20060822149
COUR SUPREME DU MALI SECTION JUDICIAIRE
2ème Chambre Civile
POURVOI N°297 DU 11 SEPTEMBRE 2003 ARRET N° 149 DU 22 AOÛT 2006
RECLAMATION D'OBJET -TRANSPORT AERIEN- CONVENTION DE VARSOVIE -EXECUTION DU CONTRAT DE TRANSPORT-VIOLATION DE LA LOI PAR FAUSSE APPLICATION
Vu l'article 18 de la convention de Varsovie du 12 octobre 1929.
Attendu que cet article pose en principe que le transporteur aérien est responsable des pertes et avaries causées aux marchandises pendant la période où elles sont sous sa garde, que ce soit à terre, à bord de l'appareil ou dans un lieu quelconque en cas d'atterrissage en dehors d'un aérodrome.
Attendu que le pourvoi reproche à l'arrêt déféré d'avoir appliqué au cas de l'espèce des dispositions de la convention de Varsovie réglant les cas d'avarie ou de retard dans la livraison des bagages ou marchandises (article 26 de la convention) alors que Ac X n'a jamais reçu ses bagages qui n'ont jamais été retrouvés ; qu'il s'agit d'un cas de perte totale de bagages (article 18 de la convention).
Attendu dès lors qu'il parait évident que l'arrêt déféré applique au cas de l'espèce un texte de loi qui ne le régit pas ; que le grief de violation de la loi par fausse application est, en cela, fondé et mérite d'être accueilli.
La Cour :
Après en avoir délibéré conformément à la loi :
EN LA FORME :
Par acte n°297 du 11 septembre 2003 le sieur Ac X a déclaré se pourvoir en cassation contre l'arrêt n°408 du 10 septembre 2003 de la Chambre Civile de la Cour d'Appel de Bamako dans une instance en réclamation d'objet qui l'oppose à la Compagnie de Transport Aa Ab CA) représentée par Ac B ; Le demandeur au pourvoi a payé l'amende de consignation et produit mémoire ampliatif par l'intermédiaire de son conseil Maître Mamadou Sylla ; Le pourvoi est donc recevable en la forme.
AU FOND : Le demandeur a produit trois moyens de cassation ;
I. Violation de la règle de droit par fausse application :
En ce que pour le débouter de sa demande A invoque sans le préciser expressément les dispositions de l'article 26-2 de l'article 4 de la convention de Varsovie relative à la responsabilité du transporteur ; que cette disposition prévoit les cas d'avarie ; Que pour la perte de bagage c'est plutôt l'article 18 de la convention de Varsovie qui le régit ; Que les dispositions de l'article 26 de la Convention de Varsovie invoquées par l'arrêt déféré ne peuvent s'appliquer au cas de Ac X dont les bagages enregistrés et accompagnés sur le même vol ont été totalement perdus.
II. Défaut de base légale :
En ce que le défaut de base légale est constitué par une insuffisance de motivation de la décision attaquée qui empêche la Cour Suprême d'exercer son contrôle sur la régularité de la décision ou plus exactement de vérifier que les juges du fond ont fait une bonne application de la règle de droit ; Que l'arrêt considère qu'il s'agit d'un cas de perte de bagage et non de dommages causés aux bagages et que d'après la convention de Varsovie relative au transport aérien le voyageur dont le bagage est perdu doit fournir la souche de son billet, le talon du bagage perdu, la lettre d'inventaire dans 7 jours ; Que l'arrêt en stipulant que Ac X n'a pas apporté la preuve de l'existence de ces formalités, alors qu'à ce niveau aucune formalité n'est exigée par la convention de Varsovie ; Que la Cour Suprême n'est pas à mesure d'exercer son contrôle sur la régularité de la décision ; Que la Cour d'Appel en déclarant que le mémorant n'a pas apporté la preuve de l'existence des bagages d'une part et le retard dans la protestation d'autre part, manque de base légale à sa décision.
III. Troisième moyen : violation de l'article 18 :
En ce que l'arrêt encourt cassation à l'examen de l'application de l'article 9 du Code de Procédure Civile, Commerciale et Sociale alors qu'en l'espèce il y'a une présomption de responsabilité selon la convention de Varsovie (art 18) dès lors que les bagages sont perdus à l'embarquement et à l'arrivée du vol, c'est donc A de faire la preuve qu'elle n'a pas embarqué les bagages ; Qu'aux termes de l'article 18 de la convention de Varsovie (al 1er) le transporteur est responsable du dommage survenu en cas de destruction, perte ou avarie de bagages enregistrés ou de marchandises lorsque l'évènement qui a causé le dommage s'est produit pendant le transport aérien ; Que la jurisprudence considère que le transport aérien, au sens de l'alinéa 1er, comprend la période pendant laquelle les bagages ou marchandises se trouvent sous la garde du transporteur (C. Paris 5e Chambre A.2-12 -1987, UTA) que ce soit dans un aérodrome où à bord d'un aéronef ou dans un lieu quelconque en cas d'atterrissage en dehors d'un aérodrome ; Que cette responsabilité ne prend fin que lorsque les marchandises ont été délivrées aux destinataires ; Qu'en exigeant que Ac X apporte la preuve de l'existence de bagages transportés alors que les coupons, talons et billets sont envoyés à la A contrairement à l'article 18, il y a violation de la convention de Varsovie ; Le mémorant conclut à la cassation de l'arrêt ; Le mémoire a été notifié au conseil de la partie adverse Maître Yéhiya TOURE qui réplique et demande le rejet pur et simple du pourvoi de Monsieur Ac X ;
ANALYSE DES MOYENS : Sur les trois moyens réunis ; Vu l'article 18 de la convention de Varsovie du 12 octobre 1929 ;
Attendu que cet article pose en principe que le transporteur aérien est responsable des pertes et avaries causées aux marchandises pendant la période où elles sont sous sa garde, que ce soit à terre, à bord de l'appareil ou en un lieu quelconque d'atterrissage en dehors d'un aérodrome ;
Attendu que le pourvoi reproche à l'arrêt déféré d'avoir appliqué au cas de l'espèce des dispositions de la convention de Varsovie réglant les cas d'avarie ou de retard dans la livraison des bagages ou marchandises alors que Ac X n'a jamais reçu ses bagages qui n'ont jamais été retrouvés ; qu'il s'agit d'un cas de perte totale de bagages ;
Attendu que pour débouter Ac X de sa demande, l'arrêt attaqué énonce : « Considérant que pour le cas présent il s'agit de la perte totale de bagages ; Considérant que ce cas est régi par la convention de Varsovie relative au transport aérien ; que selon cette convention le voyageur dont le bagage est perdu doit fournir la souche de son billet, le talon de bagage perdu, la lettre d'inventaire 7 jours après la perte ; que Ac X. n'a pu justifier l'accomplissement des formalités ci-dessus prévues. dans la réclamation de ses bagages » ;
Attendu que cette motivation procède d'une confusion terrible entre plusieurs dispositions de la Convention de Varsovie notamment les articles 18 et 26 de ladite convention ; Qu'en effet la procédure de réclamation évoquée dans les motifs de l'arrêt concerne les seuls cas d'avarie et de retard prévus à l'article 26 de la convention qui dispose : « Article 26 :
La réception des bagages et marchandises sans protestation par le destinataire constituera présomption, sauf preuve contraire que les marchandises ont été livrées en bon état et conformément au titre de transport ;
En cas d'avarie, le destinataire doit adresser au transporteur une protestation immédiatement après la découverte de l'avarie et, au plus tard, dans un délai de sept jours pour les bagages et de quatorze jours à dater du jour où le bagage ou la marchandise auront été mis à sa disposition ;
Toute protestation doit être faite par réserve inscrite sur le titre de transport ou par un autre écrit expédié dans le délai prévu pour cette protestation ;
A défaut de protestation dans les délais prévus, toutes actions contre le transporteur sont irrecevables, sauf le cas de fraude de celui-ci » ;
Attendu qu'il est constant, comme l'affirme l'arrêt lui-même, que le cas présent est un cas de perte de bagage ; Que pour ce cas l'application de l'article 18 de la convention parait mieux indiquée ; que cet article dispose:
Article 18 :
le transporteur est responsable du dommage survenu en cas de destruction, perte ou avarie de bagages enregistrés ou de marchandises lorsque l'évènement qui a causé le dommage s'est produit pendant le transport aérien ;
le transport aérien, au sens de l'alinéa précédent, comprend la période pendant laquelle les bagages ou marchandises se trouvent sous la garde du transporteur, que ce soit dans un aérodrome ou à bord d'un aéronef ou dans un lieu quelconque en cas d'atterrissage en dehors d'un aérodrome ;
La période du transport aérien ne couvre aucun transport terrestre, maritime ou fluvial effectué en dehors d'un aérodrome. Toutefois, lorsqu'un tel transport est effectué dans l'exécution du contrat de transport aérien en vue du chargement, de la livraison, ou du transbordement, tout dommage est présumé, sauf preuve contraire, résulte d'un évènement survenu pendant le transport aérien » ;
Attendu dès lors qu'il paraît évident que l'arrêt déféré applique au cas de l'espèce un texte de loi qui ne le régit pas ; que le grief de violation de la loi par fausse application est, en cela, fondé et mérite d'être accueilli ;
Attendu que les autres moyens du pourvoi se fondent ou s'arriment au grief visé ci-dessus et doivent être accueillis en même temps ; Que l'arrêt déféré mérite la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
En la forme : reçoit le pourvoi ; Au fond : Casse et annule l'arrêt déféré ; Renvoie la cause et les parties devant la Cour d'Appel De Bamako autrement composée ; Ordonne la restitution de l'amende de consignation ; Met les dépens à la charge du trésor Public.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement les jour, mois et an que dessus.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER./.