2eme CHAMBRE CIVILE
ARRET N°53 du 11/03/2013
Réparation de préjudice.
Sommaire :
Moyens de cassation : Violation de la loi.
Ne permet pas le contrôle de la Cour suprême, un arrêt qui, sans aucune référence précise et circonstanciée sur les faits allégués, confirme le jugement soumis à sa censure.
FAITS ET PROCEDURE :
La parcelle de A sise à Kalabancoro village étant dans l’emprise aéroportuaire, C lui propose ses services pour lui trouver une parcelle de compensation.
A qui résidait en France lui remit alors sa lettre d’attribution. Il a été attribué à A une parcelle à Kabala mais d’après lui cette parcelle serait vendue par C ; par contre selon ce dernier A a refusé la dite parcelle qui a été attribuée à une autre personne.
Au terme d’un protocole d’accord du 18 Janvier 2009, C s’engageait à trouver, au plus tard le 15 Janvier 2010 une parcelle de compensation dans un lotissement du cercle de Kati.
N’ayant pas eu satisfaction dans le delai il saisit le tribunal de Kati d’une requête aux fins de réparation de préjudice.
Par jugement n°187 du 14 Juin 2010, le tribunal civil de Kati déclare recevable et bien fondée la demande principale et rejette la demande reconventionnelle comme étant mal fondée. Condamne C à payer au requérant:
3.500.000 FCFA du titre de la parcelle compensée
300.000 FCFA au titre du remboursement des deux chambres
500.000 FCFA au titre des dommages intérêts.
Ordonne l’exécution provisoire pour les 2/3 des montants alloués soit 2.900.000 FCFA. Déboute le demandeur du surplus de ses demandes.
Sur appel de C et sur appel incident de A, la Cour d’appel de Bamako confirme le jugement entrepris par arrêt n°0497 du 31 Août 2011.
C’est contre cet arrêt que les deux parties formèrent pourvoi.
PRESENTATION DES MOYENS :
Moyens présentés par Maître Tiécoura Samaké pour le compte de C.
Le demandeur au pourvoi par l’organe de son conseil Maître Tiécoura Samaké soulève deux moyens de cassation tirés de la violation des dispositions des articles 125 et 77 du RGO du Mali doublé de la dénaturation des faits et de la nature du litige et de la violation de l’article 463 du CPCCS du Mali pour motivation inexacte voir défaut de motif.
Sur le premier moyen tiré de la violation des articles 125 et 77 du R.G.O doublé de la dénaturation des faits et de la nature du litige :
Sur la violation de l’article 125 du RGO :
En ce que le demandeur C n’a commis aucune faute pouvant causer un dommage à l’intimé A, qu’il n’a ni détourné, ni vendu la parcelle litigieuse mais elle a été prise par la zone aéroportuaire ; qu’aucune preuve de la vente de ladite parcelle n°771/L du lotissement de Kalabancoro Sud Est dont le duplicata de la lettre d’attribution est toujours à son nom par C n’a été versée au dossier.
Qu’en confirmant le premier jugement la cour d’appel a violé l’article 125 du RGO et sa décision mérite la censure de la haute cour.
Sur la violation de l’article 77 du R.G.O :
En ce qu’un protocole d’accord liait le demandeur C à l’intimé A relatif à la régularisation de la parcelle n°771/L du lotissement de Kalabancoro Sud Est ; que le demandeur s’engageait à trouver une parcelle de terrain à usage d’habitation dans un lotissement du cercle de Kati pour compensation ;
Que A a accepté les clauses de ce protocole d’accord ;
Que C devait remettre une parcelle de compensation à L dans un délai de un (1) an dans un lotissement du cercle de Kati ;
Qu’en proposant successivement trois lots situés dans le cercle de Kati à A, le demandeur au pourvoi a bien exécuté le protocole d’accord ;
Que les juges du fond devaient constater la bonne exécution dudit protocole d’accord et débouter A de son action.
Qu’en suivant le premier juge, les juges d’appel ont violé l’article 77 du R.G.O ; que par conséquent leur décision mérite la censure de la haute cour.
Sur la dénaturation des faits et de la nature du litige :
En ce que A a acquis la parcelle n°771/L à Kalabancoro Sud Est dans la zone aéroportuaire qui est du domaine de l’utilité publique ;
Que le juge d’appel dans sa tentative de motiver sa décision, a dénaturé les faits et la nature du litige ;
Qu’à la lecture des moyens de l’intimé A, on se croit en présence d’un procès pénal quand il dit ceci « C a détourné et vendu sa parcelle, B a usé de fausses promesses et de manœuvres frauduleuses pour se faire remettre par lui l’intimé l’orignal de sa lettre d’attribution n°896 du 23/11/1998, que les juges du fond devraient tirer toutes les conséquences de droit des déclarations de A et le renvoyer à mieux se pourvoir devant une juridiction pénale.
Que n’ayant pas fait les juges du fond ont dénaturé les faits et la nature du litige et par conséquent leur décision doit être censurée.
Sur le deuxième moyen tiré de la violation de l’article 463 du CPCCS du Mali pour motivation inexacte voire défaut de motif :
En ce que l’arrêt querellé souffre énormément du défaut de motif ; que les juges se contentent de dire ceci « Considérant que des débats et du dossier, il ressort que les parties ne font que répondre devant la cour leurs arguments de droit et de fait des circonstances de la cause déjà développés devant le juge d’instance ;
Qu’en l’absence donc d’éléments nouveaux soumis à son appréciation, la cour estime que le juge d’instance par des motifs qu’elle approuve a fait une bonne appréciation des faits et une saine application de la loi. »
Que cette motivation des juges d’appel ne permet pas à la Cour Suprême d’exercer son contrôle sur la bonne application de la loi ; qu’il échet par conséquent de casser sans renvoi l’arrêt déféré pour violation de l’article 463 du CPCCS.
Moyens présentés par Maître Beydi Traoré pour le compte de A :
Le demandeur au pourvoi A par l’organe de son conseil Maître Beydi Traoré soulève un moyen unique de cassation.
Du moyen tiré de la violation de l’article 115 du Régime général des Obligations :
En ce que le premier juge et les juges d’appel ont méconnu l’article 115 de la loi n°87-31/ANRM fixant le régime général des obligations qui dispose que « l’évaluation du dommage se fait au jour du jugement ou de l’arrêt » qu’à la date du premier jugement déjà la valeur des parcelles à usage d’habitation de Kabala sur le marché de l’immobilier atteignait facilement 10.000.000 FCFA et plus d’un an plus tard elle a pu dépasser ce montant en raison de la variation rapide des prix ; quant à la valeur des deux chambres le juge s’est également référé « au prix des matériaux de construction à l’époque » alors que là également il s’agit de retenir la valeur actuelle ;
Qu’au regard de ce qui précède l’arrêt confirmatif querellé mérite d’être cassé.
Attendu que dans son mémoire en réplique au mémoire ampliatif de Maître Tiécoura Samaké pour le compte de C, Maître Beydi Traoré pour le compte de A sollicite de rejeter les moyens soulevés par C, de faire droit au moyen unique présenté dans son mémoire ampliatif, de casser l’arrêt querellé et de renvoyer l’affaire et les parties devant la cour d’appel de Bamako autrement composée.
ANALYSE DES MOYENS :
Moyens présentés par Maître Tiécoura Samaké pour le compte de C :
1°- Sur le premier moyen tiré de la violation des article 125 et 77 du RGO doublé de la dénaturation des faits et de la nature du litige :
Sur la violation de l’article 125 du RGO :
Il est reproché à l’arrêt querellé la violation de l’article 125 du RGO qui stipule : « Toute personne qui par sa faute, même d’imprudence, de maladresse ou de négligence cause à autrui un dommage est obligé de le réparer »
Attendu que selon le pourvoi le demandeur n’a commis aucune faute pouvant causer un dommage à l’intimé A.
Attendu que l’objet du litige est la réparation du préjudice ;
Que la Cour en confirmant le jugement d’instance en adoptant les motifs, ne viole nullement les dispositions de l’article 125 du RGO.
Sur la violation de l’article 77 du Régime Général des Obligations :
Il est reproché à l’arrêt querellé la violation de l’article 77 du RGO.
Attendu que le texte dont la violation est alléguée est ainsi conçu : « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi. »
Attendu qu’il est constant qu’un protocole d’accord a été établi entre les parties, que l’arrêt ne remet pas en cause ce protocole.
Que de ce fait l’arrêt ne viole nullement cette disposition.
Sur la dénaturation des faits et de la nature du litige :
Il est reproché à l’arrêt querellé la dénaturation des faits et la nature du litige.
Attendu que selon le demandeur au pourvoi les juges du fond devraient tirer toutes les conséquences de droit des déclarations de A et de le renvoyer à mieux se pourvoir devant une juridiction pénale, qu’en ne le faisant pas ils ont dénaturé les faits et la nature du litige.
Attendu que la dénaturation suppose un écrit produit devant la Cour et dont le sens clair et précis n’appelant aucune interprétation, a été dénaturé par les juges du fond.
Attendu qu’en l’espèce la dénaturation d’un écrit peut faire l’objet d’un pourvoi et non celle d’un fait. Qu’il y a lieu de déclarer que le moyen soulevé est irrecevable.
Sur le deuxième moyen tiré de la violation de l’article 463 du CPCCS pour motivation inexacte voire défaut de motifs :
Il est reproché à l’arrêt querellé la violation de l’article 463 du CPCCS en ce que les juges du fond se sont contentés de motiver simplement en ces termes :
« Considérant que des débats du dossier il ressort que les parties ne font que reprendre devant la Cour leurs arguments de droit et de fait des circonstances de la cause déjà développés devant le juge d’instance, que l’absence donc d’éléments nouveaux soumis à son appréciation, la cour estime que le juge d’instance par des motifs qu’elle approuve a fait une bonne appréciation des faits et une saine application de la loi »
Que cette motivation ne permet pas à la Cour Suprême d’exercer son contrôle.
Attendu qu’il est établi par une jurisprudence constante « qu’une décision de justice doit se suffire à elle-même et qu’il ne peut être suppléé au défaut ou à l’insuffisance de motifs par le seul visa des documents de la cause et la seule référence aux débats, n’ayant fait l’objet d’aucune analyse » Civ 22 Nov 1965, Bull Civ I n°635.
Que dans le cas d’espèce malgré les dénégations du demandeur, la Cour d’appel en confirmant le jugement d’instance, sans aucune référence précise et circonstanciée qui atteste la véracité des faits allégués ne permet pas en conséquence la Cour Suprême d’exercer son contrôle.
Que le moyen soulevé est pertinent et mérite d’être accueilli.
Moyen unique soulevé par Maître Beydi Traoré :
De la violation de l’article 115 du Régime Général des Obligations :
Il est reproché à l’arrêt attaqué la violation de l’article 115 du RGO en ce qu’à la date du premier jugement la valeur des parcelles à usage d’habitation de Kabala atteignait 10.0000.000 FCFA et plus d’un an plus tard elle a dépassé ce montant, quant à la valeur des deux chambres « au prix des matériaux de construction de l’époque » alors qu’il s’agit de retenir la valeur actuelle.
Attendu que l’article 115 du Régime Général des Obligations (RGO) dispose « L’évaluation du dommage se fait au jour du jugement ou de l’arrêt »
Mais attendu que la question de l’évaluation du dommage relève du pouvoir souverain des juges du fond et échappe par conséquent au contrôle de la Cour Suprême.
Que de ce fait ce moyen ne peut prospérer.
…Casse et annule l’arrêt ;
Renvoie la cause et les parties devant la cour d’appel de Bamako autrement composée ;…