2ème CHAMBRE CIVILE
Arrêt n°262 DU 10 1111 / 2014
Démolition.
SOMMAIRE :
Le défaut ou manque de base légale traduit de la part du juge une insuffisance de constatation de fait nécessaire à fonder en droit la solution retenue.
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Des pièces du dossier de l’instance et notamment de la décision n°417/MCVI-DB du 12 août 2010 du Maire de la Commune VI du District de Bamako, il ressort qu’à titre de régularisation la parcelle n°KJ/11 à usage d’habitation dans la réhabilitation de Niamakoro Secteur 13 en Commune VI est régularisée au nom de Monsieur B, menuisier ; que les dispositions de la décision n°0059/MCVI-DB du 15 Octobre 2002 sont nulles en ce qui concerne B notamment la parcelle KJ/18 ; en outre il ressort de la photocopie de la concession urbaine à usage d’habitation établie le 06 septembre 2010 suivant une décision n°00417 du 12 août 2010 que la parcelle n°KJ/11 a pour titulaire B ; d’une mention manuscrite que KJ/18 devient KJ11 ; d’une notification n°1387/CVI-DB/SD du 13 Juin 2001 que B est bénéficiaire de la parcelle KJ/11 et figure sur la liste des « Maintenus » de Niamakoro réhabilitation ; que sur la même liste des « Maintenus » le n°1386 est A, commerçant et correspond à la parcelle KJ/5.
Sur la requête de A, commerçant domicilié à Niamakoro, le Tribunal civil de la Commune VI du District de Bamako, par un jugement n°530 du 11 novembre 2009 ordonna le déguerpissement de B de la parcelle n°KJ/5 dont le titulaire est A.
Sur appel de B, la Chambre civile de la Cour d’appel de Bamako, par un arrêt n°395 du 23 Juin 2010 annula le jugement entrepris en ce qu’il n’a pas statué sur la demande reconventionnelle ;
Statuant par évocation, elle a fait droit à la demande de A, et a ordonné l’expulsion de B tant de sa personne ainsi que de tous occupants de son chef de la parcelle KJ5 du lotissement de Niamakoro ; le débouta du surplus de sa demande ; déclara B mal fondé en sa demande reconventionnelle ;
Sur pourvoi de B, la 2è chambre civile de ce siège, par un arrêt n°172 du 13 Juin 2011 rejeta le pourvoi.
Sur la requête en démolition de A contre B, le Tribunal civil de la Commune VI du District de Bamako, par un jugement n°220 du 13 Juin 2012 a déclaré n’y avoir lieu à statuer pour autorité de chose jugée, et a renvoyé les parties aux décisions de justice déjà prises.
Sur appel de A, la Chambre civile de la Cour d’appel de Bamako a par un arrêt n°179 du 20 mars 2013 infirmé le jugement entrepris et statuant à nouveau, ordonné la démolition des ouvrages édifiés sur la parcelle KJ/5 par B, puis a débouté A en sa demande de dommages-intérêts. C’est cet arrêt qui nous occupe.
Résumé succinct des moyens de cassation invoqués par le demandeur :
Au soutien de son recours le demandeur invoque deux moyens de cassation tirés de la violation de la loi (1) et du défaut de base légale (2).
1- Du moyen pris de la violation de la loi :
En ce que l’arrêt critiqué s’est contenté d’énoncer les arrêts n°172 du 13 juin 2011 de la Cour Suprême, 395 du 23 juin 2010 de la Cour d’appel de Bamako et le jugement n°330 du 11 novembre 2009 du Tribunal civil de la Commune VI du District de Bamako, tous passés en force de chose jugée pour ne pas statuer sur la démolition sollicitée ; que le jugement précité a fait une mauvaise interprétation de l’article 9 du CPCCS ;
Alors que selon le moyen, l’expulsion ordonnée par les décisions antérieures porte sur la parcelle KJ/5 du lotissement de Niamakoro ;
Alors encore que selon le moyen, le demandeur occupe la parcelle KJ/11 sur le terrain et possède un titre de propriété en vertu de la décision n°417 du 12 août 2010 objet de la concession urbaine n°122 du 6 septembre 2010 de la Mairie de la Commune VI du District de Bamako ; décisions qui à ce jour n’ont été ni annulées, ni rapportées par une autorité judiciaire ou administrative ; que la démolition ordonnée par les juges du fond sur la parcelle KJ/5 lui cause de graves préjudices car il est chaque fois expulsé de sa parcelle KJ/11 ; qu’en outre l’arrêt attaqué procède d’un refus d’appliquer la loi et mérite la censure.
2 – Du défaut de base légale :
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué de décider « que l’expulsion étant acquise au profit de A, il y a lieu d’accueillir favorablement sa demande de démolition en application de l’article 555 du Code Civil Français ;
Alors que selon le moyen, à aucun moment les juges du fond ne procèdent à une analyse des réalités parcellaires sur le terrain afin d’en tirer une quelconque conséquence légale ; qu’en conséquence l’arrêt n°179 du 20 mars de la Cour d’appel de Bamako mérite la censure.
Dans son mémoire en défense daté du 26 décembre 2013, A fait valoir :
* Sur le premier moyen :
Qu’il résulte du rapport d’expertise versé au dossier de l’instance que « les concessions de B et de A sont situées sur la parcelle KJ/5 du plan approuvé » ;
Que du même rapport d’expertise il ressort que la parcelle KJ/11 du même plan de projet approuvé est occupée par Ac Ab ; qu’il faut donc en déduire que les parcelles KJ/5 et KJ/11 ne sont pas identiques ; qu’au vu de ce plan, la décision n°0059/M-CVI-DB du Maire portant attribution de parcelle à usage d’habitation aux personnes maintenues dans la réhabilitation de Niamakoro, la parcelle KJ/5 reste et demeure la propriété de A ; que selon la même décision, la parcelle KJ/11 est identifiée sous le nom de Ac Ab et la parcelle KJ/18 sous le nom de B ; qu’il suit que le moyen doit être rejeté.
* Sur le deuxième moyen :
Que l’expulsion de la parcelle KJ/5 du demandeur ayant été ordonnée par un arrêt insusceptible de recours ; qu’il est de droit que les ouvrages irrégulièrement édifiés ne puissent empêcher le défendeur de jouir pleinement de ses droits ; que dès lors, l’arrêt attaqué a procédé aux prétendues constatations omises ; que cet autre moyen n’est pas plus heureux et doit être rejeté.
SUR QUOI, DISCUSSION :
1. Sur le premier moyen tiré de la violation de la loi :
Attendu qu’il est reproché à la Cour d’appel d’avoir fait une mauvaise interprétation de l’article 9 du CPCCS en se contentant d’énoncer les arrêts n°172 du 13 juin 2011 de la Cour Suprême ; 395 du 23 juin 2010 du 11 novembre 2009 du Tribunal civil de la Commune VI du District de Bamako, tous passés en force de chose jugée ;
Attendu que la violation de la loi par mauvaise interprétation ne figure pas au nombre des trois habillages que comportent les cas d’ouverture de violation de la loi et qui sont les suivant : le refus d’appliquer la loi ; la fausse application de la loi et enfin la fausse interprétation de la loi, laquelle s’apprécie d’ailleurs par rapport à l’interprétation donnée par la haute juridiction sur le sens d’un texte et auquel il convient de se référer ;
Attendu que l’article 9 du CPCCS visé par le moyen indique en substance qu’il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ;
Attendu qu’il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué que le jugement n°330 du 11 novembre 2009 du Tribunal civil de la Commune VI du District de Bamako, bien qu’ayant ordonné l’expulsion de B sur la parcelle n°KJ/5 à Aa ne s’est pas prononcé sur la démolition pourtant sollicitée ; que ce jugement a été confirmé par l’arrêt n°395 du 23 Juin 2010 de la Cour de céans et celui n°172 du 13 juin 2011 de la Cour Suprême ayant rejeté le pourvoi de l’intimé ; que cependant il est constant ainsi qu’il résulte du procès verbal de constat en date du 17 mars 2010 de l’huissier Amoutou Sissoko et du rapport d’expertise n°0908 DRUH-DB du 12 Mars 2012 de la Direction Régionale de l’Urbanisme et de l’Habitat du District de Bamako la preuve que l’intimé a illégalement érigé des constructions sur la parcelle n°KJ/5 appartenant à l’appelant [….] ;
Qu’en se fondant sur les arrêts n°172 du 13 juin 2011 de la Cour Suprême ; 395 du 23 juin 2010 de la Cour d’appel de Bamako et sur le jugement n°330 du 11 novembre 2009 du Tribunal précité tous passés en force de chose jugée pour ne pas statuer sur la démolition sollicitée ; le jugement querellé a fait une mauvaise interprétation de l’article 9 du CPCCS […..] ; que nulle part il ne ressort ni des débats, ni des pièces produites au dossier, preuve que les différents juges se soient prononcés sur la démolition ; qu’en l’absence de cette preuve on ne saurait opposer à l’appelant l’autorité de la chose jugée ; que l’expulsion étant acquise au profit de A ; il y a lieu d’accueillir favorablement sa demande de démolition en application de l’article 555 du Code Civil Français ;
Attendu que de ces motifs, il résulte que l’arrêt attaqué a fait l’exacte application de l’article 9 du CPCCS visé par le moyen ;
D’où il suit que ledit moyen est infondé ;
2- Sur le deuxième moyen tiré du défaut de base légale :
Attendu qu’il est reproché à la Cour d’appel de Bamako d’avoir ordonné la démolition avant de procéder à une analyse des réalités parcellaires sur le terrain afin d’en tirer une quelconque conséquence légale ;
Attendu que le défaut de base légale traduit de la part du juge une insuffisance des constatations de faits, nécessaires à fonder en droit la solution retenue ; que ces constatations soient incomplètes ou imprécises ; il y a seulement une justification incomplète de la décision ; que lorsque la haute juridiction accueille un tel moyen, elle reproche au juge d’avoir statué « sans mettre en évidence » « sans rechercher » « sans constater » « sans affirmer » tel ou tel élément nécessaire à la cohérence juridique du raisonnement (cf.Yves Chartier « La Cour de cassation 2ème édition, Collection Connaissance du Droit », 2001, Ed. Dalloz PP.68 et 69) ;
Attendu que des énonciations de l’arrêt attaqué, il résulte qu’il est constant ainsi qu’il résulte du procès verbal de constat en date du 17 mars 2012 de la Direction Régionale de l’Urbanisme et de l’Habitat du District de Bamako la preuve que l’intimé a illégalement érigé des constructions sur la parcelle KJ/5 appartenant à l’appelant [……] ;
Attendu qu’en se décidant ainsi, la Cour d’Appel a légalement justifié sa décision ;
D’où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
…Le rejette ;…