2ème CHAMBRE CIVILE
Arrêt n°300 DU 08 1212 / 2014
Annulation de vente aux enchères publiques.
SOMMAIRE :
Le mandat devient caduc s’il existe entre les parties une situation conflictuelle qui affecte nécessairement la confiance qui doit exister entre les parties.
1- Faits et Procédure :
Arabian American Gold Compagny INC (A.A.G.C. Inc) est une société minière opérant dans le Cercle de Kenieba (Région de Kayes), A était employé dans la société en qualité de chef des approvisionnements. Le 22 Avril 1996, son employeur lui donnait procuration de « retirer à la poste de Bamako ou tout autre service chargé de courrier ou d’envoi toutes lettres et tous colis de Arabian American Gold Company INC ou de son personnel ».
Le 31 octobre 1997, la société lui donnait une autre procuration aux fins de « prendre soin de l’ensemble des équipements et biens de la société … à Bamako aussi bien qu’à Kenieba et Fari ». Le 31 janvier 1999 certains travailleurs dont A assignaient l’A.A.G.C Inc en réclamation de droits et dommages-intérêts pour licenciement abusif.
Par ordonnance n°1 du 13 janvier 1999, le juge des référés du Tribunal du travail de Bamako a condamné la société à leur payer les salaires dûs et les indemnités de congés payés et rejetait le surplus de leurs demandes respectives.
Par jugement n°91 du 08 Mars 1999, le tribunal du travail de Bamako constatait la rupture des contrats des requérants dont celui de A et condamnait la société à leur payer tous leurs droits et des dommages-intérêts.
Par arrêt n°116 du 2 Décembre 1999, la chambre sociale de Cour d’Appel de Bamako a confirmé ce jugement.
Auparavant, à la requête de A et autres, les biens de la société A.A.G.C INC ont été saisis et vendus aux enchères publiques le 10 Septembre 1999 par Maître Sidiki Koné, commissaire priseur ad’hoc. Par la suite, la société Arabian American Gold Company INC a connu des difficultés qui ont entrainé le départ de sa Direction sur les Etats Unis. Ainsi plusieurs procédures ont abouti aux jugements ci.après : n°19 du 4 Mai 2000, n°02 du 18 janvier 2001 et n°003 du 03 janvier 2002, tous de la Justice de Paix à Compétence Etendue de Kenieba et Jugement n°001 du 02 octobre 2000 du Tribunal du travail de Kita, ont prononcé contre Arabian American Gold Company INC des condamnations aux paiements de sommes d’argent au profit de la société Africaine de Distributions SAD Oïl de Kayes représentée par Ai Ab B, géo Consult Ltd représentée par Ad B, Af Ah et deux autres ex-employés de L’A.A.G.C INC et Ac Ad B, chef de village de Sagolo.
A la requête de ses autres débiteurs de l’A.A.G.C.INC, les biens qui n’avaient pas été vendus lors de la première vente aux enchères publiques ont été à leur tour vendus aux enchères publiques, le 30 Avril 2002 par Maître Ag Ae, commissaire priseur ad ‘hoc à Kéniéba.
Face à cette vente, A, se prévalant de la procuration du 31 Octobre 1997 a, par requête en date du 03 Août 2006 attrait Ag Ae en annulation de vente aux enchères publiques devant le Tribunal Civil kéniéba ;
Par jugement n°26 du 14 Mai 2009, le Tribunal Civil de kenieba a débouté A de toutes ses demandes pour défaut de qualité.
Sur appel de A, la Cour d’Appel de Kayes a, par arrêt n°11 du 22 Février 2012 infirmé le jugement entrepris et a prononcé l’annulation de la vente aux enchères publiques effectuée suivant procès-verbal du 30 Avril 2002 par Maître Ag Ae commissaire priseur ad ‘hoc.
C’est contre cette décision qu’est dirigé le présent pourvoi.
2- EXPOSE DES MOYENS DE CASSATION :
Attendu que Maître Boubacar Tounkara, Conseil de Maître Ag Ae, demandeur au pourvoi soulève deux moyens de cassation tirés :
a) Du défaut de motifs :
En ce que A a reçu mandat de représenter son employeur à un moment où il était l’employé de la société A.A.G.C INC. Après son licenciement et le paiement de ses droits, il n’avait plus la qualité et le pouvoir d’ester en justice en lieu et place de son employeur, alors que depuis 1999, il ne faisait plus partie de l’effectif de la société A.A.G.C INC, qu’il s’ensuit dès lors, selon le pourvoi que ce motif invoqué par l’arrêt est inexact ; que l’inexactitude de motifs équivaut à un défaut de motifs ;
b) De la violation des articles 1988 et 1989 du code Civil :
En ce que le mandat du 31 octobre 1997 n’embrasse que des actes d’administration qui n’impliquent pas celui d’ester en justice ; qu’une action en annulation de vente aux enchères publiques n’est pas un acte d’administration ; qu’un mandat d’ester en justice doit être exprès ; que selon le pourvoi, il y a violation de l’article 1988 du Code Civil, justifiant la cassation de l’arrêt déféré ;
Que par ailleurs, le mandat du 31 Mars 1997 ne contient aucune disposition expresse conférant cette qualité à Monsieur A ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la Cour d’Appel de Kayes a violé les dispositions de l’article 1989 du Code Civil ; qu’en conséquence, le demandeur au pourvoi conclut à la cassation et à l’annulation de la décision entreprise ;
3 - ANALYSE DES MOYENS :
a) Sur le défaut de motifs :
Attendu que pour admettre le mandat du 31 octobre 1997 délivré par la société A.A.G.C INC à A et par conséquent parvenir à l’annulation de la vente aux enchères publiques constatée par procès-verbal du 30 Avril 2002 de Maître Ag Ae, commissaire priseur ad’hoc de Kenieba, la Cour d’Appel de Kayes se borne à énoncer « que s’il a le plein pouvoir de prendre soin des biens de la Société et que ce pouvoir n’est pas mis en cause par l’employeur ; que ceci implique que si la vie ou l’existence de ces biens est menacée, il a le pouvoir et le devoir, tout comme la qualité de tout mettre en œuvre pour les sauvegarder, donc d’ester en justice en lieu et place de son employeur tant que ce mandat n’est pas révoqué ; que dès lors Aa a le pouvoir et la qualité d’agir en lieu et place de son employeur ; qu’en agissant ainsi, Aa n’a nullement outrepassé ses pouvoir ou devoir » ;
Mais attendu qu’en se déterminant ainsi alors que la validité du mandat donné à A n’a fait l’objet d’aucune analyse et sans préciser en quoi, il avait qualité pour ester en justice au nom et pour le compte de son ex-employeur, la Cour d’Appel de Kayes ne permet pas à la Cour Suprême d’exercer son contrôle ;
Attendu qu’une telle analyse et une vérification élémentaire auraient permis de se rendre compte que le mandat du 31 octobre 1997 ne permettait pas à son détenteur de représenter son ex-employeur pour ester en justice ;
Aussi, convient-il de rappeler qu’aux termes de l’article 419 du CPCCS « Le mandat de représentation en justice emporte pouvoir et devoir d’accomplir au nom du mandant les actes de procédure » ;
Quant à l’article 423 CPCCS, il dispose que « le nom du représentant et sa qualité doivent être portés à la connaissance du juge par déclaration au greffe de la juridiction » ; qu’en l’espèce, à défaut de la preuve de l’accomplissement de cette formalité, le mandat délivré à A ne l’autorise pas à accomplir au nom du mandant des actes de procédure ;
Attendu par ailleurs que, le licenciement de A par son employeur et les procédures subséquentes constituent une situation nouvelle dont il fallait tenir compte. En effet, cette nouvelle situation ne peut pas être sans conséquence sur le mandat à lui donné. N’étant plus agent de la société, il ne peut plus « prendre soin des équipements et biens de la société » ;
Que la rupture du contrat de travail et les procédures qui en ont résulté, ont crée un climat conflictuel qui affecte nécessairement la confiance qui doit exister entre un mandant et son mandataire ;
Attendu en outre que la Direction de la société se trouvant au moment des faits aux Etats-Unis, ne pouvait, faute d’information ni infirmer ni révoquer le mandat donné à A ;
Attendu que tous ces éléments permettent de conclure que même si le mandat avait été donné dans les formes légales, il devient caduc du fait des situations sus-développées ; qu’en conséquence, de tout ce qui précède, le moyen invoqué peut être accueilli ;
b) De la violation des articles 1988 et 1989 du Code Civil
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt déféré d’avoir violé les articles 1988 et 1989 du Code Civil ;
Attendu que la République du Mali a légiféré en matière de représentation des parties en justice ; que ce faisant, le recours aux textes étrangers ne peut prospérer ; qu’en conséquence ce moyen doit être rejeté.
…Casse et annule l’arrêt déféré ;
Renvoie la cause et les parties devant la Cour d’Appel de Kayes autrement composée ;…