CHAMBRE COMMERCIALE
ARRET N° 18 DU 17 Juin 2014.
Reddition de compte.
SOMMAIRE :
-MOYEN DE CASSATION : motif d’ordre général : celui-ci fait partie du défaut de motif et se caractérise soit par simple affirmation, soit par référence aux débats et aux documents ou éléments de preuves produits sans en donner l’analyse même sommaire.
FAITS ET PROCEDURE :
M. T a bénéficié de concours financiers de la caisse Niako pour les années scolaires 2006-2007, 2007- 2008, 2008-2009 et 2009-2010.
Le 28 juillet 2010 la caisse lui réclamait la somme de 60. 000. 000 F comme solde des différents prêts. En réaction à cette demande, il assignait la caisse en reddition de compte devant le Tribunal de Commerce de Kayes qui par jugement n° 14 du 12 mai 2011 statuait en ces termes : « …..reçoit la requête de Ac ainsi que l’exception d’incompétence soulevée par le conseil de la défenderesse….. déclare l’exception d’incompétence mal fondée et la rejette. Juge que la demande de restitution de M. T est mal fondée et l’en déboute. Fixe le montant du reliquat de la créance qu’il doit à la caisse Niako à trois cent quatre vingt et cinq mille (385. 000) francs…. »
Sur appel de la caisse Niako la Cour d’Appel de Kayes suivant arrêt n° 46 en date du 5 septembre 2012 statuait ainsi qu’il suit : « … Rejette l’exception d’irrecevabilité soulevée par l’intimé comme étant mal fondée, reçoit l’appel de la caisse Niako, le déclare bien fondé, infirme le jugement querellé en toutes des dispositions statuant à nouveau reçoit la requête de la caisse Niako, la déclare bien fondée, condamne M. T à lui payer la somme de 39. 468. 000 F CFA….. » ;
Par acte en date du 23 Août 2012 M. T déclarait se pourvoir en cassation contre cet arrêt.
Il a satisfait aux prescriptions de l’article 632 du CPCCS par le paiement de la consignation et la production d’un mémoire ampliatif régulièrement notifié à la caisse Niako.
PRESENTATION DES MOYENS DE CASSATION :
Contre l’arrêt de la Cour d’Appel de Kayes Ac soulève deux (2) moyens de cassation, tirés de la violation de la loi en deux branches et du défaut de motifs.
1er moyen : La violation de la loi :
1ère branche : la violation de la loi par refus d’application de l’article 556 du décret n° 09-220 P-RM du 11 mai 2009 portant modification du CPCCS, et les articles 113 et 115 CPCCS :
En ce que, l’arrêt a rejeté l’exception de nullité de l’appel au motif que le recours a été fait dans les formes requises par la loi, par un agent agissant au nom et pour le compte de la société muni d’une procuration spéciale signée et légalisée par la directrice de Niako ;
Alors que selon l’article 556 sus visé « la déclaration d’appel est faite par acte contenant à peine de nullité…. si l’appelant est une personne morale sa forme, sa dénomination, son siège social et l’organe qui la représente ;
Que la déclaration d’appel de Niako ne contenant aucune des mentions exigées par l’article 556 il y a lieu d’en tirer la conséquence de droit qui est la nullité.
Qu’en outre aucune mention de la procuration produite devant la Cour ne figurant sur l’acte d’appel, tout porte à croire que la procuration produite par Niako a été fabriquée sur mesure.
Que le défaut de qualité de Aa A à interjeter appel au nom et pour le compte de Niako constitue une irrégularité de fond qui affecte la validité de l’acte selon l’article 113 CPCCS, et, qu’aux termes de l’article 115 CPCCS les exceptions de nullité fondées sur l’inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure doivent être accueillis sans que celui qui les invoque ait à justifier d’un grief alors même que la nullité ne résulterait d’aucune disposition expresse.
2ème branche : la violation de l’article 463 CPCCS :
En ce que, l’arrêt se borne seulement à exposer comme suit :
« Vu les pièces du dossier, ouï les parties et leurs conseils en leurs demandes » sans exposer les prétentions et moyens des parties conformément à l’article 463 CPCCS.
2ème moyen : le défaut de motifs :
En ce que pour infirmer le jugement du tribunal de commerce et condamner M. T au paiement de la somme de 39. 468. 000 F à la caisse Niako l’arrêt comme toute motivation énonce : « Considérant que toutes les pièces produites à l’appui des prétentions sont authentiques ; qu’au regard de tout calcul l’intimé reste encore redevable de la somme de 39.468.000. F ; qu’il echet d’infirmer le jugement querellé, statuer à nouveau, recevoir la requête de reddition de compte de Niako…. » ; alors que la requête émane de M. T et non de la caisse, Niako.
Qu’il s’agit là d’un motif d’ordre général.
La caisse Niako dans sa réplique à conclu principalement à l’irrecevabilité du pourvoi et subsidiairement à son rejet.
Par rapport à l’irrecevabilité, elle explique que ceci est la conséquence de la nullité de la notification de l’arrêt à elle faite, faute de notification entre avocats.
ANALYSE :
Sur la recevabilité du pourvoi :
Si aux termes de l’article 782 CPCCS le défaut de notification entre avocats conduit à la nullité de la notification faite à la partie aucune disposition du CPCCS n’indique que la notification est un préalable à l’exercice du pourvoi pour que la nullité de la notification à une partie, équivalant à un défaut de notification, entraine l’irrecevabilité du pourvoi en cassation. La notification a seulement pour but de faire ouvrir les délais d’exercice du recours.
Aussi, le pourvoi ne peut être déclaré irrecevable faute de notification.
Sur les moyens :
ur le 1er moyen pris de la violation de la loi :
-Sur la 1ère branche tiré de la violation de la loi par refus d’application de l’article 556, 113 et 115 CPCCS :
A travers cette branche du moyen il est reproché à l’arrêt d’avoir rejeté l’exception d’irrecevabilité de l’appel, alors que l’acte d’appel est nul car ne contient aucune des mentions exigées par l’article 556 CPCCS d’une part et celui qui a exercé le recours n’avait aucune qualité à le faire d’autre part.
-Sur la violation de l’article 556 CPCCS ;
L’article 556 dont la violation est dénoncée dispose entre autres que la déclaration d’appel est nulle si elle ne contient les indications relatives à l’appelant et l’intimé ;
C’est ainsi qu’il retient que « ……. si l’appelant est une personne morale les indications sont relatives à sa forme, sa dénomination, son siège social et l’organe qui la représente ».
L’acte d’appel produit au dossier d’instance (cote n° 43) constate la comparution d’un certain Monsieur Aa A, né le 22 décembre 1970, nationalité malienne, agent de crédit domicilié à Kayes légal-Ségou chez son père Ab, et qui représente la caisse Niako.
Aucune des mentions exigées par l’article 556 évoquées ci-dessus n’y figurent.
Cependant pour recevoir l’appel dont l’irrecevabilité avait été sollicitée l’arrêt attaqué énonce «…… qu’au vu de l’acte d’appel établi au greffe du tribunal de céans, le 13 mai 2011 la déclaration d’appel a été faite dans les formes requises par la loi, au jour du prononcé de la décision par un agent agissant au nom et pour le compte de sa société, muni d’une procuration spéciale dûment signée et légalisée par la directrice de Niako le 12 mai 2011…. »
En se déterminant ainsi l’arrêt viole les dispositions de l’article 556 CPCCS par refus d’application ;
Cependant la Cour de céans a déjà jugé que s’agissant de nullité d’acte de procédure, celui qui les invoque doit prouver un grief résultant du défaut des mentions exigées.
M. T n’ayant pas prouvé de griefs, la critique ne peut donc prospérer.
-Sur le second volet de l’irrecevabilité de l’appel qui résulterait du défaut de qualité de Aa A (la violation des articles 113 et 115 CPCCS).
Pour recevoir l’appel comme rapporté ci-dessus, relativement à l’analyse de la violation de l’article 556 l’arrêt retient que « …..la déclaration d’appel a été faite dans les formes requises par la loi au jour du prononcé de la décision par un agent agissant au nom et pour le compte de sa société muni d’une procuration spéciale dûment signée et légalisée par la directrice de Niako le 12 mai 2011…… »
La procuration spéciale dont il s’agit figure au dossier d’instance à la côte 43.
Il n’ya donc aucune irrégularité de fond qui affecte la validité de l’acte.
Sur la 2ème branche du moyen tirée de la violation de l’article 463 CPCCS :
A travers cette branche le moyen fait grief à l’arrêt de n’avoir pas exposé les prétentions et moyens des parties.
Cependant l’expédition de l’arrêt attaqué versée au dossier à la côte 10 prouve le contraire.
Cette branche du moyen manque donc en fait et sera déclarée irrecevable.
Sur le 2ème moyen pris du défaut de motif :
Ce moyen reproche à l’arrêt un défaut de motifs pour avoir procédé par motif d’ordre général.
Il y a défaut de motifs en général si la décision de justice est affectée d’une absence totale de motifs, ou de motifs dubitatifs ou hypothétiques ou de motifs contradictoires.
La décision de justice peut aussi comporter des motifs qui ne servent à rien et ne la mettent nullement à l’abri d’une censure pour violation de l’article 463 CPCCS. Ces motifs cachent en réalité un défaut de motifs voire un défaut de base légale (droit et pratique de la cassation en matière civile 2è édition page 128 n° 324.
Le motif d’ordre général fait partie de ces types de motifs et se caractérisent soit par simple affirmation, ou par la simple voie de visa ou de référence aux débats et aux documents ou éléments de preuve produits, sans en donner l’analyse même sommaire (droit et pratique de la cassation en matière civile 2ème édition page 129 n°329).
Pour infirmer la décision de 1ère instance et condamner M. T au paiement de la somme de 39. 468.000 F CFA l’arrêt retient que « ……toutes les pièces produites à l’appui des prétentions sont authentiques, qu’au regard de tout calcul l’intimé reste encore redevable de la somme de 39. 468. 000 F CFA ; qu’il echet d’infirmer le jugement querellé, statuer à nouveau, recevoir la requête de reddition de compte de Niako…. »
En se déterminant ainsi par la seule référence aux documents de la cause n’ayant fait l’objet d’aucune analyse, même sommaire la cour d’Appel de Kayes n’a pas satisfait aux exigences de motivation de l’article 463 CPCCS.
Le moyen mérite accueil favorable.
…Casse et annule le jugement querellé ;
Renvoie la cause et les parties devant la Cour d’Appel de Kayes autrement composée ;…