2006041857
COUR SUPREME DU MALI SECTION JUDICIAIRE
Chambres Réunies
ARRET N°57 DU 18 AVRIL 2006
INOPPOSABILITE DE CESSIONS D'ACTION INDIVISIBILITE DE L'APPEL-NULLITE DES ACTES-EXCEPTION DE NULLITE
X B se prévaut des dispositions des articles 24 et 28 du CPCS visées pour soulever l'incompétence des juridictions maliennes en raison de son extranéité.
Considérant cependant que le propre de la procédure de l'inopposabilité est de permettre à un national de se soustraire des effets d'un jugement ou d'un acte passé à l'extérieur ; qu'ainsi l'instance en inopposabilité se déduit pour l'essentiel de sa symétrie avec la procédure d'exequatur d'où la possibilité pour la BIM-SA de s'adresser en la circonstance au juge national. Qu'ainsi le moyen soulevé devient inopérant.
Considérant qu'il résulte du texte visé qu'en cas d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties, l'appel de l'une produit effet à l'égard des autres même si celles-ci ne se sont pas jointes à l'instance d'appel. Que l'appel formé contre l'une n'est recevable que si toutes sont appelées à l'instance.
Que cependant les dispositions sus mentionnées ne sont applicables qu'aux parties qui ont participé à l'instance.
Considérant qu'il résulte des dispositions des articles 108 et 110 du code de procédure civile que la nullité des actes pour vice de forme doit être soulevée « in limine litis » notamment avant toute défense au fond que pour prospérer l'auteur de l'exception de nullité doit également prouver le préjudice que lui cause l'irrégularité.
Le moyen doit en conséquence être rejeté.
La Cour : Après délibéré conformément à la loi.
EN LA FORME :
Suivant actes n°14 et 42 bis du 4 février 2004 du greffe de la Cour d'Appel de Bamako, Maître Soyata MAÏGA pour le compte de X B et de Maître Arandane TOURE, pour le compte de Ah Z et X B, ont déclaré se pourvoir en cassation contre l'arrêt n°64 du 04 mars 2004 rendu par la chambre Civile de la
PROCEDURE
Les demandeurs ont consigné suivant certificats de dépôt n°100 et 160 des 3 juin et 5 août 2004 et produit des mémoires ampliatifs par l'organe de leurs conseils. Les dits mémoires, notifiées aux défendeurs, ont fait l'objet de mémoires en réponse, dans les forme et délai de la loi ; Le recours est donc recevable.
AUFOND :
I. EXPOSE DES MOYENS DE CASSATION
Les demandeurs ont produit deux mémoires ampliatifs développant les moyens ci-après :
A. Du mémoire conjoint déposé par Maître Arandane TOURE :
Du Moyen tiré de la violation des articles 24 et 25 du code de Procédure civile, commerciale et Sociale :
En ce que l'arrêt attaqué a retenu la compétence des juridictions maliennes, au seul motif que « le contrat de cession porte indubitablement grief aux intérêts de la BIM S.A, et par ailleurs, Maître Filifing DEMBELE, huissier de justice, officier ministériel malien, a été constitué pour signifier conformément à la loi malienne, la teneur non seulement de ce contrat, mais aussi et surtout du jugement du tribunal de commerce de Luxembourg, étant entendu que cette signification est bien le prélude à toute exécution forcée au Mali selon la loi malienne » ; alors que la loi attribue la compétence territoriale au tribunal du lieu où se trouve le domicile du défendeur ; qu'au termes des dispositions claires et précises de l'article 25 du code de procédure civile, commerciale et sociale, en matière mobilière, le tribunal territorialement compétent est exclusivement celui du domicile du défendeur ; que comme l'indique l'ordonnance de mise au pied de la requête introductive d'instance et ayant autorisé à citer X B, celle-ci a bien son domicile et sa résidence à Ad YAj) Que X B n'a pas élu domicile au Mali ; Que le code de Procédure Civile, Commerciale et Sociale n'a pu aucune possibilité d'option en faveur du demandeur à l'instance qui assigne une personne domiciliée à l'étranger ; Que par ailleurs la vente d'actions objet de l'acte de cession litigieuse a été conclue au Luxembourg entre le curateur de la défunte Méridien BIAO-SA et M. Ae C pour le compte de X B dont le siège se trouve à Cotonou ; Que les juridictions maliennes ne sauraient donc connaître de l'affaire ; qu'en retenant sa compétence, la Cour d'Appel viole les articles 24 et 25 du code de procédure civile, commerciale et sociale et mérite la censure ;
Du moyen tiré de la violation de l'article 567 du Code de Procédure Civile, Commerciale et Sociale et du défaut de base légale :
En ce que l'arrêt déféré fait grief au conseil de X B de se prévaloir des griefs qui auraient pu être soulevés par Ah Z seul, notamment l'irrégularité de la citation de celui-ci ou l'inefficacité du désistement de la BIM SA à son égard alors que le même arrêt précise que la requête introductive d'instance de la BIM SA tend à faire déclarer inopposable à elle le contrat de cession en date du 3 avril 2001 conclu avec Alain clairement de ces énonciations qu'un contrat de vente lie Ah Z à X B et que justement la BIM S.A veut que le dit contrat lui soit déclaré inopposable ; que la vente est une cause indivisible pour les cocontractants, c'est pourquoi d'ailleurs la BIM S.A a assigné X B aux côtés de Ah Z (cf. civ. 3ème, 30 nov. 1977, Code de Procédure Civile Aa p. 312) ; qu'à cet égard l'article 567 du Code de Procédure Civile, Commerciale et Sociale dispose : « en cas d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties, l'appel de l'une produit effet à l'égard des autres même si celles-ci ne sont pas jointes à l'instance » ; qu'en raison de l'indivisibilité entre cocontractants à la vente, non seulement l'appel de l'un profite à l'autre, mais chacun d'eux peut exciper tous les moyens tendant à conforter la cause commune ; que ceci est d'autant plus justifié que le vendeur Ah Z doit à l'acheteur X B, garantie et jouissance paisible de la chose vendue ; que l'arrêt, en occultant les arguments de X B, ou tout simplement, en refusant de les examiner sous prétexte que le conseil de X B n'est pas constitué pour Ah Z, a violé l'article 567 du Code de Procédure Civile, Commerciale et Sociale, manque de base légale et doit être censuré ;
Du moyen tiré de la dénaturation des termes de l'écrit :
En ce que l'arrêt attaqué a qualifié l'acte de cession d'action d'acte juridictionnel alors qu'il ne s'agit que d'un acte juridique et alors que l'article 514 du code de Procédure Civile, Commerciale et Sociale ne vise que « les décisions rendues par les juridictions étrangères et les actes reçus par les jugements, les actes non susceptibles d'exécution forcée ; que sont donc exclus du champ d'application de l'article 514 et par conséquent dispensés de la formalités de l'exequatur, tous les actes et conventions sous seing -privé qui n'ont aucune force exécutoire ; que contrairement aux énonciations de l'arrêt querellé (page 4) la signification faite par Maître Filifing DEMBELE, huissier de justice, ne concerne pas le jugement du tribunal de commerce de Luxembourg ayant déclaré la faillite de la Af A S.A, mais le seul acte de cession d'actions ; que le texte de l'exploit dressé par l'huissier de justice est suffisamment explicite pour écarter toute confusion en la matière ; que la qualité de Ah Z n'est point contestée par BIM S.A qui a fait acte de désistement à son encontre ; que la signification faite par l'huissier à la BIM S.A ne saurait être soumise à exequatur et en lui appliquant les dispositions de la loi relatives à l'exequatur, la décision encourt la cassation ;
Du moyen pris du défaut de base légale :
En ce que la Cour d'Appel a déclaré l'acte de cession d'actions inopposable à la BIM S.A, sans rechercher au préalable le caractère exécutoire du jugement de validation de saisie des mêmes actions, jugement rendu par défaut et qui constitue le fondement même de la demande ; Alors que les juges du fond doivent constater tous les éléments de fait nécessaires au contrôle de la Cour Suprême ;
Qu'en l'espèce la BIM SA, pour demander l'inopposabilité de l'acte de cession d'actions, se fonde, outre l'absence d'exequatur, sur ledit jugement de validation qui est un jugement de défaut et qui n'a jamais été signifié ; Qu'en plus du défaut de citation régulière de la prétendue débitrice à l'instance de validation de la saisie, il est indéniable que le jugement de défaut dont se prévaut la BIM S.A n'a fait l'objet d'aucune signification ; Que l'article 508 du Code de Procédure Civile, Commerciale et Sociale dispose que « les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu'après leur avoir été notifiés, à moins que l'exécution n'en soit volontaire » ;
Que la règle est qu'un jugement rendu par défaut, même assorti de l'exécution provisoire, ne saurait être exécuté avant la signification aux autres parties à l'instance, et singulièrement à la partie défaillante ; Que la BIM S.A n'apporte pas la moindre preuve de cette signification ; Que pour permettre à la haute juridiction d'exercer son contrôle, les juges du fond se devaient de rechercher les éléments de preuve qui attestent le fondement juridique du droit dont se prévaut la BIM S.A ; Que ni le tribunal de commerce, ni la Cour d'Appel de Bamako n'a cru bon de procéder à l'examen du moyen développé devant eux par la X B et tendant à faire observer que le jugement de défaut n°132 du 31 mai 1995 ne pouvait être exécuté en l'état, comme n'ayant jamais été signifié ; Que le Af A S.A Holding était bien le propriétaire apparent des actions cédées, dans la mesure où c'est l'autorité judiciaire qui a autorisé le curateur à procéder à la vente : que X B, simple acquéreur de bonne foi bénéficie dès lors de la protection contre tout risque d'éviction ; Que X B était censée ignorer l'existence de la procédure de saisie et l'indisponibilité des actions mises en vente par le curateur, étant donné que même ce dernier n'avait pas reçu notification du jugement de validation de la saisie des actions ;
Que par conséquent, la bonne foi de X B au moment de l'achat des actions est incontestable ; Que X B est donc un acquéreur de bonne foi ; qu'il échet de censurer l'arrêt à cet effet ;
B. Du mémoire produit par Maître Agnès A. CAMPELL :
La mémorante développe deux moyens tirés de la violation de la loi par refus d'application, développés en deux branches :
De la violation de l'article 652 al 1 du Code de Procédure Civile, Commerciale et Sociale :
En ce que la haute juridiction a cassé l'arrêt n°422 du 23 octobre 2002, de la cour d'appel et renvoyé l'affaire pour être réexaminée par une formation différente de celle dont l'arrêt a été censuré ; Que curieusement le magistrat Seydou DIOP se retrouve dans les deux compositions de la Cour d'Appel de Bamako, alors que l'arrêt de renvoi prescrivait que l'affaire soit réexaminée par la Cour d'Appel de Bamako autrement composée, c'est en vertu des dispositions de l'article 652 al 1 du Code de Procédure Civile, Commerciale et Sociale ; qu'il y a lieu de censurer la violation de cette disposition ;
En ce que l'arrêt attaqué a méconnu les indications contenues dans l'arrêt de la Cour Suprême relatives au jugement de validation de saisie n°132 du 31 mai 1995 du tribunal de commerce, jugement de défaut non signifié à la demanderesse, alors que l'article visé au moyen indique la juridiction autrement composée, doit se conformer aux indications de l'arrêt de cassation ; qu'en agissant ainsi, l'arrêt attaqué a délibérément violé et doit être censuré ; La BIM S.A, par l'organe de ses conseils, a conclu au rejet du pourvoi comme mal fondé ;
II. ANALYSE DES MOYENS :
Du moyen tiré de la violation des articles 24 et 28 du code de Procédure Civile, Commerciale et Sociale :
Considérant que la X B se prévaut des dispositions susvisées pour soulever l'incompétence des juridictions maliennes en raison de son extranéité ; Que le curateur de la faillite Ah Z initialement mis en cause et elle-même sont domiciliés hors du Mali ; qu'en leur qualité de défendeurs, les textes susvisés obligent la BIM
S.A à saisir les juridictions compétentes de leurs pays respectifs ; Considérant cependant que le propre de la procédure de l'inopposabilité se déduit pour l'essentiel de sa symétrie avec la procédure d'exequatur, d'où la possibilité pour la BIM S.A, de s'adresser en la circonstance au juge national ; Qu'ainsi le moyen devient inopérant ;
Du moyen tiré de la violation de l'article 567 du CPCCS et du défaut de base légale :
Considérant qu'il résulte du texte visé qu'en cas d'indivisibilité à l'égard des autres même si celles-ci ne se sont pas jointes à l'instance d'appel ; que l'appel formé contre l'une n'est recevable que si toutes sont appelées à l'instance ; Que cependant les dispositions susnommées ne sont applicables qu'aux parties qui ont participé à l'instance ;
Considérant que nonobstant qu'il soit visé par la requête introductive d'instance, Ah Z n'a pas été régulièrement cité et surtout n'a pu ni comparaître ni présenter aucune défense au fond ou fin de non recevoir opposable au désistement de la BIM S.A ; que le conseil de la X B qui soulève l'argumentaire de l'irrégularité dudit désistement, n'a déposé aucune écriture au nom de Ah Z ; Que dès lors, il convient de dire que le désistement opéré par la BIM S.A est parfait et conforme aux dispositions des articles 398 et 399 du Code de Procédure Civile, Commerciale et Sociale ; Que la conséquence qui en découle est que l'instance d'appel ne peut plus concerner Ah Z ; que c'est donc vainement que le conseil de la X B tente d'exciper de la règle de l'indivisibilité pour soutenir une analyse contraire ; Que le moyen ne peut prospérer et doit être rejeté ;
Du moyen pris de la dénaturation des termes de l'écrit :
Considérant qu'il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dénaturé les termes d'un écrit notamment en donnant un caractère juridictionnel à un simple contrat de vente conclu à l'étranger ; Considérant cependant que la BIM S.A ne met nullement en cause l'acte de vente mais s'oppose à ses effets au niveau d'une partie tierce ; qu'elle ne soutient pas non plus que la cession des actions constitue en elle-même une décision judiciaire ; Mais attendu que ladite cession est inséparable du jugement de faillite pris à l'étranger d'autant plus que le cédant dans le cas d'espèce n'est autre qu'un organe de la faillite, en l'occurrence, le curateur ; Considérant que le jugement de faillite, jugement déclaratif patrimonial, est soumis à l'exequatur, puisqu'il entraîne une exécution matérielle sur des biens situés sur le territoire national ; que cette analyse est largement partagée par la jurisprudence et la doctrine (voir droit international privé de Ag Ab et Vincent heuzé, 8ème Ed. Montchestien. P. 290 n° 399) ; Que dès lors, le moyen pris de la dénaturation ne saurait prospérer ;
Du moyen pris du défaut de base légale :
Considérant que la transaction intervenue sur les actions découle de la mise en ouvre des organes de la faillite prononcé par une juridiction du Luxembourg ; que dans cette hypothèse en application des textes visés par l'arrêt d'appel, la juridiction du second degré donne bien une base légale à sa décision puisqu'elle considère que la décision frappée d'extranéité est intiment liée à l'acte de cession des actions ; Que dès lors, les juges d'appel ont bien donné une base légale à leur décision ;
Du moyen pris de la violation de l'article 652 en ses alinéas premier et dernier :
Considérant qu'il résulte des dispositions des articles 108 et 110 du code de procédure civile que la nullité des actes pour vice de forme doit être soulevée « in limine litis » notamment avant toute défense au fond ; que pour prospérer l'auteur de l'exception de nullité doit également prouver le préjudice que lui cause l'irrégularité ; que Ai Ac dans un ouvrage qui fait référence, la cassation en matière civile, soutient la même analyse puisqu'il écrit que pour obtenir la sanction de l'irrégularité dans la composition de la juridiction de renvoi, celle- ci doit être soulevée « in limine litis » devant les juges du fond, ce qui n'a pas été fait par le demandeur au pourvoi ;
Considérant que pour le second volet du moyen le texte visé ne peut pas recevoir une application puisqu'il s'agit ici du rapport entre un arrêt de cassation avec renvoi rendu par la Chambre Commerciale et non d'une décision prise par les Chambre Réunies ; Le moyen doit en conséquence être rejeté.
PAR CES MOTIFS :
En la forme : reçoit le pourvoi ; Au fond : Le rejette comme mal fondé ; Ordonne la confiscation de l'amende de consignation ; Met les dépens à la charge du demandeur.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement les jour, mois et an que dessus.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER./.