application de la loi par suite d'une appréciation erronée des éléments du dossier; que par conséquent l'arrêt déféré encourt la cassation et l'annulation;
ANALYSE DU MOYEN:
Attendu que l'arrêt entrepris est un arrêt confirmatif et qu'il est reproché aux juges du fond et principalement au juge d'instance la violation des articles 245 du Code de Procédure Civile, Commerciale et Sociale et 43 du Code Domanial et foncier notamment en ne recourant pas à l'expertise technique et en confondant la gestion des terres et la propriété coutumière;
Attendu que les textes de loi dont les mémorant arguent la violation disposent que:
Article 245 du Code de Procédure Civile, Commerciale et Sociale:
« le juge peut commettre toute personne de son choix pour l'éclairer par des constations, par une consultation ou par une expertise sur une question de fait qui requiert les lumières d'un technicien»;
Article 43 du code Domanial et Foncier: « les droits coutumiers exercés collectivement sur les terres non immatriculées sont confirmés. Nul individu, nulle collectivité ne peut être contrainte de céder ses droits sice n'est pour cause d'utilité publique et moyennant une juste et préalable indemnisation. Nul ne peut en faire un usage prohibé par les lois ou par les règlements»;
Attendu qu'il y a violation de la loi lorsqu'il appert à partir de faits matériellement établis, correctement qualifiés que les juges du fond ont fait une mauvaise application de la loi au prix d'une erreur le plus souvent grossière soit qu'ils aient ajouté à la loi une condition qu'elle ne pose pas, soit qu'ils aient refusé d'en faire application à une situation qui manifestement rentrait dans son champ d'application ;
Attendu que c'est un principe constant que les juges du fond déterminent librement les éléments de faits qui leur sont nécessaires pour former leur conviction et apprécient souverainement l'utilité des mesures d'instruction sollicitées par les parties ; qu'ils peuvent donc refuser cette mesure quand ils estiment posséder des éléments d'appréciation suffisants;
Attendu que dans le cas d'espèce et contrairement aux assertions des mémorants, le juge de Bla, par jugement avant dire droit en date du 1er novembre 2001, a commis le chef secteur CMDT de Yangasso aux fins d'identification des terres de culture réclamées; qu'en outre il a effectué un transport sur les lieux au cours duquel il a recueilli plusieurs témoignages notamment ceux des chefs coutumiers des villages alentours; qu'en procédant comme ils l'ont fait les juges du fond n'ont nullement violé les dispositions de l'article 245 du Code de Procédure Civile, Commerciale et Sociale;
Attendu par ailleurs et contrairement aux allégations contenues dans le moyen visé au pourvoi que la motivation du jugement d'instance confirmé par l'arrêt déféré n'est pas fondé uniquement sur des critères de limites administratives; qu'en effet pour rejeter l'exception d'incompétence ratione loci, le Tribunal civil de Bla a affirmé que dans le cas d'espèce, «il est constant que les champs litigieux relèvent de Ag dans la Commune rurale de Yangasso Cercle de Bla bien que les défendeurs soient ressortissants de Ad dans le cercle de San.», avant de déclarer les terres litigieuses d'une superficie de 75, 70 hectares propriété coutumière de Aa B représentant le chef coutumier de Ag et cela au regard du faisceau de Témoignages concordants; que nulle part dans le jugement incriminé il n'est fait une confusion entre la gestion et la propriété coutumière et il n'est dit nulle part que les limites administratives confèrent la propriété coutumière;
Attendu que de ce qui précède il appert que les juges du fond n'ont aucunement violé les dispositions de l'article 43 du Code Domanial et Foncier et que le pourvoi doit être rejeté comme mal fondé;
PAR CES MOTIFS:
En la forme: Reçoit le pourvoi;
Au fond: le rejette comme mal fondé;
Ordonne la confiscation de l'amende de consignation;
Met les dépens à la charge des demandeurs.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement les jour, mois et an que dessus.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER./.