2eme CHAMBRE CIVILE
ARRET N°80 du 12/03/2012
Tierce opposition.
Successions- Représentation- Conditions : articles 725, 742 et 750 du Code Civil français.
La représentation étant une fiction de la loi dont l’effet est de faire entrer les représentants dans la place, dans le degré et dans les droits du représenté, n’encourt pas la cassation pour violation de la loi (articles 725, 742 et 750 C.Civ), l’arrêt qui relève que les demandeurs au pourvoi, qui sont les enfants d’un frère prédécédé du de cujus sans héritiers en ligne directe et sans conjoint survivant, se trouvent exclus de la succession de celui-ci, par la présence de leurs oncles qui lui ont survécu.
I - FAITS ET PROCEDURE :
Le 21 novembre 2003 A décéda en France sans laisser ni conjointe survivante, ni enfant, ni père et mère.
Le 09 janvier 2006 A et Af A frères du de cujus, furent sur leur demande, déclarés seuls héritiers connus de celui-ci suivant jugement n°7 du tribunal civil de la commune II du district de Bamako. Trois ans après, I. Cet sept autres neveux et nièces du défunt se firent également désignés héritiers de leur feu oncle A par jugement n°274 du 23 juin 2006 de la même juridiction.
Devant ces deux jugements paraissant en contradiction, Ac et A firent citer leurs neveux devant le même tribunal de la commune II en tierce opposition contre la deuxième décision en date.
Par jugement n°285 du 6 juin 2008 la juridiction saisie ordonna la rétractation de la décision n°274 du 23 juin 2006. Sur appel de I. C et sept autres, cette décision fut annulée par la cour d’appel qui statuant par évocation prononça la rétractation du même jugement n°274 du 6 juin 2008 et cela par arrêt n°389 du 23 juin 2010.
C’est contre cet arrêt que Ae. Aa et ses frères ont formé pourvoi.
II - EXPOSE DES MOYENS :
Les demandeurs au pourvoi soulèvent un moyen unique de cassation tiré de la violation de la loi et pris en deux branches.
Première branche: défaut de motivation :
En posant que « le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens ; il doit être motivé à peine de nullité » ; le pourvoi reproche à l’arrêt attaqué, de s’être dans une motivation sommaire, contenté d’affirmer qu’il ressort des pièces versées au dossier que A est exclu de la succession de A et s’est déterminé sur le seul visa des déclarations de Ac et Ah A sans faire une quelconque analyse des éléments sur lesquels ceux-ci formulent leurs prétentions alors qu’il est de jurisprudence d’une part que le seul visa des documents de la cause et la seule référence aux débats sans aucune analyse ne constituent pas une motivation suffisante au sens de l’article 463 du CPCCS ; et d’autre part que le défaut de base légale est constitué lorsque les constatations de fait sont insuffisantes pour justifier de l’application de la règle de droit (civ. 1er 22 nov 1946 ; Bull civ n°635 ; civ 24 juillet 1946 – J CP 1946. II 3301) ;
Que la seule évocation de l’article 725 et suivants du CC ne saurait à elle seule servir de motivation suffisante, pour justifier juridiquement l’application des dites dispositions légales ;
Que l’arrêt mérite donc la censure de la cour suprême.
Deuxième branche: le refus d’application de la loi :
Le pourvoi reproche à l’arrêt attaqué d’avoir rétracté le jugement qui désigne les demandeurs au pourvoi comme héritiers de feu A alors qu’en vertu des dispositions des articles 750 et 742 du CC ils ont vocation à succéder à leur oncle autant que Ad et Ab A ; que l’arrêt entrepris en visant les articles 725 et suivants du code civil comme base de sa motivation, inclut du coup les articles 742 et 750 du même code civil ; qu’en n’adoptant pas les conséquences juridiques découlant de ces articles, l’arrêt querellé a pêché par refus d’application de la loi et mérite d’être censuré.
III – ANALYSE DU MOYEN :
Du défaut de motivation : Attendu que par ce moyen il est reproché à l’arrêt attaqué de s’être pour rétracter le jugement n°274 du 23 juin 2006, contenté comme toute motivation, d’affirmer qu’il ressort des pièces versées au dossier que A est exclu de la succession de A, alors d’une part que l’article 463 du CPCCS exige qu’un jugement soit motivé à peine de nullité et alors d’autre part, qu’il est de jurisprudence que le seul visa des documents de la cause et la seule référence aux débats sans analyse aucune, ne constituent pas une motivation insuffisante pas plus que la seule évocation des dispositions de l’article 725 et suivants du code civil ;
Mais attendu que « le défaut de motivation suppose une véritable absence de toute justification de la décision qui rend impossible tout contrôle de la cour de cassation ; qu’ainsi la cassation pour défaut de motifs sera prononcée en vertu de l’article 463) dans des hypothèses où l’arrêt ne contient aucune justification en droit, et surtout en fait de la décision rendue » (Marie Noëlle Jobard- Bachellier, Xavier Bachellier dans La Technique de cassation page 169) ;
Attendu qu’en l’espèce les juges du fond pour justifier leur décision ont retenu « qu’il apparaît des éléments du dossier que A pour être décédé le 17 mai 1993 est exclu de la succession de feu A décédé le 21 novembre 2003, aussi les héritiers de Ag. ne sauraient venir en représentation d’une personne qui lui-même ne peut hériter » ;
Attendu que l’objet du litige est la rétractation de jugements d’hérédité qui nécessairement contiennent les références des actes de décès des de cujus ; qu’il suit que les juges du fond en se déterminant comme ils l’ont fait ont suffisamment motivé leur décision et ont permis à la cour le contrôle qui est le sien ;
Qu’il s’ensuit que ce moyen doit être rejeté.
Deuxième branche : refus d’application de la loi :
Attendu qu’il est reproché à la décision attaquée d’avoir rétracté le jugement ayant désigné les demandeurs au pourvoi comme héritiers de feu A alors que ceux-ci ont, en vertu des dispositions des articles 750 et 742 du CC, vocation à succéder à leur oncle autant que Ac et Ah A ; que l’arrêt en visant l’article 725 et suivants CC comme base de motivation, inclut du coup les articles 742 et 750 et se devait de tirer les conséquences juridiques de ces éléments ; qu’en ne l’ayant pas fait, l’arrêt mérite la censure pour refus d’application de la loi ;
Attendu qu’il y a violation de la loi par fausse application ou refus d’application de la loi lorsque « qu’à partir de faits matériellement établis, correctement qualifiés, les juges du fond ont fait une mauvaise application de la loi au prix d’une erreur… soit qu’ils aient ajouté à la loi une condition qu’elle ne pose pas, soit qu’ils aient refusé d’en faire application à une situation qui manifestement rentrait dans son champ d’application » (Marie Noëlle Jobard et Xavier Bachellier dans « La Technique de Cassation » page 138) ;
Attendu que les articles 725, 742 et 750 du CC sont ainsi conçus :
Article 725 : pour succéder, il faut nécessairement exister à l’instant de l’ouverture de la succession.
Ainsi sont incapables de succéder :
1°) celui qui n’est pas encore conçu ;
2°) l’enfant qui n’est pas né viable ;
Peut succéder celui dont l’absence est présumée selon l’article 112 » ;
Article 742 : En ligne collatérale, la représentation est admise en faveur des enfants et descendants de frère ou sœur du défunt, soit qu’ils viennent à sa succession concurremment avec des oncles ou tantes, soit que tous les frères du défunt étant décédés, la succession se trouve dévolue à leurs descendants en degrés égaux ou inégaux » ;
Article 750 : En cas de prédécès des père et mère d’une personne morte sans postérité, ses frères ou leurs descendants sont appelés à la succession, à l’exclusion des ascendants et des autres collatéraux.
Attendu que l’article 725 sus cité pose le principe que pour succéder, il faut exister nécessairement à l’instant de l’ouverture de la succession et donc il faut survivre au défunt ;
Attendu que c’est à cet égard que l’article 742 admet la représentation en faveur des enfants et des descendants des frères et sœurs du défunt, lorsque les auteurs de ceux-ci bien que n’existant plus ont tout de même survécu à leur frère défunt ;
Attendu que cela résulte nettement de l’article 739 CC qui pose que « la représentation est une fiction de la loi, dont l’effet est de faire entrer les représentants dans la place, dans le degré et dans les droits du représenté » ;
Attendu qu’il résulte de l’analyse de ces dispositions que les demandeurs au pourvoi pouvaient prétendre à la succession de leur oncle A dans deux cas de figure :
Si A était décédé avant leur père A en représentation duquel, ils pouvaient venir concurremment à leurs oncles ;
Si tous les frères de feu A étaient prédécédés ;
Attendu qu’aucune de ces deux conditions n’étant en l’espèce remplie il apparaît que les demandeurs au pourvoi se trouvent exclus de la succession de feu A par la présence de leurs oncles Ac et A qui seuls ont survécu à feu A lequel n’a laissé ni père, ni mère, ni conjointe, ni postérité ;
Attendu qu’il, s’ensuit que le moyen n’est pas pertinent et mérite d’être rejeté.
…Le rejette comme mal fondé ;…