2ème CHAMBRE CIVILE
Arrêt n°106 du111 / 05 / 2015
Réparation de préjudice.
Sommaire :
Moyens de cassation : Défaut de base légale. Fausse interprétation de la loi. Fausse application de la loi. Seul le dol est la condition d’indemnisation d’un tiers dont les droits ont été méconnus par suite d’une immatriculation. Viole les dispositions de l’article 171 du CDF, l’arrêt qui condamne à des réparations sans relever un dol à l’encontre de celui qu’il condamne.
Faits et procédure
Par assignation datée du 23 Février 2012, le sieur C.S.S saisissait le Tribunal civil de Kati aux fins de réparation de préjudice contre les députés constituant l’Assemblée Nationale du Mali.
Cette Juridiction, par décision n°408 du 26 Novembre 2012, rejetait la fin de non recevoir soulevée par le Conseil des défendeurs motifs pris que N.D n’a reçu aucun mandat pour représenter l’Assemblée Nationale,
Déclarait l’assignation bien fondée ; y faisant droit, condamnait solidairement les défendeurs (les Députés constituant l’Assemblée Nationale du Mali actuellement et l’Etat du Mali) à payer à C.S.S la somme de cinq cent millions (500.000.000F) pour tous préjudices confondus ; ordonnait l’exécution de la présente décision nonobstant toutes voies de recours en mettant les dépens à la charge des défendeurs.
Sur appel interjeté par les défendeurs contre cette décision le 5 Avril 2013, la Cour d’Appel par arrêt n°641 du 30 Octobre 2013, confirmait le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf celles relatives au montant de la réparation des dégâts ; l’infirmait sur ce point ; statuant à nouveau : condamnait solidairement les Députés actuels de l’Assemblée Nationale du Mali et l’Etat du Mali à payer à C.S.S :
La somme de 84 .111.800FCFA à titre de réparation de préjudice matériel
La somme de 30.000.000.FCFA à titre de réparation de préjudice moral.
Déboutait C.S.S du surplus de sa demande.
Le 21 Février 2014, les appelants formaient pourvoi contre cet arrêt.
Exposé des moyens du pourvoi
Les demandeurs, sous la plume de leur Conseil et après avoir sommairement relevé les motivations de l’arrêt attaqué ont invoqué au soutien de leur recours trois moyens de cassation tirés du défaut de base légale pris en deux branches, la fausse interprétation de la loi et la fausse application de la loi.
Sur le premier moyen tiré du défaut de base légale en deux branches
A/ Première branche
En ce que l’arrêt affirme que « la purge des droits du sieur SOW n’est pas prouvée » ; alors que les demandeurs au pourvoi se prévalent de titres fonciers, titres créés après l’immatriculation ; que l’arrêt fait fi des effets de l’immatriculation, effets que victor Gasse résume en ceci ; l’intangibilité du titre foncier, après immatriculation, peut se définir en deux propositions ;
Les droits inscrits ne peuvent plus être contestés.
Les droits non révélés ne peuvent plus être inscrits. »
« Régimes Fonciers Africains et Malgache » P.152 n°149) (Pièce n°2) et Couadou Lebrozec d’agouter : « Le but du régime de l’immatriculation est de conférer au propriétaire d’un immeuble un titre opposable à tous. » CF. « Droit Domanial et foncier en République du Mali » P.56 (Pièce n°3) ;
Que ce principe est au demeurant consacré par l’article 169 du Code domanial et foncier.
Que l’arrêt querellé en ne prenant pas en compte ces paramètres d’appréciation pêche par un défaut de base légale qui se définit « par une insuffisance de motivation de la décision attaquée qui ne permet pas à la Cour de cassation de contrôler la régularité de la décision ou plus précisément de vérifier que les juges du fond ont fait une application correcte de la règle de droit » Selon les auteurs Marie –Noelle Jobard – Bachelier, Xavier Bachelier.
Que l’arrêt mérite censure de ce Chef ;
B/ Deuxième branche
En ce que l’arrêt soutient par ailleurs que « l’Administration est responsable de l’immatriculation de la parcelle »…, sans préciser de quelle administration il s’agit, en mentionnant que « la dite parcelle a été réattribuée aux députés de l’Assemblée Nationale par le Préfet de Kati… » Alors que c’est l’Administration des Domaines qui procède à l’immatriculation
Qu’en se prononçant comme il l’a fait, l’arrêt ne met pas la haute Cour à même d’assurer son contrôle.
Que ce moyen mérite en conséquence d’être accueilli.
2/ Sur le deuxième moyen tiré de la fausse interprétation de l’article 171 du CDF
En ce que « la fausse interprétation de la loi, comme le refus d’application, est une erreur dans la déduction des conséquences légales des faits constatés » (CF. la cassation en matière civile. »Jacques Boré-P571 n°1873)
Que l’arrêt a retenu « Que l’administration est responsable de l’immatriculation de la parcelle de Aa A en méconnaissance des droits de celui-ci, alors que l’article 171 sus mentionné dispose que « les personnes dont les droits auraient été lésés par suite d’une immatriculation ne peuvent se prévaloir par voie d’action réelle, mais seulement en cas de dol par voie d’action personnelle en indemnité contre l’auteur présumé du dol.
« Qu’à l’exclusion de l’action personnelle ci-dessus indiquée, qu’aucun droit coutumier, qu’aucun droit conféré par un permis d’occuper, une concession rurale ou une lettre d’attribution n’est opposable au titre foncier. »
Qu’il s’ensuit que la méconnaissance des droits d’un tiers n’est pas condition de l’indemnisation mais plutôt le dol, le dol étant une manœuvre frauduleuse, parfois mensongère ou réticence blâmable, ayant pour objet de tromper l’une des parties à un acte juridique en vue d’obtenir son consentement.
Caractérise aussi, en matière délictuelle, la faute intentionnelle de causer un dommage à autrui. »
Que l’arrêt qui n’a même pas mentionné le dol, procède ainsi d’une fausse interprétation de l’article 171 nouveau et mérite d’être censuré.
3) Fausse application des article 125 et 127 du RGO
En ce qu’en se fondant sur la violation des dispositions des articles 125 et 127 du Régime général des obligations, les juges d’appel ont procédé par une fausse application des textes sus- visés qui ne sont pas applicables en l’espèce , l’article 171 du nouveau code domanial et foncier ne laissant ouverte que la voie de l’indemnisation en cas de dol.
Que par ailleurs, les droits relatifs à la parcelle 254 ayant été purgés et cette purge comprenant l’évaluation de toutes les installations édifiées, condamner les appelants à réparer les dommages –intérêts consécutifs à la démolition des installations au motif qu’ils n’avaient été préalablement autorisés par la justice revient à méconnaitre leur droit de propriété en vertu du titre foncier.
Qu’il s’agisse de Ab C (premier attributaire de la parcelle 254) qui ait été retenu au lieu de C.S.S (deuxième attributaire de la parcelle 254) n’est qu’une erreur réparable qui en aucun cas ne peut constituer une faute imputable aux appelants, à plus forte raison un dol, ceux –ci n’ayant fait que jouir de leur droit de propriété.
Attendu que le défendeur qui a reçu notification du mémoire ampliatif y a répliqué en concluant au rejet du pourvoi
Analyse des moyens
Attendu que le pourvoi fait grief à l’arrêt n°641 du 30 Octobre 2013 de la Cour d’Appel de Bamako le défaut de base légale, la fausse interprétation de l’article 171 nouveau du Code Domanial et Foncier et la fausse application des articles 125 et 127 du Régime général des Obligations.
Sur le premier moyen tiré du défaut de base légale
Par ce premier moyen divisé en deux branches, le pourvoi fait grief à l’arrêt querellé de manquer de base légale en affirmant d’une part que « la purge des droits du sieur SOW n’est pas prouvée et en soutenant d’autre part que l’administration est responsable de l’immatriculation sans préciser de quelle administration il s’agit en mentionnant simplement que la dite parcelle a été réattribuée aux députés de l’Assemblée Nationale par le Préfet de Kati.
Attendu que le défaut de base légale se définit « par une insuffisance de motivation de la décision attaquée qui ne permet pas à la Cour de cassation de contrôler la régularité de la décision ou plus précisément de vérifier que les juges du fond ont fait une application correcte de la règle de droit (Marie –Noëlle B, Xavier Bachelier)
Mais Attendu que les demandeurs au pourvoi se prévalent de titres fonciers, titres crées après immatriculation.
Que c’est par acte administratif n°11-0746/MLAFU-DNDC-DRDC que le Directeur Régional des Domaines et du Cadastre de Koulikoro agissant au nom et pour le compte de l’Etat du Mali à cédé à titre Onéreux la parcelle de terrain à usage d’habitation d’une superficie de 5 ha 42 a 36 ca sise à Dialakorobougou Moutougoula aux députés constituant aujourd’hui l’Assemblée Nationale du Mali représentés par Monsieur N.D, parcelle de terrain issue du morcellement du Titre foncier 42442 de Kati appartenant à l’Etat du Mali pour l’avoir immatriculé en son nom.
Qu’il résulte de ce qui précède, que l’arrêt incriminé qu’en disposant que la décision n°346 /CKTI-DOM du 14-10-2009 portant purge des concessions rurales faisant objet de retrait n’a jamais fait cas de C.S.S ; que la purge des droits du sieur SOW n’est pas prouvée ; que l’Administration est responsable de l’immatriculation de la parcelle de C.S.S en méconnaissance des droits de celui-ci, qu’elle engage sa responsabilité en application des dispositions 171 du Code domanial et foncier, que c’est suite à cette violation que les députés ont procédé à la démolition des constructions de Aa Ac A sans décision l’autorisant, pêche par une insuffisance de motivation ; d’où il suit que le moyen est fondé et sera accueilli.
Sur le deuxième moyen tiré de la fausse interprétation de l’article 171 du Code domanial et foncier
Par ce second moyen, le pourvoi reproche à l’arrêt 641 de la Cour d’avoir retenu que l’Administration est responsable de l’immatriculation de la parcelle de Aa Ac A en méconnaissance des droits de celui-ci alors que l’article 171 sus-mentionné dispose que « les personnes dont les droits auraient été lésés par suite d’une immatriculation ne peuvent se prévaloir par voie d’action réelle, mais seulement en cas de dol par voie d’action personnelle en indemnité contre l’auteur présumé du dol.
« Qu’à l’exclusion de l’action personnelle ci-dessus indiquée, aucun droit coutumier , aucun droit conféré par un permis d’occuper, un droit coutumier, aucun droit conféré par un permis d’occuper, une concession rurale ou une lettre d’attribution n’est opposable au titre foncier. » ;
Qu’il s’ensuit que la méconnaissance des droits d’un tiers n’est pas condition d’indemnisation mais plutôt le dol qui se définit comme étant une manœuvre frauduleuse, parfois mensongère ou réticence blâmable, ayant pour objet de tromper l’une des parties à un acte juridique en vue d’obtenir son consentement.
Attendu en effet que « la fausse interprétation de la loi comme le refus d’application est une erreur dans la déduction des conséquences légales des faits constatés » (Cf la cassation en matière civile –Jacques Boré.P571 n°1873) ;
L’article 171 du code domanial et foncier malien dispose : « les personnes dont les droits auraient été lésés par suite d’une immatriculation ne peuvent se prévaloir par voie d’action réelle, mais seulement en cas de dol par voie d’action personnelle en indemnité contre l’auteur présumé du dol
Que l’arrête 641 en énonçant que l’administration est responsable de l’immatriculation de la parcelle de Aa Ac A en méconnaissance des droits de celui-ci ; qu’elle engage donc sa responsabilité en application des dispositions de l’article 171 du code domanial et foncier , que c’est suite à cette violation que les députés ont procédé à la démolition des construction de C.S.S , de surcroit sans une décision l’autorisant ne fait aucunement mention du dol qui est une condition de l’indemnisation et non la méconnaissance des droits des tiers.
Que l’arrêt qui s’est abstenu de faire mention du dol comme préalable à une indemnisation a procédé par fausse interprétation des dispositions de l’article 171 nouveau du code domanial et foncier.
D’où il suit que ce second moyen sera également accueilli
Sur le troisième moyen tiré de la fausse application des articles 125 et 127 du Régime Général des obligations
Qu’il est enfin fait grief à l’arrêt critiqué la fausse application des articles 125 et 127 du Régime général des obligations pour s’être fondé sur ces deux textes pour condamner solidairement les Députés actuels de l’Assemble Nationale du Mali et L’Etat du Mali à payer à C.S.S la somme de 84.111.800 F à titre de réparation du préjudice matériel et 30.000.000F à titre de réparation du préjudice moral alors que les dits textes ne sont pas applicables en l’espèce.
Attendu en effet qu’il résulte de l’analyse du précédent moyen (fausse interprétation de l’article 171 nouveau du code domanial et foncier) que la voie de l’indemnisation n’est ouverte qu’en cas de dol.
Que les droits relatifs à la parcelle 254 ayant été purgés et la dite purge comprenant l’évaluation de toutes les installations édifiées ; condamner les demandeurs à réparer les dommages consécutifs à la démolition des installations sur le fondement des articles 125 et 127 du RGO au motif qu’ils n’avaient été préalablement autorisés par la justice reviendrait à méconnaitre leur droit de propriété conféré par de leurs titres fonciers.
Qu’il s’ensuit que ce dernier moyen sera accueilli pour sa pertinence
…Casse et annule l’arrêt déféré ;
Renvoie la cause et les parties devant la Cour d’Appel de Bamako autrement composée ;…