CHAMBRE COMMERCIALE
ARRET N° 29 DU 21 Octobre 2014.
Radiation d’hypothèque et réparation de préjudice.
SOMMAIRE :
L’acte établi chez notaire n’est authentique que s’il est signé, daté, et porte le sceau du notaire.
FAITS ET PROCEDURE :
Courant juin 1988, la Bank Of Africa et la SOCOM-SARL ont signé une convention de compte courant. Pour garantir le remboursement des engagements de la SOCOM dans les livres de la BOA, il a été convenu la constitution d’hypothèque sur le droit réel d’emphytéose détenu sur la parcelle de terrain de 45a, sise à la zone industrielle ,objet du titre foncier n°4629 appartenant à l’état du Mali. Deux autres hypothèques ont été consenties sur les titres fonciers 531 et 532 du cercle de Kati pour renforcer les garanties.
Par une convention valant promesse de vente passée à l’étude du notaire Ad Ab A avec Aa Ac, la SOCOM –SARL a procédé à la vente d’une partie de ladite parcelle. Ainsi l’entreprise Aa Ac a occupé la parcelle et a bénéficié aussi de concours financiers de la Bank Of Africa.
Suite à un protocole d’accord en date du 26 -8-2007 mettant fin aux litiges les opposant, la BOA a donné main levée sur les titres fonciers 531 et 532 du cercle de Kati.
Devant le refus de la BOA de faire main levée aussi sur le titre foncier n°4629, la SOCOM –SARL. a assigné la BOA et Aa Ac devant le tribunal de commerce de Bamako en radiation d’hypothèque et réparation de préjudice.
Par jugement n°292 du 13 juin 2012, le tribunal a déclaré irrecevable la demande de la SOCOM –SARL pour défaut de qualité au motif que le titre foncier 4629 est déjà sorti de son patrimoine en raison de la vente intervenue entre elle et Aa Ac.
L’arrêt confirmatif n°20 du 24 avril 2013 de la cour d’appel de Bamako, fait ainsi l’objet du pourvoi formé par la SOCOM –SARL.
EXPOSE DES MOYENS DE CASSATION :
Le conseil de la demanderesse soulève deux moyens de cassation tirés de la violation de l’article 55 de la loi n°96-023 portant statut des notaires en deux branches et de la violation de l’article 7 du CPCCS en deux branches aussi.
I PREMIER MOYEN : VIOLATION DE L’ARTICLE 55 DE LA LOI N° 96-023 PORTANT STATUT DES NOTAIRES :
- Première Branche : Violation par fausse application de l’article 55 de la loi n° 96-023 portant statut des notaires :
En ce que l’acte litigieux versé au dossier par les parties litigantes est une « expédition de l’acte notarié de vente non daté et non signé par maitre Ad Ab A » ;
Alors que l’article 55 du statut des notaires stipule que « chaque notaire est tenu d’avoir un cachet du sceau particulier portant ses nom, prénom, qualité et résidence….. et que les grosses et expéditions des actes portent l’empreinte de ce sceau. » ;
Que ce texte exige l’apposition du sceau du notaire sur ses actes pour leur conférer un caractère authentique et les rendre opposables.
Que l’arrêt attaqué en ne considérant pas cette apposition du sceau comme obligatoire viole le texte sus visé et s’expose à la censure.
Deuxième Branche : Violation de l’article 55 de la loi n°96-023 portant statut des Notaires par fausse application des éléments de la cause :
En ce qu’il ressort de l’expédition de l’acte de vente que le notaire a apposé sa signature et recueilli celles des comparants ;
Alors que l’acte de vente litigieux ne porte ni la signature ni le sceau du notaire Ad Ab A.
Que l’acte de vente versé au dossier n’étant qu’une expédition, il a été établi devant les juridictions de première instance et d’appel qu’ « il n’y a aucun acte notarié de vente ».
Que l’absence d’acte authentique de vente signé par le notaire ne peut être suppléée par une simple attestation unilatéralement établie par le même notaire.
Qu’à supposer que l’acte du notaire fut authentique, la sanction n’eut été une procédure d’inscription de faux, mais une nullité totale à défaut de signature.
Qu’en requalifiant l’acte en acte sous-seing privé, la cour a violé la loi et expose sa décision à la censure.
II DEUXIEE MOYEN : VIOLATION DE LA LOI : ARTICLE 7 DU CPCCS :
Première Branche : Violation par fausse application de l’article 7 du CPCCS :
Le conseil de la demanderesse fait état de la divergence de vue des parties sur le caractère authentique de l’acte délivré par maitre Ad Ab notaire non revêtu de son sceau et du fait que la cour ait considéré le dit acte comme un acte sous seing privé en retenant que l’article 174 du code domanial et foncier accepte pour les baux d’immeuble excédant 3 ans le sous seing privé pour leur inscription.
Il soutient aussi que contrairement à ce qu’a affirmé l’arrêt, il n’est mentionné nulle part dans la convention de promesse de vente entre SOCOM et EOK, que cette dernière lui a payé 140.000.000 FR CFA.
Il en conclut que l’arrêt mérite la censure.
-Deuxième Branche : violation de l’article 7 du CPCCS pour fausse appréciation des éléments de la cause :
La demanderesse indique dans cette branche que la BOA par une convention de compte courant lui avait accordé une ligne de crédit plafonnée à la somme de 84.000.000 FR CFA et qu’en garantie de ce crédit elle avait inscrit une hypothèque sur les titres fonciers n°4629 de Bamako ,531 et 532 de Kati par acte notarié au profit de sa créancière.
Que par acte transactionnel en date du 26 -8- 2007, les parties ont décidé de mettre fin à tous litiges et de prévenir tous ceux à naitre des relations antérieures entre elles.
Qu’en conséquence de cette transaction, la BOA a donné mainlevée d’hypothèque sur les titres fonciers n°531 et 532 de Kati tout en conservant l’hypothèque sur le titre foncier 4629 de Bamako.
Qu’or la transaction entraîne la disparition de l’hypothèque affectée au crédit.
Que la jurisprudence et la doctrine sont unanimes sur ces effets de l’inscription en compte courant, suivi aussi par la restitution des effets (la passation en compte courant vaut paiement et les sûretés disparaissent).
Qu’ainsi depuis la date de la signature de la convention de transaction, l’hypothèque n’avait plus d’objet. Elle sollicite en conséquence la censure de l’arrêt.
Les conseils des défendeurs ont conclu au rejet du pourvoi.
ANALYSE DES MOYENS :
I VIOLATION DE l’ARTICLE 55 DE LA LOI PORTANT STATUT DES NOTAIRES :
Première et Deuxième Branches : Violation par fausse application de l’article 55 de la loi n°96-023 portant statut des Notaires :
Attendu que les première et deuxième branches du moyen interfèrent, il convient de les analyser ensemble.
Il est fait grief à l’arrêt de la violation de la loi par fausse application de l’article 55 du statut des notaires pour avoir considéré comme valable une expédition d’un acte notarié non datée, non signé et non revêtu du sceau du notaire contrairement aux dispositions du dit article.
Attendu que l’article 55 du statut des notaires est ainsi conçu « chaque notaire est tenu d’avoir un cachet du sceau particulier portant ses nom, prénom, qualité et résidence et d’après le mode prévu par la loi. Les grosses et expéditions des actes portent l’empreinte de ce sceau à chaque rôle. Il est apposé également sur les brevets ».
Attendu que l’acte notarié censé constater la vente et figurant au dossier n’est ni daté, ni signé et ni revêtu du sceau du notaire qui l’a dressé et ne précise par le titre foncier concerné.
Attendu que cet acte est contesté par la SOCOM -SA
Attendu cependant que dans les énonciations de l’arrêt il est indiqué que « par l’acte de vente du 1 /02/ 2007, le titre foncier 4629 est sorti du patrimoine de la SOCOM ».
Mais attendu qu’en fait l’acte du 1er février 2007 indiqué par l’arrêt n’est qu’une attestation signée du seul notaire maitre Ad Ab A qui atteste avoir reçu l’acte de vente du bail emphytéotique entre Monsieur Ae et Monsieur Aa Ac.
Attendu que l’absence d’un acte authentique de vente signé du notaire ne peut être suppléée par une attestation unilatéralement délivrée par le même Notaire.
Que l’arrêt attaqué, en ne considérant pas l’apposition du sceau du notaire comme une obligation en vue de la validité de son acte de vente et en considérant tout de même l’attestation du 1er février 2007 comme un acte de vente, viole les dispositions de l’article 55 ci-dessus cité et encourt en conséquence la censure, la vente concernant un titre foncier.
II VIOLATION DE L’ARTICLE 7 DU CPCCS PAR FAUSSE APPLICATION ET FAUSSE APPRECIATION DES ELEMENTS DE LA CAUSE ;
Les deux branches de ce moyen qui interfèrent peuvent être analysées ensemble.
Attendu qu’il est fait essentiellement grief à l’arrêt déféré de la violation de l’article 7 du CPCCS pour avoir considéré comme un acte sous seing privé l’acte de vente litigieux sur le fondement de l’article 174 du code domanial et foncier, retenu qu’il est mentionné que EOK a payé 140 millions alors que cela n’est mentionné nulle part dans la convention de promesse de vente, puis ignoré que la transaction du 26 août 2007 doit entraîner la disparition de l’hypothèque.
Attendu que l’article 7 dont la violation est évoquée dispose que « le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat. Parmi les éléments du débat, le juge peut prendre en considération même les faits que les parties n’auraient pas spécialement invoqués au soutien de leurs prétentions ».
Attendu que les griefs faits à l’arrêt n’ont aucun rapport avec les dispositions l’article 7 du CPCCS, les juges du fond ayant en l’espèce fondé leur décision sur les faits qui sont tous dans le débat.
Qu’il y a lieu alors de rejeter les deux branches de ce deuxième moyen.
…Casse et annule l’arrêt attaqué ;
Renvoie la cause et les parties devant la Cour d’Appel de Bamako autrement composée ;…