COUR SUPREME DU MALI REPUBLIQUE DU MALI
SECTION JUDICIAIRE Un Peuple - Un But - Une Foi
----------------------------------
Chambre Criminelle
------------------
POURVOI N°05 DU 04 FEVRIER 2003
----------------------------------
ARRET N°56 DU 03 OCTOBRE 2005
----------------------------------
NATURE: Abus de confiance.
LA COUR SUPREME
A, en son audience publique ordinaire du lundi trois octobre de l'an deux mille cinq à la quelle siégeaient :
Madame BOUNDY Henriette DIABATE, Présidente de la Chambre Criminelle, Président;
Monsieur Fakary DEMBELE, Conseiller à la Cour, membre;
Madame DIARRA Afoussatou THIERO, Conseiller à la Cour, membre;
En présence de l'Avocat Général Aa Y;
Avec l'assistance de Maître SAMAKE Fatoumata Zahara KEÏTA, Greffier;
Rendu l'arrêt dont la teneur suit:
SUR LE POURVOI: de Maître Souleymane Adamou CISSE, Avocat à la Cour agissant au nom et pour le compte de Ad X, d'une part;
CONTRE arrêt n°17 du 03 février 2003 et ECOBANK ayant pour conseils Maîtres Abdoulaye Garba TAPO et Abdramane KANOUTE, tous deux Avocats à la cour, défendeur, d'autre part;
Sur le rapport du Conseiller Madame DIARRA Afoussatou THIERO et les réquisitions écrite et orale des Avocats Généraux Ab Ac B et Aa Y ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
EN LA FORME:
Attendu que par acte n°05 en date du 04 février 2003 Maître Souleymane Adamou CISSE, Avocat à la Cour, agissant au nom et pour le compte de Ad X, s'est pourvu en cassation contre l'arrêt n°17 du 03 février 2003 Rendu par la Chambre Correctionnelle de la Cour d'Appel dans l'affaire Ministère Public et ECOBANK contre Ad X prévenu d'abus de confiance et dont le dispositif est ainsi conçu:
En la forme: Reçoit l'appel interjeté;
Au fond: Infirme le jugement querellé;
Statuant de nouveau déclare le prévenu Ad X coupable des faits qui lui sont reprochés. Le condamne à 6 mois d'emprisonnement avec sursis , reçoit la partie civile en sa constitution; condamne Ad X à lui payer la somme de 6 millions de dommages et intérêts, condamne le prévenu aux dépens;
Attendu que le demandeur est dispensé de consignation en vertu de l'article 514 du Code de Procédure Pénale mais a produit un mémoire ampliatif auquel ECOBANK par l'office de Maître Abdramane KANOUTE a répondu en concluant au rejet du pourvoi;
Que le pourvoi satisfait aux exigences de la loi et est recevable en la forme.
AU FOND:
Le demandeur par l'organe de son conseil soulève les moyens suivants:
I- Violation de l'article 282 du Code Pénal:
Attendu que l'arrêt est attaqué en ce que les juges du fond ont déclaré que l'élément matériel de l'infraction à savoir la non représentation des sommes confiées à Ad X est constitué aux motifs que lors de l'opération de tri, les trieuses ont constaté un manquant de 6 millions de francs sur les paquets déposés par lui;
Qu'alors que depuis le vendredi 30 mars 2001, Ad X avait régulièrement déposé les fonds à lui confiés en bonne et due forme comme cela résulte du « C Ae Af»;
Que les fonds n'étaient plus sous sa garde;
Que la prétendue pratique bancaire qui veut que le caissier continue à assumer la responsabilité des fonds dont il n'a plus la garde ne peut faire échec aux règles rigoureuses du droit pénal;
Qu'il est un principe général du droit qui veut qu'on ne soit responsable que de son propre fait ou de la chose sur laquelle on a une emprise réelle;
Qu'en faisant fi de ce principe, les juges du fond ont délibérément violé les dispositions de l'article 282 du Code Pénal par fausse application.
II Défaut de base légale:
En ce que les juges du fond n'ont donné aucun crédit à la fiche « d'arrêter de compte» ( C Ae Af) signée par le chef de la réserve aux motifs que « en réalité, la remise des fonds par Ad X à son chef ne consiste pas à compter ou à contrôler billet par billet»;
Qu'alors que si le juge du fond est libre d'écarter un élément de preuve parce qu'il n'emporte pas sa conviction, il ne saurait en revanche exclure cet élément pour un motif de droit erroné ou inopérant;
Que dans le cas d'espèce si le chef de la réserve a accepté de signer « la fiche d'arrêter de caisse» sans compter ou contrôler les liasses billet par billet, il l'a fait à ses risques et périls;
Que face à un quitus donné par celui qui a reçu les fonds, la motivation selon laquelle les fonds n'ont pas été décomptés billet par billet constitue un motif inopérant qui s'analyse en une insuffisance de motifs constitue de défaut de base légale que l'arrêt encourt cassation sans renvoi.
ANALYSE DES MOYENS:
Les faits:
Attendu que Ad X, caissier de son état à ECOBANK, a fait la situation de sa caisse le 30 mars 2001 en fin de journée et remis au responsable de la réserve des liasses d'un montant de 126.500.000 F cfa;
Après vérification il a signé concomitamment avec ledit chef de réserve le C Ae Af qui est un document indiquant la quantité avec ledit chef de réserve le C Ae Af, la dénomination et le montant des liasses déposés;
Que le 31 mars 2001 une opération de tri permit de découvrir que sur chacun des six paquets de 10 millions il manquait un million soit un total de six millions de francs;
II Moyen tiré sur la violation de l'article 282 du code Pénal: absence d'élément constitutif du délit de détournement:
Attendu que Ad X ayant remis contre décharge au responsable de la réserve les fonds n'en avait plus la garde;
Qu'il ne saurait être tenu pénalement responsable des manquants au motif;
Qu'attendu qu'en droit selon un principe général on est responsable que de son emprise réelle;
Attendu qu'en faisant fi de ce principe les juges du fond ont violé l'article 282 du Code Pénal;
III Moyen tiré du défaut de base légale: article 523 du code de Procédure Pénale:
Article 523 stipule: « Les arrêts de la Chambre d'accusation ainsi que les arrêts et jugements en dernier ressort sont déclarés nuls s'ils ne contiennent pas de motifs ou si leurs motifs sont insuffisants et ne permettent pas à la Cour Suprême d'exercer son contrôle et de reconnaître si la loi a été respectée dans le dispositif»;
Attendu que le grief tiré du défaut de base légale fondé sur la mise à l'écart du document dit « C Ae Af» opérant décharge de la remise des fonds au motif que la pratique bancaire retenait toujours la responsabilité du caissier alors que ladite pratique ne résulte ni d'un texte ni des usages prouvés du milieu bancaire est ainsi pertinent et mérite d'être accueilli.
Attendu qu'au delà des moyens de cassation développés par le mémorant il convient de relever, par moyen de pur droit, une violation grave de la règle intangible du droit découlant de la lecture combinée des articles 482 et 499 du Code de Procédure Pénale qui veut que sur le seul appel de la partie civile en l'absence de tout appel du Ministère Public les dispositions pénales du jugement entrepris acquièrent l'autorité de la chose jugée;
Article 482: « la faculté d'appeler appartient..........
1°)...............
2°)................
3°) à la partie civile quant à ses intérêts civils seulement et lorsque la demande en réparation est supérieure à 100.000 F....»;
Article 499: «la Cour peut, sur l'appel du Ministère Public, soit confirmer le jugement, soit l'infirmer en tout ou en partie dans un sens favorable ou défavorable au prévenu;
La cour ne peut, sur le seul appel du prévenu ou du civilement responsable, aggraver le sort de l'appelant. Elle ne peut sur le seul appel de la partie civile modifier le jugement dans un sens défavorable à celle -ci;
La partie civile ne peut, en cause d'appel, former aucune demande nouvelle; toutefois elle peut demander une augmentation des dommages - intérêts pour préjudice subi depuis la décision de première instance»;
Attendu qu'en l'espèce le jugement entrepris avait relaxé le prévenu en le déclarant non coupable des faits; qu'il avait en outre renvoyé le Ministère Public et la partie civile à mieux se pourvoir;
Qu'en l'absence d'appel du ministère public et sur le seul appel de la partie civile sensée n'agir que relativement à ses intérêts civils seulement ( article 482 du Code de Procédure Pénale), la Cour ne pouvait remettre en cause le jugement querellé dans ses dispositions pénales;
Qu'en procédant ainsi qu'elle l'a fait, la Cour d'Appel a violé les dispositions susvisées et sa décision encourt la censure;
Attendu en outre que la cause ne présente plus rien à juger il y a lieu de faire application de l'article 543 du code de Procédure Pénale.
PAR CES MOTIFS:
En la forme: Déclare le pourvoi recevable;
Au fond: casse et annule l'arrêt sans renvoi;
Met les dépens à la charge du Trésor Public.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement les jour, mois et an que dessus.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER./.
Suivent les signatures
Enregistré à Bamako, le 1910/ 2005
Vol 02 Fol 40 N°3367 Bordereau 1361
Reçu six mille
L'Inspecteur de l'enregistrement
Signé illisible
«AU NOM DU PEUPLE MALIEN»
En conséquence, la République du Mali mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux Procureurs Généraux et aux Procureurs de la République près la Cour d'Appel et les Tribunaux de Première Instance, d'y tenir la main à tous Commandants et Officiers de la force publique, de prêter main forte lorsqu'ils en seront légalement requis;
En foi de quoi le présent arrêt a été délivré et signé par Nous Boubou BOCOUM, Greffier en Chef près la Cour Suprême pour servir de première gross;;
Z, le 21 octobre 2005
LE GREFFIER EN CHEF./.