ARRET N° 06 DU 20 MARS 2012.
Réclamation de Somme.
Transport terrestre de marchandises- Acte Uniforme OHADA- Champ d’application- Moyen de cassation- Moyen de pur droit.
L’Acte Uniforme sur le transport terrestre des marchandises ne saurait concerner les actions portant sur les frais de transport des marchandises car il n’y a ni perte ni avarie ou retard dans la livraison des marchandises.
La Cour Suprême, lorsqu’elle constate que la décision soumise à sa censure n’a pas tiré des faits constatés par elle, les conséquences qui en découlent nécessairement peut d’office suppléer par un moyen de pur droit à la carence des parties.
Faits et Procédure :
Monsieur B. T, Commerçant Import – Export a conclu courant 2009, un contrat de transport avec Monsieur M. N.
Ledit contrat portait sur deux camions remorques pour effectuer les transports du sel de Kaolac à Bamako en cinq voyages.
Par exploit en date du 22 juin 2010, Monsieur Aa Ab a assigné Monsieur M. N devant le Tribunal de Commerce de Bamako pour voir condamner ce dernier au paiement de la somme de 4. 500. 000 F CFA représentant le reliquat des sommes perçues par lui au titre dudit contrat.
Le Tribunal de commerce a, par jugement n° 105 du 2 février 2011, rendu en dernier ressort, rejeté l’exception d’irrecevabilité soulevée par le conseil du défendeur et condamné M. N à payer à B. T la somme de 4. 500. 000 F CFA au principal et celle de 300. 000 F à titre de dommages intérêts ;
C’est contre ce jugement qu’est dirigé le présent pourvoi.
Exposé des moyens
Le demandeur au pourvoi, sous la plume de son conseil le cabinet d’Avocats EXAEQUO-Droit-Mali, soulève un moyen de cassation tiré de la violation de la loi en deux branches.
- Première branche du moyen tiré de la violation de l’article 25 de l’Acte Uniforme se l’OHADA portant droit de transport
En ce que s’agissant d’un contrat de transport de cargaison de sel de Kaolac (Sénégal) à Bamako, les dispositions de l’Acte Uniforme susvisé doivent s’appliquer ;
Que l’article 25 de l’Acte Uniforme indique :
« Toute action découlant ‘un transport régi par le présent acte uniforme se prescrit par un an à compter…
L’action n’est recevable que si une réclamation écrite a été préalablement faite au premier transporteur ou au dernier au plus tard 60 jours après la date de la livraison de la marchandise ou à défaut de livraison au plus tard 6 mois après la prise en charge de la marchandise ».
Que le même texte indique qu’ « une réclamation écrite est notifiée au transporteur sous peine d’irrecevabilité de tout recours ou réclamation contre lui ».
Que depuis la livraison des trois cargaisons de 40 tonnes dont la dernière a été faite le 2 Avril 2010, aucune réclamation n’a été expressément notifiée par le client au transporteur conformément aux prescriptions de ce texte ;
Que dans ses conclusions, le transporteur a mis au défi le sieur B. T de prouver qu’il s’était acquitté de cette formalité ;
Que pire, le juge n’a même pas répondu à cette question ;
Qu’il s’est borné à gloser sur la prescription annuelle alors qu’il s’agit de l’administration de la preuve d’une réclamation ;
Que le jugement attaqué doit pour cela être cassé ;
- Deuxième Branche du Moyen tiré de la Violation de l’article 18 al 1 de l’Acte Uniforme portant droit de Transport :
En ce que ledit article dispose : « L’indemnité pour avarie ou perte de la marchandise est calculée d’après la valeur de la marchandise et ne peut excéder 5000 francs par kilogramme de poids brut de la marchandise » ;
Que le calcul n’ayant pas été fait selon cette règle, le jugement attaqué a violé les dispositions du texte susvisé et s’expose à la cassation ;
Monsieur B. T défendeur au pourvoi a par le truchement de son conseil Maître Tidiany MANGARA, produit un mémoire en réplique par lequel il demande le rejet du pourvoi ;
Analyse
Le demandeur au pourvoi soulève un moyen unique de cassation tiré de la violation de la loi en deux branches :
- la violation de l’article 25 de l’AU-OHADA sur le transport.
- la violation de l’article18 al2 du même texte.
Sur la Première Branche du Moyen : Violation de l’article 25 AU. OHADA sur le transport.
Attendu que par ce moyen, le demandeur reproche à l’arrêt attaqué d’avoir déclaré recevable la demande de B. T alors que celui-ci n’a pas au préalable notifié une réclamation écrite au transporteur ;
Mais attendu en l’espèce que si le contrat porte sur le transport de marchandises, l’action de Monsieur B. T vise à se faire rembourser le reliquat de la somme versée par lui pour le transport de ses marchandises ;
Que dans ce cas, les dispositions de l’acte Uniforme ne s’appliquent pas puis qu’il ne s’agit pas de perte, d’avarie ou de retard dans la livraison de marchandises remises au transporteur.
Que dès lors cette branche du moyen doit être rejetée ;
II°/ Sur la deuxième Branche du Moyen : Violation de l’article 18 de l’AU.OHADA relatif aux contrats de transport.
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé les dispositions du texte susvisé qui sont ainsi conçues.
« L’indemnité pour avarie ou perte totale ou partielle de la marchandise est calculée d’après la valeur de la marchandise et ne peut excéder 5000F CFA par Kilogramme …»
Mais attendu qu’à l’espèce, il ne s’agit ni de perte, ni d’avarie, mais d’inexécution d’un contrat de transport.
Que les dispositions du texte visé qui concernent l’indemnisation pour perte ou avarie, ne peuvent s’appliquer.
Que dès lors, cette autre branche du moyen ne saurait prospérer.
Attendu cependant que le juge a l’obligation de trancher les litiges qui lui sont soumis conformément aux lois qui régissent la matière alors même que l’application de ces lois n’aurait pas été expressément requise par les parties. Civ 1ère 16 nov 1960 à 1961 7, note Holleaux.
Ainsi lorsqu’il est saisi d’un litige, le juge doit vérifier même d’office que les conditions d’application de la loi sont remplies ; il lui incombe le cas échéant, de relever d’office le défaut d’une justification d’un grief et l’appréciation des éléments de preuve.
De même, lorsque la Haute Juridiction constate que la décision n’a pas tiré des faits constatés par elle, les conséquences légales qui en découlent nécessairement, elle peut d’office suppléer par un moyen de pur droit, à la carence des parties ;
Attendu que dans le cas d’espèce ; Monsieur M. N avait précisé dans ses conclusions en date du 22 juillet 2010, que sur les cinq Cargaisons de sel indiqués dans le contrat, il en n’avait livré 3 et avait produit des documents pour le prouver ;
Qu’en refusant de prendre en compte tous les documents produits sans explication et en affirmant que « Le Sieur Ac a reçu livraison de seulement deux (2) voyages de 30 tonnes soit 60 tonnes, le jugement entrepris ne s’est pas donné de base légale, si l’on sait en matière commerciale que la preuve peut se faire par tous moyens ;
…Casse et annule le jugement entrepris ;
Renvoie la cause et les parties devant le tribunal de commerce de Bamako autrement composé ; …