2ème CHAMBRE CIVILE
Arrêt n°7 d1212 / 01 / 2015
Restitution de parcelle.
SOMMAIRE :
Le commencement de preuve par écrit est un écrit émanant de la personne à qui on l’oppose et qui rend vrai semblable le fait allégué.
I- FAITS ET PROCEDURE :
Messieurs Ab et Ab ont assigné Monsieur A devant le Tribunal Civil de la Commune V du District de Bamako pour venir voir statuer sur la requête en restitution de parcelle introduite par eux.
Qu’ils exposent qu’ils avaient confié à A, géomètre expert, leur concession rurale sise à Gouana ; qu’en complicité avec le géomètre Aa Ac et B également géomètre, A a morcelé et vendu ladite concession rurale ;
Qu’ainsi, les susnommés ont détourné 30 parcelles leur appartenant.
Par jugement n°128 du 4 février 2013, le Tribunal de la Commune V a rejeté leur demande.
Sur leur appel, la Cour d’appel de Bamako a, par arrêt n°164 du 19 février 2014, infirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau, condamné A à payer à Ab la somme de vingt (20) millions de Francs CFA pour toutes causes confondues.
C’est cet arrêt qui fait l’objet du présent pourvoi.
II- EXPOSE DES MOYENS :
Le demandeur au pourvoi, sous la plume de son conseil Maître Modibo DIAKITE, soulève deux moyens de cassation tirés du défaut de base légale et de la violation de la loi.
I - Premier moyen tiré du défaut de base légale :
Le demandeur expose que dans sa motivation, l’arrêt attaqué précise que le manuscrit produit par les frères Ab à l’appui de leur demande, à défaut d’être une preuve formelle, peut constituer un commencement de preuve ;
Que cette motivation est insuffisante et manque de précision pour permettre à la Cour Suprême de vérifier si les juges du fond ont fait une application correcte de la règle de droit ;
Que les frères Ab n’ont aucunement justifié leurs prétentions, se bornant à affirmer sans aucune preuve que 20 parcelles ont été remises à A par le service des Domaines de Kati pour leur compte ;
Qu’il ne ressort nulle part dans la motivation que les juges du fond ont procédé à une quelconque vérification auprès du service des Domaines de Kati pour attester que ledit service a effectivement remis des parcelles à A pour le compte des frères Ab ;
Qu’ils n’ont pas non plus demandé les registres dans lesquels sont consignées toutes les attributions de parcelles avec les noms des bénéficiaires pour vérifier si les parcelles ont été remises à A par le Cercle de Kati pour le compte des frères Ab ;
Qu’or, il est constant que les doubles de toute attribution de parcelle sont consignés dans des registres tenus à cet effet ;
Qu’il est enfin à noter que suite à une réquisition adressée au Cercle de Kati, il a été clairement établi que les parcelles des ilots 62 et 63 indiquées dans le manuscrit et prétendument attribuées aux frères Ab, avaient été attribuées à diverses personnes nommément citées ;
Que dès lors, la motivation de l’arrêt attaqué manque de précision et ne permet pas à la Haute Juridiction d’exercer son contrôle ;
II - Deuxième moyen tiré de la dénaturation des faits et de la violation de l’article 9 du CPCCS et des articles 262 et 281 du RGO :
En ce que la Cour d’Appel a dénaturé les faits en affirmant sans aucune analyse « qu’il est constant que tous les lots ont été vendus par A avec la complicité de certains agents du service des Domaines de Kati… ».
Que la Cour d’appel a également affirmé que les frères Ab ont largement justifié leur prétention en se basant uniquement sur la photocopie non certifiée conforme du manuscrit produit par eux qui ne fait aucunement mention de la remise de 20 parcelles et sur lequel n’apparaît ni le nom de A, ni sa signature ;
Que la Cour d’appel a ainsi dénaturé les faits ; qu’elle ne peut en effet, interpréter les faits de la cause sans toutefois les dénaturer ;
Qu’en procédant ainsi, l’arrêt attaqué viole les dispositions de l’article 9 du CPCCS et celles des articles 262 et 281 du RGO.
Le demandeur au pourvoi sollicite une cassation sans renvoi en application de l’article 651 du CPCCS ;
Messieurs Ab et A, défendeurs au pourvoi ont, sous la plume de leur conseil Maître Souleymane Dembélé, produit un mémoire en réplique par lequel, ils demandent le rejet du pourvoi.
III- ANALYSE DES MOYENS
Le demandeur au pourvoi soulève sous la plume de son Conseil Maître Modibo DIAKITE, deux moyens de cassation tirés du défaut de base légale et de la dénaturation des faits et violation de la loi.
I - Sur le premier moyen tiré du défaut de base légale :
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir manqué de base légale pour avoir énoncé sans aucune analyse, que « Le manuscrit produit par les frères Ab à l’appui de leur demande, à défaut d’être une preuve formelle, peut constituer un commencement de preuve… ».
Attendu que le défaut de base légale est constitué par une insuffisance de motivation de la décision attaqué qui ne permet pas à la Cour Suprême de contrôler la régularité de la décision ou plus précisément de vérifier que les juges du fond ont fait une application correcte de la règle de droit ;
Qu’il s’agit de cas où le juge a donné des motifs de droit inexacts ou incomplets, laissant de côté certaines conditions indispensables à l’application de la règle de droit.
Attendu en l’espèce que la Cour d’Appel, sans s’expliquer sur les éléments de preuve produits, se borne à affirmer que « le manuscrit produit par les frères Tandia à l’appui de leur demande, à défaut d’être une preuve formelle, peut constituer un commencement de preuve ».
Attendu qu’il y a lieu de rappeler que constitue un commencement de preuve par écrit, tout acte par écrit qui est émané de celui contre lequel la demande est formée ou de celui qui le représente, et qui rend vraisemblable le fait allégué (art-1347 du Code Civil).
Qu’en plus, il appartient à celui qui a rapporté un commencement de preuve par écrit de le parfaire par d’autres éléments tels que témoignages ou indices que les juges du fond apprécient souverainement ;
Que dès lors, la Cour d’appel en se fondant sur la photocopie non légalisée d’un manuscrit qui ne porte ni le nom, ni la signature du demandeur pour se déterminer, n’a pas donné de base légale à sa décision qui s’expose à la cassation.
II - Sur le deuxième moyen tiré de la dénaturation des faits et de la violation de l’article 9 du CPCCS et des articles 281 et 262 du RGO :
Attendu que par ce moyen, le demandeur au pourvoi met en œuvre deux cas d’ouverture à cassation à savoir la dénaturation des faits et la violation de la loi ;
Attendu qu’il est de principe qu’à peine d’être déclaré d’office irrecevable un moyen ou un élément de moyen ne doit mettre en œuvre qu’un seul cas d’ouverture à cassation ;
Que par ailleurs, il y a lieu de rappeler que la dénaturation des faits ne constitue pas un cas d’ouverture à cassation recevable, car seul un écrit peut faire l’objet d’un grief de dénaturation ;
Que dès lors, en raison de son imprécision, ce moyen doit être déclaré irrecevable ;
…Casse et annule l’arrêt déféré ;
Renvoie la cause et les parties devant la Cour d’appel de Bamako autrement composée ;…