COUR SUPREME DU MALI REPUBLIQUE DU MALI
SECTION JUDICIAIRE Un Peuple - Un But - Une Foi
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Chambre Sociale
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POURVOI N°07 DU 31 JANVIER 2003
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ARRET N°17 DU 11 JUILLET 2005
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NATURE: Réclamation de droits et dommages - intérêts.
LA COUR SUPREME DU MALI
A, en son audience publique ordinaire du lundi onze juillet de l'an deux mille cinq, à laquelle siégeaient :
Madame Niamoye TOURE, Présidente de la Chambre Sociale, Président;
Monsieur Etienne KENE, Conseiller à la Cour, Membre;
Monsieur Elie KEÏTA, Conseiller à la Cour, Membre;
En présence de Monsieur Moussa Balla KEÏTA, avocat général près ladite Cour, occupant le banc du Ministère Public;
Avec l'assistance de Maître SAMAKE Fatoumata Z. KEÏTA, Greffier;
Rendu l'arrêt dont la teneur suit:
SUR LE POURVOI du Cabinet d'Avocats SCP DOUMBIA - TOUNKARA agissant au nom et pour le compte de la SODEMA, d'une part;
CONTRE: Ae B ayant pour conseil Etude YOUBA, Avocats assiciés, défendeur, d'autre part;
Sur le rapport du Conseiller Etienne KENE et les conclusions écrites et orales de l'Avocat Général Moussa Balla KEÏTA .
Après en avoir délibéré conformément à la loi:
EN LA FORME:
Par acte n°7 du 31 janvier 2003 du greffe de la Cour d'Appel de Bamako, la SCP DOUMBIA - TOUNKARA, Avocats à la cour, agissant au nom et pour le compte de la SODEMA, a déclaré se pourvoir en cassation contre l'arrêt n°2 du 02 janvier 2003 rendu par la Chambre sociale de la dite cour dans une instance en réclamation de droits et dommages - intérêts opposant sa cliente à Ae B;
La procédure en matière sociale étant gratuite, le demandeur a produit un mémoire ampliatif qui a été notifié au défendeur qui y a répliqué. Le demandeur ayant ainsi satisfait aux exigences de la loi son recours est recevable en la forme;
AU FOND:
Moyen unique tiré du défaut de base légale:
En ce que la Chambre Sociale de la Cour d'Appel de Bamako pour infirmer la décision du premier juge motive:
« Considérant que A reproche à Ae B d'avoir dormi sur les lieux du travail et soutient par ailleurs que celui - ci n'était pas de service le jour des faits: considérant que c'est suite à une tentative de vol d'un inconnu au sein de la SODEMA que Ae B a été licencié;
Considérant qu'il est constant que Ae B n'était pas un gardien à SODEMA, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge»;
Que la mémorante, SODEMA, a toujours reproché à Ae B de s'être endormi au lieu de travail favorisant ainsi l'intrusion d'un voleur dans les locaux de l'usine;
Qu'au lieu d'analyser ce comportement de l'employé sur les lieux du travail, la cour a estimé que Ae B n'était pas le gardien de l'entreprise; qu'un tel raisonnement suppose qu'en dehors du gardien, tout autre travailleur peut dormir sur les lieux de travail; que le défaut de base légale se caractérise par l'insuffisance de constatation des faits nécessaires pour dire le droit; qu'indéniablement tout travailleur doit fournir des prestations en toute conscience professionnelle, avec loyauté, obéissance et respect, ce qui implique obligation de rendement et diligence; que tout manquement à ces obligations entraîne sanctions; que l'arrêt querellé se devait d'apprécier le fait de dormir au lieu de travail sous l'angle du comportement d'un travailleur quel qu'il soit et non par rapport à sa qualité de gardien; que la question fondamentale qui se pose est celle de savoir si un travailleur qui dort sur les lieux de travail commet oui ou non une faute grave susceptible d'entraîner son licenciement; que faute donc pour la Cour d'avoir suffisamment constaté les faits, elle expose sa décision à la censure de la haute juridiction; que par ailleurs l'arrêt recherché, n'ayant pas constaté et apprécié les faits dans leur contexte réel, ne pourrait faire grief à la mémorante l'inobservation de l'article L40 du Code du Travail; qu'aux termes de l'article L41 du même code, l'employeur qui licencie un travailleur pour faute lourde n'est pas tenu à l'obligation de préavis; que contrairement aux stipulations de l'arrêt, SODEMA a bel et bien observé la légalité en la matière; qu'il résulte que ce qui précède que le moyen tiré du défaut de base légale est pertinent et doit être accueilli;
Attendu que le défendeur sous la plume de son conseil a conclu au rejet de la demande.
ANALYSE DU MOYEN:
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt n°2 du 02 janvier 2003 de la Chambre Sociale de la cour d'Appel de Bamako le défaut de base légale; que selon Aa Ab Ag Af et Ac Af, le défaut de base légale est constitué par une insuffisance de motivation de la décision attaquée qui ne permet pas à la Cour de cassation de contrôler la régularité de la décision ou plus précisément de vérifier que les juges du fond ont fait une application correcte de la règle de droit. ( la technique de cassation p.147);
Mais attendu que l'arrêt infirmatif n°2 sus-visé pour reformer le jugement d'opposition n°099 du 15 avril 2002 du Tribunal de Travail de Bamako a relevé que « Ae B embauché en qualité d'ouvrier a été licencié par A pour négligence ou comportement douteux suite à l'introduction d'un voleur dans l'entreprise; que Broulaye a clamé son innocence dans les faits de vol; que A a reproché à Ae B d'avoir dormi sur les lieux du travail et soutenu par ailleurs que celui - ci n'était pas de service le jour des faits; que c'est suite à une tentative de vol d'un inconnu au sein de la SODEMA que Ae B a été licencié; qu'il est constant que Ae B n'était pas un gardien à SODEMA, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge; qu'aucune preuve n'a été faite de la complicité de Ae B dans les faits de vol; que les circonstances relatées par les parties ne permettent pas de retenir une faute de Ae B pouvant justifier son licenciement et de surcroît en violation des règles de forme prévues par l'article L40 et suivants du Code du Travail; que la SODEMA ne fait pas la preuve qu'elle avait un motif réel et sérieux pour licencier Ae B; qu'il y a lieu de retenir que le licenciement opéré est irrégulier et injustifié au fond , donc abusif»;
Attendu que de ce qui précède, les juges d'appel ont bien motivé leur décision et y ont donné une base légale en ce sens que l'employeur de Ae B, Monsieur Ad, n'a pu rapporter matériellement les motifs légitimes du licenciement de son employé qui avait été embauché à titre d'ouvrier mélangeur d'acide et non de gardien; que le sommeil ou l'éveil de ce dernier n'aurait pu forcément empêcher un voleur de s'introduire dans l'entreprise et d'y commettre un vol; que la vigilance du gardien qui est préposé à la garde des lieux a empêché l'inconnu de commettre son forfait; que d'autre part, l'information pénale ouverte contre Broulaye par le parquet du Tribunal de première instance de la Commune II du District de Bamako pour complicité de vol sur plainte de monsieur Ad le libanais a été classée sans suite, la responsabilité du travailleur n'ayant pu être établie avec suffisamment de précision;
Attendu par ailleurs que l'employeur ne semble pas pouvoir se déterminer sur la faute qu'il reproche à son employé, si c'est le fait d'avoir dormi ou le fait de s'être rendu complice d'une tentative de vol; que la négligence qu'il reproche à Broulaye n'a, en outre, entraîné aucune conséquence dommageable pour l'entreprise si cette négligence a pu être établie;
Attendu en conséquence que les juges d'appel, en estimant, compte tenu des éléments de la cause que le licenciement intervenu est irrégulier et abusif ont bien motivé leur décision en lui donnant une base légale;
PAR CES MOTIFS:
En lA forme: reçoit le pourvoi;
Au fond: le rejette comme mal fondé;
Met les dépens à la charge du Trésor Public;
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement les jour, mois et an que dessus.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER./.