COUR SUPREME DU MALI REPUBLIQUE DU MALI
SECTION JUDICIAIREUN PEUPLE - UN BUT - UNE FOI
Chambre Commerciale --------------------
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POURVOI N°331 DU 09 OCTOBRE 2003
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ARRET N°22 DU 03 OCTOBRE 2005
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NATURE : Annulation de vente et inscription de gage.
LA COUR SUPREME DU MALI
A, en son audience publique ordinaire du lundi trois octobre de l'an deux mille cinq à laquelle siégeaient :
Monsieur Ab B: Président de la Chambre Commerciale, Président ;
Monsieur Sambala TRAORE : Conseiller à la Cour, membre;
Madame KANTE Hawa KOUYATE : Conseiller à la Cour, membre;
En présence de monsieur Mahamadou BOIRE, Avocat Général près ladite Cour ;
Avec l'assistance de maître SAMAKE Fatoumata Zahara KEITA, greffier;
Rendu l'arrêt dont la teneur suit:
SUR LE POURVOI de Maître Salif SANOGO Avocat à la cour, agissant au nom et pour le compte de Me Nanko Diouma et le X Y, d'une part;
CONTRE: l'arrêt n°481 du 08 octobre 2003 de la Cour d'Appel de Bamako et Ad C ayant pour conseil Maître Etienne BALLO, défendeur, d'autre part;
Sur le rapport du Conseiller Madame KANTE Hawa KOUYATE et les conclusions écrites et orales du Procureur Général Aa Z et de l'Avocat Général Mahamadou BOIRE ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi:
EN LA FORME:
Par acte n°331 du 09 octobre 2003, Maître Salif SANOGO, Avocat, agissant au nom et pour le compte de ses clients Me Nanko Diouma et le X Y, a déclaré se pourvoir en cassation contre l'arrêt n°481 du 08 octobre 2003 de la Chambre Commerciale de la Cour d'Appel de Bamako, rendu dans une instance en annulation de vente et d'inscription de gage qui oppose ceux - ci à Ad C;
Les demandeurs ont consigné et produit un mémoire ampliatif qui, notifié au défendeur, a fait l'objet d'un mémoire en réponse;
Le pourvoi obéissant aux conditions de forme et de délai de la loi, est donc recevable.
AU FOND:
Présentation des moyens:
Les demandeurs par l'organe de leur conseil ont développé deux moyens de cassation tirés du défaut de réponse à conclusions et de la violation de la loi;
1- Du défaut de réponse à conclusions:
En ce que le litige porte sur deux chefs de demande, à savoir l'annulation de la vente opérée par Maître Nanko Diouma et l'annulation de l'inscription du gage faite parle Syndic d'ITEMA, alors que l'arrêt attaqué a occulté totalement le problème de l'inscription du gage dont se prévaut le Syndic d'ITEMA; que la loi et la jurisprudence admettent unanimement que le défaut de réponse à un chef de demande ou à des conclusions écrites constitue une absence de motifs ( article 463 du Code de Procédure Civile, Commerciale et Sociale); que l'article 5 du Code de procédure civile, Commerciale et Sociale assimile le défaut de réponse à conclusion au défaut de motifs; que le moyen doit être accueilli;
2- De la violation de la loi:
En ce que pour demander l'annulation de la vente aux enchères publiques en date du 05 mai 2000 portant sur le permis d'occuper n°123 A. 8. 20 et l'annulation de l'inscription du gage au profit de ITEMA - SA, Monsieur TOURE prétend avoir acquis la propriété par l'effet d'une vente aux enchères du 12 janvier 1999, en exécution de la grosse de l'acte notarié du 04 novembre 1998, alors que la vente dont l'annulation est poursuivie a été faite en exécution de la grosse de l'acte notarié du 24 juin 1997 du permis d'occuper n°12 déposé par Af A en garantie d'une créance auprès de l'ITEMA;
Qu'il en résulte que l'acte notarié de ITEMA est antérieur à celui de la CNAR - SA et qu'en plus ITEMA détient l'original du permis d'occuper;
Qu'il est constant que la remise réelle de la chose donnée en gage est une condition substantielle du contrat de gage; qu'au Mali, le permis d'occuper est réputé meuble;
Que l'article 2279 du Code Civil stipule « qu'en fait de meuble possession vaut titre» et que la possession doit être de bonne foi;
Que l'article 1141 du Code Civile dispose: « si la chose qu'on s'est obligé de donner ou de livrer à deux personnes successivement est purement mobilière, celle des deux personnes qui en a été mise en possession réelle est préférée et demeure propriétaire encore que son titre soit postérieur en date, ...toute fois que la possession soit de bonne foi»;
Que dans le cas d'espèce, ITEMA a été mise en possession avant la CNAR dont Ad C détient ses droits; que l'arrêt attaqué a donc violé les textes organisant les sûretés, notamment ceux relatifs au gage ainsi que les articles 1141 et 2279 du Code Civil; qu'au contraire, c'est plutôt l'arrêt querellé qui procède d'une mauvaise appréciation des faits et d'une application erronée de la loi; qu'il échet de censurer ledit arrêt et dire qu'il n'y a pas lieu à renvoi, en application des dispositions de l'article 561 du Code de Procédure civile, Commerciale et Sociale;
Ad C, par l'organe de son conseil, a répondu que le pourvoi doit être rejeté comme mal fondé;
ANALYSE DES MOYENS:
1- Du moyen tiré du défaut de réponse à conclusions:
Il est fait grief à l'arrêt le défaut de réponse à la requête en annulation de l'inscription de gage;
Le défaut de réponse à conclusions sanctionne une insuffisance de recherche de la part des juges du fond et constitue un moyen par la Cour de cassation d'indiquer quels éléments lui paraissent déterminants dans l'application de la règle de droit et doivent donc faire l'objet d'investigations particulières. Technique de cassation;
Attendu qu'il résulte de la lecture des dispositions de l'article 5 du Code de Procédure civile, Commerciale et Sociale que le juge doit se prononcer sur tout ce qui lui est demandé et seulement sur ce qui lui est demandé;
Attendu qu'il ressort du dossier que suivant ordonnance n°471 du 28 mars 2000, l'ITEMA a été autorisée par le Tribunal à réaliser le gage sur l'immeuble sis à Korofina;
Que le titre détenu en gage par l'ITEMA est l'original du permis d'occuper;
Attendu qu'en matière de titre seul l'original peut être opposé aux tiers;
Mais attendu qu'il ressort des énonciations de l'arrêt que « considérant l'ignorance de Ad C dans l'existence d'un gage en faveur de l'ITEMA sur le titre de la concession litigieuse, ignorance dans laquelle l'ont volontairement et délibérément maintenu le débiteur et le notaire instrumentaire..»; qu'en se déterminant ainsi sans aucune réponse aux conclusions des parties faisant valoir une inscription de gage sur le titre, la Cour n'a pas répondu aux exigences du texte sus- visé;
Le moyen est donc pertinent et doit être accueilli.
2- Du moyen tiré de la violation de la loi:
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir: d'une part, privilégié la vente effectuée en vertu de l'acte notarié du 04 novembre 1998 dont se prévaut Ad C alors qu'était opposé audit acte notarié un autre de même nature en date du 24 juin 1997 ayant servi de base à une autre vente au profit du X Y, violant ainsi les dispositions de l'article 1141 du Code Civil ci - dessus, d'autre part, protégé une vente de permis 'occuper effectuée sans l'original du titre ( détenu par le X Y) violant ainsi les dispositions de l'article 2279 du Code Civil;
2.1. De la violation de l'article 1141 du Code Civile:
Af A, gérant de la Société SAGAN - INTERNATIONAL, s'est engagé à remettre et a remis à la Société ITEMA le permis d'occuper n°12 B/A8/20 de sa concession sise à Bamako, quartier Ac Ae à la sûreté et garantie du paiement d'une créance de 46.000.000 F cfa, suivant acte notarié passé en l'étude de Me Tidiane DEME, notaire à la résidence de Bamako le 24 juin 1997.
Le même Af A, gérant d'une autre société « Transgolf International» a affecté en gage devant le même notaire, le 18 septembre 1997, le même permis d'occupé dejà précédemment gagé le 24 juin 1997, pour une créance de 40.000.000 F cfa contractée auprès de la CAISSE NATIONALE d'Assurance et de Réassurance ( CNAR);
L'arrêt attaqué, pour protéger la vente effectuée au profit de Ad C, a retenu la bonne foi de celui - ci alors le Syndic de l'ITEMA Se prévaut également de la même bonne foi pour avoir acquis lui aussi la même concession par vente aux enchères publiques et d'avoir en sa possession l'original du permis gagé, avec cette différence que son titre de créancier gagiste était plus ancien que celui de la CNAR, soulignant par la même occasion que son titre était protègé par les dispositions des articles 1141 et 2279 du Code Civil.
L'arrêt attaqué a occulté tous ces moyens alors que la bonne foi présumée de l'acquéreur, suite à une vente aux enchères publiques doit bénéficier à toutes les deux parties, en principe.
L'article 1141 du Code Civil dispose: « si la chose qu'on s'est obligé donner ou de livrer à deux personnes successivement est purement mobilière, celle des deux qui en a été mise en possession réelle est préférée et en demeure propriétaire, encore que son titre soit postérieur en date, pourvu toute fois que la possession soit de bonne foi.
Dans le cas d'espèce, le X Y et la CNAR sont tous deux créanciers gagistes. Le gage au profit du X Y a été consenti le 24 juin 1997 tandis que celui au profit de la CNAR l'a été le 18 septembre 1997 ( confère actes notariés).
Cela induit que la mise en possession du permis d'occuper à ITEMA est la plus ancienne.
Ad C dans son mémoire reconnaît lui même qu'il n'a pas été mis en possession du titre, le notaire prétextant qu'il est indisponible pour cause de mutation au nom du débiteur Af A.
En préférant le second gage au détriment du premier, l'arrêt procède manifestement de la violation de l'article 1141 du Code Civil.
L'article 2279 dispose qu'«en fait de meuble, la possession vaut titre»;
Il résulte des développements jurisprudentiels de cet article que c'est au revendiquant qu'il appartient de démonter le vice éventuel ou la précarité de la possession. Sans annuler le gage, source de la possession par le X Y du permis d'occuper litigieux, l'arrêt est mal venu à statuer comme il l'a fait.
L'article 2279 - 9 - du Code Civil indique que la bonne foi n'est pas exigée du possesseur qui tient le meuble de son véritable propriétaire. Or le X Y est dans cette situation.
L'article 2279 - 14 - du même Code ajoute que le gage est opposable aux tiers par son inscription.
L'arrêt attaqué a occulté les prétentions des parties relatives à la validité du gage consenti au profit du X Y.
Or, le premier juge a examiné l'affaire par rapport aux dispositions des articles 1141 et 22 79 du code Civil et en a tiré les conséquences juridiques;
Son analyse procède d'une analyse rationnelle des faits de la cause et d'une application saine de la loi. Il préserve les droits de chacune des parties au regard des dispositions sus-visées. Il échet par conséquent de casser et annuler l'arrêt attaqué et de dire qu'il n'y pas lieu à renvoi.
PAR CES MOTIFS:
En la forme: Reçoit le pourvoi;
Au fond: casse et annule l'arrêt attaqué;
Dit qu'il n'y a pas lieu à renvoi;
Ordonne la restitution de la consignation;
Met les dépens à la charge du Trésor Public.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement les jour, mois et an que dessus.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER./.