COUR SUPREME DU MALI REPUBLIQUE DU MALI
SECTION JUDICIAIRE Un Peuple - Un But - Une Foi
2ème CHAMBRE CIVILE -----------------
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POURVOI N°222 DU 15 JUILLET 2004
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ARRET N°173 DU 22 AOUT 2005
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NATURE: Réclamation de sommes.
LA COUR SUPREME DU MALI
A, en son audience publique ordinaire du lundi vingt deux août de l'an deux mil cinq, à laquelle siégeaient:
Monsieur Diadié Issa MAIGA, Président de la 2ème Chambre Civile, Président;
Monsieur Fakary DEMBELE, Conseiller à la Cour, membre;
Monsieur Sidi SINENTA, Conseiller à la Cour, Membre;
En présence de Monsieur Mahamadou BOUARE, Avocat Général près ladite Cour occupant le banc du Ministère Public;
Avec l'assistance de Maître Boubou BOCOUM, Greffier;
Rendu l'arrêt dont la teneur suit:
SUR LE POURVOI de Maître Mamadou Bobo DIALLO, Avocat à la cour, agissant au nom et pour le compte de Aa C, d'une part ;
CONTRE: Ab A ayant pour conseil SCP DOUMBIA - TOUNKARA, Avocats Associés à la Cour, défendeur, d'autre part;
Sur le rapport du Conseiller Sidi SINENTA et les conclusions écrite et orale de l'avocat Général Aa X ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi:
EN LA FORME:
Par acte n°222 en date du 15 juillet 2004 du greffe de la Cour d'Appel de Bamako Maître Mamadou Bobo DIALLO, Avocat à la cour, agissant pour les intérêts de Aa C, a déclaré e pourvoir en cassation contre l'arrêt n°352 du 14 juillet 2004 de la Chambre Civile de la Cour d'Appel de Bamako dans l'instance en réclamation de sommes qui l'oppose au sieur Ab A;
Le demandeur a versé l'amende de consignation et produit mémoire ampliatif par l'entremise de ses conseils;
Le pourvoi est donc recevable en la forme.
AU FOND:
I- Moyen présenté par Maître Mamadou Bobo DIALLO:
Le conseil a soulevé deux moyens:
1er moyen basé sur la mauvaise application de la loi:
En ce que l'arrêt querellé a cru devoir tirer argument de l'article 262 de la loi n°87-31 AN RM du 29 août 1987fixant Régime Général des obligations du Mali, pour soutenir que Aa C n'apporte pas la preuve de sa créance sur Aa A;
Qu'en cela les juges du fond mentionnent que « celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit en prouver l'existence»;
Que les propres déclarations de Ab A contenues dans le P.V. n°01/060 du 04 avril 2003 de la gendarmerie, démontrent à suffisance qu'il reconnaît formellement la dette; que la dette est donc suffisamment prouvée par la reconnaissance de Ab lui - même; ce qui répond aux exigences de l'article 262 de la loi n°87-31 du 29 août 1987;
2e moyen basé sur l'inexactitude de motif:
En ce que l'arrêt n°352 dont pourvoi a mis Ab A hors de cause en déclarant que les échanges de correspondance entre Ah Y et Aa C démontrent que c'est bien celui - la qui a emprunté avec le mémorant 16.000.000 F cfa;
Qu'en outre l'arrêt admet pour vraie la déclaration de Ab A selon laquelle les 3.600.000 F cfa ont servi aux frais de transport de l'épouse de Monsieur C.
Que ces affirmations ne sont pas réelles car:
- la correspondance dont il est fait mention n'est pas adressée à Aa C mais plutôt à Madame Ad B;
- La somme de 3.600.000 F cfa ne pouvait servir à faire transférer une quelconque épouse de C car celui - ci vit en France avec les siens depuis plus de 30 ans;
Que l'arrêt viole les dispositions de l'article 463 du Code de Procédure civile, Commerciale et Sociale qui fait de la motivation des jugements et arrêt une exigence légale sous peine de nullité;
Le conseil conclut à la cassation de l'arrêt.
II- Mémoire présenté par Maître Elias TOURE:
Il s'agit là d'un moyen basé sur l'insuffisance de motifs qui équivaut à un défaut de motif:
En ce que la cour se borne de dire: « il résulte des pièces du dossier notamment des correspondances échangées entre Aa C et Ah Y, qui c'est ce dernier qui a emprunté la somme de 16.000.000 F cfa avec Monsieur C»;
Le mémorant demande la cassation de l'arrêt:
III- Moyen présenté par Maître Tidiani MANGARA:
1- Moyen tiré de la contradiction de motif:
En ce que l'arrêt querellé a débouté Monsieur C sur la base l'article 262 au motif qu'il n'a pas apporté la preuve de sa créance et le même arrêt soutient que Ab A, le débiteur aurait financé les frais de voyage de Madame C sans cependant indiqué la moindre preuve;
2- Moyen basé sur la violation de l'article 262 de la loi n°87-31/AN RM du 29 août 1987:
En ce que le sieur Ab qui a perçu les somme de 2.500.000 F cfa et 1.100.000 F tiré du compte BDM de Aa C n'a donné aucune preuve que ces montants ont été dépensés pour frais de voyage de Mme C;
Que l'arrêt viole l'article 262 qui dispose « celui qui prétend être libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de l'obligation»;
3- Manque de base légale:
En ce que l'arrêt en affirmant qu'il résulte des pièces du dossier, notamment des correspondances contre Monsieur C et Ah Y que c'est ce dernier qui a emprunté la somme de 16.000.000 F .»;
Que l'arrêt a fait une fausse et insuffisance motivation qui équivaut à un défaut de base légale;
Il conclut aussi comme les précédents à la cassation de la décision;
Les mémoires ont été communiqués au conseil du défendeur parle greffier en chef, qui a répliqué et conclu au rejet.
ANALYSE DES MOYENS:
Moyens basés sur le défaut de motif et le manque de base légale présentés par les Ai Mamadou Bobo DIALLO, Elias TOURE et MANGARA:
Attendu que le défaut de base légale est constitué par une insuffisance de motivation de la décision attaquée qui ne permet pas à la Cour Suprême de contrôler la régularité de la décision ou plus précisément de vérifier que les juges du fond ont fait une application correcte de la règle de droit;
Que le défaut de motif, suppose à la différence du manque de base légale, une véritable absence de toute justification de la décision qui rend donc impossible tout contrôle de la Cour Suprême;
Il s'agit là plutôt de la qualité et non de l'importance quantitative de la motivation;
La cassation doit être prononcée dans les cas où l'arrêt ne contient aucune justification en droit et surtout en fait de la décision rendue ( technique de cassation Af Ag Ae Ac );
Attendu Que l'arrêt querellé pour justifier sa décision dispose dans son unique motivation: « considérant qu'il résulte des pièces du dossier, notamment des correspondances échangées entre Monsieur Aa C et Ah Y que c'est ce dernier qui a emprunté la somme de 16.000.000 F cfa avec Monsieur C; que Monsieur Ab n'a servi que l'intermédiaire.»;
Il appert à la suite de l'analyse des pièces du dossier qu'il n'y a aucun échange de correspondances entre Monsieur C et Ah Y et la seule correspondance qui figure dans le dossier est une lettre adressée à une certaine Ad B par Ah Y et qui ne mentionne même pas le nom de Ab A;
Aussi la formule brève et laconique dans le dernier considérant et consistant à affirmer «qu'il résulte des pièces du dossier» alors qu'il est fait état d'une reconnaissance de dette avec remboursement de 2.000.000 F par mois ( cf. PV n°060/GRM JIJ du 11/04/03, p.3, côte 2) ne saurait constituer une motivation suffisante puis qu'elle ne permet pas à la juridiction supérieure d'exercer son contrôle de la régularité de l'application de la règle de droit aux faits de la cause;
Il s'ensuit donc que l'arrêt querellé pêche par défaut de motif assimilé à un manque de base légale et s'expose à la censure;
Attendu que l'arrêt devant être cassé, il est superfétatoire d'analyser les autres moyens;
PAR CES MOTIFS:
En la forme: reçoit le pourvoi;
Au fond: casse et annule l'arrêt déféré;
Renvoie la cause et les parties devant la Cour d'Appel de Bamako autrement composée;
Ordonne la restitution de l'amende de consignation;
Met les dépens à la charge du Trésor Public.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement les jour, mois et an que dessus.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER./.