COUR SUPREME DU MALI REPUBLIQUE DU MALI
SECTION JUDICIAIREUN PEUPLE - UN BUT - UNE FOI
Chambre Commerciale --------------------
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POURVOI N°308 ET 310 DU 15 SEPTEMBRE 2003
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ARRET N°18 DU 08 AOUT 2005
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NATURE :Réclamation de caution.
LA COUR SUPREME DU MALI
A, en son audience publique ordinaire du lundi huit août de l'an deux mille cinq à laquelle siégeaient :
Monsieur Boubacar DIALLO: Président de la Chambre Commerciale, Président ;
Monsieur Sambala TRAORE : Conseiller à la Cour, membre;
Madame Y Ad X : Conseiller à la Cour, membre;
En présence de monsieur Mahamadou BOIRE, Avocat Général près ladite Cour ;
Avec l'assistance de maître SAMAKE Fatoumata Zahara KEITA, greffier;
Rendu l'arrêt dont la teneur suit:
SUR LE POURVOI de Maîtres Ae Ac B et Af A tous deux Avocats, agissant au nom et pour le compte de SOMACOF et de la BMCD ( devenue BDM - SA), d'une part;
CONTRE: l'arrêt n°426 du 10 septembre 2003 de la Cour d'Appel de Bamako, défendeur, d'autre part;
Sur le rapport du Président Boubacar DIALLO et les conclusions écrites et orales du Procureur Général Aa C et de l'Avocat Général Mahamadou BOIRE ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi:
EN LA FORME:
Par actes n°308 et 310 du 15 septembre 2003 du greffe de la cour d'Appel de Bamako, Maîtres Ae Ab B et Af A, tous deux Avocats, ont déclaré respectivement au nom de SOMACOF et de la BMCD ( devenu BDM -SA) se pourvoir en cassation contre l'arrêt n°426 du 10 septembre 2003 de la Chambre Commerciale de ladite Cour, dans une instance en réclamation de caution opposant leurs clients respectifs à la BHM - SA . Cette dernière s'est également pourvue par lettre datée du 10 septembre 2003, reçue au greffe le lendemain de sa date de rédaction;
Les parties ont consigné suivant certificats de dépôt n°91 du 29 mai 2004 en ce qui concerne la BDM - SA, n°177 du 27 août 2004 pour la BHM- SA et n°177 du 29 septembre 2004 pour SOMACOF;
Les parties ont échangé les mémoires dans les forme et délai de la loi. Ceux - ci, notifiés à chacune d'elles ont fait l'objet de réponse.
Les recours sont donc recevables
AU FOND:
I- Les moyens du pourvoi:
I-1. Du mémoire produit par SOMACOF:
Du moyen tiré de la violation de la loi développé en deux branches:
Première branche prise de la violation de l'article 25 de l'Acte Uniforme OHADA portant organisation des sûretés:
En ce que l'arrêt attaqué a condamné la BMCD ( garante de SOMACOF) à payer à la BHM - SA la somme de 113.461.916 F à titre de reliquat sur l'avance de démarrage garantie, alors que dans ce montant est incluse la somme de 70.000.000 F ayant fait l'objet d'une main levée partielle délivrée à la BMCD par la BHM - SA, montant dont la BHM - S.A. a elle - même sollicité la déduction de la somme par elle réclamée; Que le montant effectivement dû par la BMCD est donc de 43 461 916 F au lieu de 113 461 916 F CFA, comme retenu par l'arrêt;
Qu'il y a au profit de BHM-SA un enrichissement sans cause et la violation de l'article 25 de l'Acte uniforme OHADA portant organisation des sûretés qui dispose que «L'extinction partielle ou totale de l'obligation principale entraîne dans la même mesure, celle de l'engagement de la caution»; que l'arrêt s'expose donc à la censure.
Deuxième branche tirée de la violation des articles 113, 123 et 124 de la loi n°87 - 31 ANRM du 29 Août 1987 portant Régime général des Obligations (RGO)
En ce que l'arrêt attaqué, tout en reconnaissant que BHM-SA est responsable de la résiliation unilatérale et abusive du contrat, et en déclarant que la dite résiliation crée l'obligation pour la BHM-SA de dédommager la SOMACOF de toutes ses dépenses, de tous travaux et de ce qu'elle aurait pu gagner dans l'entreprise alors que la SOMACOF avait clairement demandé 144.119.991 FCFA à titre de réparation et 400 000F à titre de dommages-intérêts, n'a accordé que 95.000.000FCFA à titre de réparation du préjudice causé par la rupture abusive, sans aucun critère d'évaluation ou expertise, en omettant de se prononcer sur les dommages-intérêts dont l'octroi s'impose dans le cas d'espèce de façon irréfutable, en vertu des dispositions des articles suivants du R.G.O:
Art 113: «La responsabilité emporte obligation de réparer le préjudice résultant soit de l'inexécution d'un contrat, soit de la violation du devoir général de ne causer aucun dommage à autrui»;
Art 123: «La réparation en nature doit être ordonnée, si elle est demandée par la victime chaque fois que la remise en état est possible sans préjudice de dommages-intérêts qui pourraient être octroyés à la victime à titre de réparation complémentaire. A défaut la réparation se fera par équivalant»;
Art 124: «.. Les dommages - intérêts doivent être fixés de telle sorte qu'ils soient pour la victime la réparation du préjudice subi.»; qu'il échet par conséquent de censurer l'arrêt querellé.
I - 1-2 - Du moyen tiré du défaut de base légale et de l'insuffisance de motifs:
En ce l'arrêt attaqué a occulté les dispositions pertinentes des articles 34 et 35 de l'Acte Uniforme de l'OHADA portant organisation des sûretés, rappelés par la BMCD à travers sa correspondance du 03 janvier 2000 et a soutenu sa décision par la doctrine et la jurisprudence alors qu'il est de principe général connu que la doctrine et la jurisprudence n'interviennent que pour suppléer à une carence de texte régissant la matière dont s'agit; qu'en foulant au pied les dispositions claires et précises de ces textes, les juges d'appel privent leur décision de base légale; que l'arrêt procède d'une insuffisance de motivation et viole les dispositions de l'article 463 du Code de Procédure civile, Commerciale et Sociale;
Qu'il échet donc de le censurer;
I-2. Du mémoire produit par la BMCD relatif au moyen unique tiré de la violation des articles 33 et 34 de l'Acte Uniforme de l'OHADA sur les sûretés:
En ce que la lettre du 31 janvier 2000 ne saurait constituer une lettre d'appel de garantie car contraire à l'esprit et à la lettre des deux actes de cautionnement; qu'elle ne respecte pas le formalisme essentiel de l'appel de garantie et ne renferme pas les mentions indispensables que doit comporter une telle lettre;
Qu'il n'apparaît nulle part dans ladite lettre d'appel de garantie que l'entrepreneur a refusé ou s'est montré défaillant à exécuter ledit marché ou que l'entrepreneur ne se conforme pas aux stipulations du marché; que l'observation de ces mentions est une condition de recevabilité de la lettre d'appel; que l'arrêt attaqué se fonde sur une certaine doctrine et un arrêt du 24 novembre 1981 de la Cour d'Appel de Paris sans jamais démentir que les dispositions pertinentes de l'article 34 de l'Acte Uniforme de l'OHADA sur les sûretés n'ont pas été respectées;
Que l'arrêt querellé ne respecte pas les dispositions de l'article 33 de l'Acte Uniforme de l'OHADA sur les sûretés qui précise que le garant ou le contre garant ne sont obligés qu'à concurrence de la somme stipulée dans la lettre de garantie sous déduction des paiements antérieurs faits par le garant ou le donneur d'ordre, non contesté par le bénéficiaire.
Qu'il en résulte que tous les moyens de preuve de paiement peuvent être retenus sous réserve qu'ils ne soient pas contestés par le bénéficiaire; qu'en l'espèce la BHM - SA ne pouvait pas contester ces paiements puisqu'elle a elle même délivré une main - levée partielle et consigné différents décomptes correspondant à des remboursements; qu'en faisant sien le raisonnement du premier juge, l'arrêt n'a fait ni une bonne appréciation des faits, ni même juste application de la loi et s'expose à la censure.
I- 3. Du mémoire produit par la BHM- SA:
Après avoir conclu au rejet des pourvois de la SOMACOF et de la BMCD comme mal fondés, la BHM - SA a développé les moyens ci - après à l'appui de son recours:
I- 3. 1. Du moyen pris du défaut de motif:
En ce que l'arrêt a soutenu en même temps que la preuve du retard n'aurait pas été rapportée et que ce même retard serait dû à une défaillance de la BHM - SA; que l'arrêt attaqué, en statuant ainsi, procède de motifs contradictoires équivalant à un défaut de motifs, d'où la nécessité de le censurer;
I- 3.2. Du moyen pris du manque de base légale:
En ce que, contrairement aux énonciations de l'arrêt attaqué, la mémorante a suffisamment apporté la preuve du retard accusé par la SOMACOF ( voir ses écritures en appel en date du 16 décembre 2002, les rapports d'étape de l'exécution du marché- chaque étape étant enfermé dans un délai, la lettre du maître d'ouvrage délégué constatant le retard et prescrivant à l'entrepreneur de se conformer aux délais contractuels; que malgré l'existence de ces pièces versées au dossier, les juges de fond ont estimé que la mémorante n'a pas rapporté la preuve du retard; que le défaut de base s'analysant en une insuffisance de constatations de fait qui sont nécessaires pour l'application du droit, en statuant comme ils l'ont fait, les juges d'appel n'ont pas donné à leur décision la base légale nécessaire; qu'il convient dès lors de casser l'arrêt querellé sur ce point;
Que par rapport aux exonérations que la mémorante aurait remis en retard à l'entrepreneur, il convient de préciser que la délivrance d'exonération n'a jamais été une condition d'exécution à bonne date du marché (voir contrat); que d'ailleurs SOMACOF ne s'en est jamais prévalue comme clause contractuelle; qu'en privant la mémorante du bénéfice des pénalités, motif pris de la prétendue non délivrance des exonérations à temps, les juges du fond n'ont pas donné ici également à leur décision, la base légale nécessaire et l'arrêt attaqué de ce fait encourt la censure de la Cour;
Que s'agissant de la rupture du contrat, la mémorante fait grief à l'arrêt querellé de l'avoir déclarée abusive tant en la forme qu'au fond motifs pris que le délai de 8 jours de préavis prescrit par le point 4.5 du cahier des prescriptions spéciales n'aurait pas été observé et que la mémorante aurait dû prélever d'office les pénalités de retard s'il y en avait eu et qu'elle n'aurait pas apporté la preuve du retard justifiant la rupture alors que, par rapport à la forme, non seulement la mémorante a bel et bien signifié un préavis le 02 décembre 1999 et n'a procédé à la résolution que le 16 décembre 1999, mais aussi la mise en demeure avait déjà été faite par le maître d'ouvrage délégué à la demande de la BHM - SA par lettre recommandée avec avis de réception en date du 02 décembre 1999; qu'or il ressort de l'arrêt que la SOMACOF prétend n'avoir reçu que la seule lettre de résiliation; l'accusé de réception étant relatif à la lettre de mise en demeure et non de résiliation, les juges du fond n'ont pu valablement retenir que les huit jours de préavis n'ont pas été observés, la résiliation datant du 16 décembre 1999; qu'en décidant ainsi, les juges d'appel n'ont pas donné ici encore à leur décision de base légale nécessaire et l'arrêt attaqué mérite d'être censuré; que les Pièces n°1, 2 et 5 et la lettre du 18 août 1999 ( PN°3), prouvent à suffisance le bien fondé de la résiliation; qu'en décidant en dépit de toutes ces preuves que la BHM - SA n'a pas prouvé la défaillance de la SOMACOF, l'arrêt attaqué manque de base légale et doit être censuré;
1. 3. 3. du moyen tiré de la violation des articles 72 et 73 du Régime Général des Obligations:
En ce que les juges du fond ont rejeté la demande d'application de pénalité au motif que la BHM - SA n'a pas délivré à l'entrepreneur les exonérations nécessaires à temps alors qu'il résulte du cahier des prescriptions spéciales ( document contractuel de base du marché) versé au dossier que le marché bénéficie de l'exonération conformément à la Convention d'Etablissement entre le Mali et la BHM- SA du 25 novembre 1995; que le Directeur des douanes a, par lettre du 26 octobre 1998, notifié à la SOMACOF son accord pour les exonérations sollicitées ( PN°4); qu'il ressort du point 4.2 page 18 al3 du cahier des prescriptions spéciales que « les pénalités sont connues automatiquement du simple fait de la constatation du retard par le maître d'ouvrage délégué et sont applicables mois par mois sans aucune autre condition; que la lettre du maître d'ouvrage délégué ( PN°1) versée au dossier atteste du retard;
Qu'il s'en suit qu'en dénaturant les termes de la convention (cahier des prescriptions spéciales) en subordonnant l'application des pénalités de retard à autres choses (exonérations du reste obtenues à temps), l'arrêt attaqué a violé les articles visés au moyen en ne tenant pas compte de la commune intention des parties et en refusant d'appliquer les termes clairs et précis du contrat; qu'il s'expose de ce fait à la censure de la Cour.
II- ANALYSE DES MOYENS:
Du moyen soulevé in limine litis par la BIM - SA tirée de l'incompétence de la Cour Suprême du Mali:
La B.I.M. - S.A., a invoqué in limine litis l'incompétence de la Cour Suprême du Mali à connaître de cette affaire en vertu des dispositions des articles 10, 13, 14 alinéa 1, 15 et 16 du Traité de l'OHADA.
«Article 10: les actes uniformes sont directement applicables et obligatoires dans les Etats Parties nonobstant toute disposition contraire de droit interne antérieure ou postérieure.
Article 13: Le contentieux relatif à l'application des Actes Uniformes est réglé en première instance et en appel par les juridictions des états parties.
Article 14 alinéa 1: La Cour Commune de Justice et d'Arbitrage assure dans les Etats Parties l'interprétation et l'application commune du présent traité, des règlements pris pour son application et des actes uniformes.
Article 15: les pourvois en cassation prévus à l'article 4 sont portés devant la cour Commune de Justice et d'Arbitrage, soit directement par l'une des parties à l'instance, soit sur renvoi d'une juridiction nationale statuant en cassation saisie d'une affaire soulevant des questions relatives à l'application des Actes Uniformes.
Article 16: la saisine de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage suspend toute procédure de cassation engagée devant une juridiction nationale contre la décision attaquée.»;
Dans le cas d'espèce les moyens portent notamment sur la violation des articles 25, 33 et 34 de l'Acte Uniforme de l'OHADA sur les sûretés.
Il échet donc d'acquiescer à l'exception d'incompétence.
PAR CES MOTIFS:
La Cour: ordonne le renvoi de la cause et des parties devant la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage;
Met les dépens à la charge des demandeurs.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement les jour, mois et an que dessus.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER./.